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SCHISME BYZANTIN. ESSAIS D’UNION


pour en obtenir du secours, promettant en retour d’opérer l’union des Églises. Cf. Jalïé, Monumenta greguriana. Bibliotheca rerum germanicarum, t. ii, p. 31 sq., 145. Le pape entra d’autant plus facilement dans ses vues, qu’il avait aperçu lui-même le danger musulman et se proposait de recruter, dans ce but, une armée de 50 000 hommes. Mais il entendait poser ses conditions pour la réconciliation religieuse. L'Église grecque reconnaîtrait la primauté romaine avec toutes les conséquences qui s’en suivent. On s’occupa du projet durant toute l’année 1074. Puis brusquement les pourparlers cessèrent, vraisemblablement à cause de l’opposition du patriarche Xiphilin et du haut clergé byzantin. Grégoire VII n’en continua pas moins à entretenir avec le basikus des relations cordiales, que pouvait rendre durables le projet de mariage d’Hélène, fille de Robert Guiscard, avec le jeune Constantin, fils de Michel VII, conclu en 1074. Malheureusement la révolution de palais qui détrôna Michel au profit de Nicéphore III Botoniate vint tout brouiller. Le pape, fidèle au souverain déchu, excommunia l’usurpateur. Robert Guiscard, qui était devenu le gendre de Michel VII, trouva là un beau prétexte pour attaquer les Byzantins et recourut à une audacieuse mystification pour mettre Grégoire VII de son côté. Mais cette politique fut fatale à toute union religieuse non seulement durant les trois années du règne de Nicéphore Botoniate, mais aussi durant les sept premières années du règne d’Alexis Comnène (1081-1118), qui, pour tenir tête au prince normand, s’allia avec Henri IV d’Allemagne. À cause de ces événements, la mémoire de saint Grégoire VII devint odieuse aux Byzantins. Dans son Alexiade, t. I, P. G., t. cxxxi, col. 52 sq., Anne Comnène trace de ce pape une véritable caricature.

Dès son avènement, Urbain II (1088-1099) entama des négociations avec le basileus pour le rétablissement de relations cordiales dans le domaine politique et religieux. Une ambassade pontificale se rendit à Constantinople pour solliciter le retrait des mesures persécutrices prises contre certaines églises latines de Constantinople à l’occasion de la guerre de Robert Guiscard contre Byzance. Alexis accueillit les ouvertures pontificales, sachant de quel prix était l’amitié du pape. Il s’offrait à favoriser la liquidation de la controverse sur les azymes. Un concile se réunirait à Constantinople auquel le pape se rendrait avec ses théologiens. La liberté de discussion serait complète et tout le monde s’en tiendrait à la décision prise d’un commun accord. Mis au courant des négociations par le pape, le frère et successeur de Robert Guiscard, Roger de Sicile, approuva le projet de concile. Urbain II put, dès lors, donner au basileus une réponse affirmative et de part et d’autre on se prépara au concile.

Malheureusement les agissements de l’antipape Clément III (Guibert) et de ses partisans empêchèrent Urbain II de partir pour l’Orient. Il dut se contenter d’envoyer des légats à Constantinople dans le courant de l’année 1089. Ceux-ci relevèrent de l’excommunication l’empereur Alexis qui, en retour, demanda au patriarche byzantin et à son synode d’inscrire le nom du pape aux diptyques de Sainte-Sophie. Le synode s’y refusa tout d’abord, prétextant « certains différends d’ordre canonique », y.ocvovixà Çy]TY)(i.aTa, qui existaient entre les deux Églises et exigeant du pape l’envoi de sa profession de foi. Mais la volonté du basileus était formelle. Fort habilement, Alexis demanda qu’on fît une enquête dans les archives de Sainte-Sophie pour trouver le document officiel attestant que l'Église de Rome avait été canoniquement séparée de l'Église byzantine et motivant la suppression du nom du pape dans les diptyques. On eut beau fouiller. On ne trouva rien de tel. Il y avait sans doute le fameux Édit synodal

de Michel Cérulaire ; mais, comme nous l’avons vu col. 1355, la pièce ne regardait ni l'Église romaine ni son chef, mais seulement les trois légats de 1054, en la personne desquels on n’avait vu que des émissaires d’Argyros. S’adressant alors au synode, Alexis fit remarquer qu’il était absolument illégal de supprimer le nom du pape dans les diptyques avant une condamnation canonique dans les formes. Le patriarche et le synode durent s’incliner et décidèrent de recourir à l'économie : on inscrirait le nom du pape aux diptyques en lui marquant un délai de dix-huit mois, au cours duquel il aurait à envoyer sa profession de foi et à se présenter devant le synode, soit personnellement, soit par délégués, pour l’examen des questions pendantes entre les deux Églises. Ce qui fut réglé fut exécuté. Après plus de soixante ans d’interruption, le nom de l'évêque de Rome fut de nouveau proclamé à la Grande Église de Constantinople et la communion provisoirement rétablie avec les Latins, dont les églises fermées furent rouvertes. Ce que les légats de saint Léon IX n’avaient pu obtenir était accordé à ceux d’Urbain II, grâce à l'énergique intervention du basikus. Il est vrai que les conditions posées pour l’union définitive étaient difficilement acceptables pour le pontife romain. Les hauts prélats byzantins comptaient bien que leurs conditions et les termes dans lesquels on les formulait suffiraient à faire échouer l’accord définitif et à préserver une fois de plus leur autonomie menacée. Dans sa lettre à Urbain II, le patriarche Nicolas III Grammaticos (1084-1111) affectait de le traiter comme un égal, ôy.OTCCfi]ç, et lui reprochait discrètement de n’avoir pas envoyé sa lettre enthronistique avec sa profession de foi, au moment de son élection, conformément à l’usage. Par ailleurs, le synode permanent exigeait l’acceptation de toute la discipline canonique de l'Église byzantine, y compris les canons apostoliques et toute la législation du concile in Trullo, qui était qualifié d’oecuménique. Tout cela était difficilement recevable. Il n’en est pas moins curieux de constater que, plus de trente ans après Michel Cérulaire, on ne trouvait à Byzance rien de sérieux à faire valoir pour légitimer la rupture avec l'Église romaine. Un peu de bonne volonté aurait suffi à dissiper les malentendus. Mais il aurait fallu que les prélats byzantins reconnussent la primauté véritable du successeur de Pierre, et c’est cela qu’ils ne voulaient pas. Voir sur toute cette affaire le dossier inédit publié par H. Holtzmann, Unionsverhandlungen zwischen Kaiser Alexis I. und Papst Urban II. im Jahre 1089, dans la Byzantinische Zeitschrift, t. xxviii, 1928, p. 38-67.

Combien de temps dura cette union provisoire ? Nous l’ignorons. Bientôt survint la première croisade et les complications politiques qu’elle amena entre Byzantins et Occidentaux. La polémique antilatine paraît cependant avoir fait trêve en Orient jusqu’en 1111-1113, époque où une nouvelle tentative d’union s’esquissa entre le pape Pascal II (1099-1118) et Alexis Comnène. On reparla d’un concile œcuménique pour éclaircir les points controversés. En 1113, l’archevêque de Milan, Pierre Grossolano, revenant de Terre sainte en Occident, passa par Constantinople et entama des discussions avec les théologiens grecs sur la procession du Saint-Esprit et les azymes. C’en fut assez pour rallumer en Orient le feu de la polémique antilatine. Une nuée de théologiens se leva aussitôt pour défendre l’orthodoxie et protéger l’autonomie byzantine ; les traités contre le Filioque et les azymes se multiplièrent. C’est alors que le moine exégète Euthyme Zigabène produisit sa Panoplie dogmatique, dont un titre entier est réservé aux erreurs latines. Mauvais présage pour le succès de l’union ! Cela n’empêcha point les successeurs d’Alexis, Jean et