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    1. SCHISME BYZANTIN##


SCHISME BYZANTIN. MICHEL CÉRULAIRE

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comme il dit, et pour le rendre favorable à la cause des Byzantins dans la lutte contre les Francs. Loc. cit., 3, col. 781 B. Mais qu’on ne lui parle pas de sujétion au successeur de Pierre. L’esprit d’indépendance qui l’anime lui en rend insupportable la simple pensée. Ce n’est pas qu’il veuille entrer directement en conflit avec lui, ni contester sa primauté par des polémiques, mais il veut traiter avec lui d’égal à égal. Il consentira à inscrire son nom sur les diptyques de Sainte-Sophie, si le pape veut bien lui-même le payer de retour : « Si par toi mon nom est proclamé dans la seule Église romaine, par mon intermédiaire ton nom sera connu dans toutes les Églises de l’univers. » Cf. Leonis IX epist. ad Michælem, P. L., t. cxliii, col. 770. Il est déjà plus exigeant que le patriarche Eustathe en 1024, en ce sens qu’il ne parle plus, comme celui-ci, de reconnaître la primauté universelle du pontife romain ; il se pose d’emblée comme son égal. Avec de pareilles dispositions, il n’est pas étonnant qu’il ait mis tout en œuvre pour empêcher la réconciliation religieuse, à l’occasion de l’alliance politique qui se négociait, par l’intermédiaire d’Argyros, entre saint Léon IX et le basileus contre les Normands de l’Italie méridionale. Aussi, dès qu’il a eu vent de ces négociations, il a dressé son plan de combat pour faire échouer le projet au moins sur le terrain religieux. De là son attaque brusquée contre les rites et les usages de l’Église romaine, accompagnée de la fermeture des églises latines de Constantinople, sans qu’aucun litige, aucune controverse ait précédé. Il ne s’est pas, du reste, compromis lui-même directement, mais il a fait marcher le chef de l’Église bulgare, Léon, archevêque d’Ochrida.pour se ménager une possibilité de recul, au cas où le basileus se montrerait trop exigeant. Léon lui-même n’écrit pas directement au pape, mais adresse son manifeste à un prélat latin d’Apulic, Jean, archevêque de Trani, qui est chargé de le transmettre à tout l’Occident et au pape lui-même.

Ce manifeste est une attaque directe contre les rites et les usages de l’Église latine et constitue une violation flagrante du canon que Photius avait fait approuver au synode de Sainte-Sophie sur les usages particuliers des diverses Églises. Aucun grief proprement dogmatique. On a même oublié le Filioque de Photius. Cérulaire avoue à Pierre d’Antioche qu’il ignorait d’abord cette question. Epist., ii, Ad Petrum Antiochenum, 9, 15, P. G., t. cxx, col. 788-789, 793 C. Mais on en veut au jeûne du samedi, à l’usage de manger des viandes non saignées, à la suppression de Valleluia pendant le carême, et surtout à l’emploi du pain azyme dans la célébration du sacrifice eucharistique. La question des azymes est la trouvaille propre de Cérulaire.

Une fois mise sur le terrain des rites et des usages, la polémique antilatine ne pouvait que se développer. Ce développement fut rapide. Aux quatre « énormités » dénoncées par Léon d’Achrida dans son manifeste, Nicétas Stéthatos ajouta, quelques semaines après, deux nouveaux griefs : le célibat ecclésiastique et l’omission pendant le carême du rite des présanctifiés, observé par l’Église byzantine. Puis, le cardinal Humbert, durant son séjour à Constantinople, ayant eu la malencontreuse idée d’attaquer les (liées sur la procession du Saint-Esprit et même de leur reprocher d’avoir supprimé (sic) dans le symbole de Nicée-Constantinople le mol Filioque, on en vint enfin à ce grief, sans y attacher d’ailleurs autrement d’importance. Des divergences entre 1rs deux Eglises Michel allonge démesurément la liste dans sa seconde lettre à Pierre d’Antioche. Cf. l’article Michel CÉRULAIRE, t. x, ccil. 1698-1699. Plusieurs, du reste, sont de pures ca lomnies, par exemple l’accusai ion de ne pas vénérer les reliques et les images. La plupart roulent sur des pué rilités. À la fin de sa lettre, le patriarche byzantin a soin de dire que l’énumération est loin d’être complète. Cette liste est parvenue jusqu’à nous dans un opuscule que certains manuscrits attribuent à tort à Photius et qui porte le titre de Ilepl twv OpdcyYwv, Sur les Francs et les autres Latins. Les emprunts faits aux lettres de Cérulaire sont’manifestes. Tous les griefs qu’il a énumérés s’y retrouvent et d’autres du même genre s’y ajoutent. Du reste, variantes et additions ne manquent pas dans les manuscrits. Le début mérite d’être cité :

L’évêque de Rome et tous les chrétiens occidentaux qui habitent au delà de la mer Ionienne : Italiens, Lombards, Francs, comme aussi Germains, Amalfitains, Vénitiens et les autres, à l’exception des Calabrais et des Allemands — ces derniers, en effet, ne diffèrent en rien des anciens païens tant par la religion que par la sauvagerie de leurs mœurs ; quant aux Calabrais, ce sont, depuis l’origine, des chrétiens oithodoxes, élevés dans les rites de notre Église apostolique — tous ceux-là, y compris le pape, vivent depuis de longues années hors de l’Église catholique, étrangers qu’ils sont aux traditions de l’évangile des apôtres et des Pères, et suivent des rites et des coutumes illicites et barbares. Les plus mauvaises et les plus détestables sont les suivantes :

1. Alors que le symbole de notre foi, composé des paroles évangéliques, s’exprime clairement en ces termes sur le Saint-Esprit : « Et au Saint-Esprit, Seigneur, vivifiant, qui procède du Père », eux ont fait cette addition fausse et périlleuse : « et du Fils ». À mon avis, à cause de la pauvreté de leur langue, ils ont cru que la procession du Saint-Esprit du Père était la même chose que l’envoi du même Esprit par le Fils jusqu’à nous. Dans leur ignorance, ces barbares ont pensé que la mission ne différait en rien de la procession.

2. Au lieu de pain, ils offrent des azymes et calomnient l’apôtre Pierre et les saints Pères qui furent évêques de Rome, en disant que ce sont eux qui leur ont transmis cette tradition. Hergenrôther, Monumenta græca ad Phoiium ejusque historiam pertinenlia, Ratisbonne, 1869, p. 62-71. Cf. P. G., t. cxl, col. 541 sq., où l’on trouve une traduction latine de l’opuscule, due à Hugues Éthérien.

Et la liste continue. Avec quelques variantes, on répète ce qu’ont reproché aux Latins Cérulaire, Léon d’Achrida et Nicétas Stéthatos, à l’exception du rite des présanctifiés pendant le carême. Cet oubli est largement compensé par de nouveaux griefs dans le genre de ceux-ci :

Dans leurs églises, on ne voit d’autre image que le crucifix, et celui-ci n’est pas peint, mais en relief. En entrant dans les églises, ils se prosternent en murmurant des prières ; puis traçant une croix sur le sol, ils la baisent et s’en vont. A la mère de Notre-Seigneur Jésus-Christ ils ne donnent pas le nom de Théotocos, mais t’appellent simplement sainte Marie. Chez eux, n’importe qui, quels que soient son âge, son sexe et son rang, peut entrer dans le sanctuaire et s’avancer près de l’autel pendant la messe ; on voit même des femmes s’asseoir sur le trône de l’évêque. Tel est leur discernement du sacré et du profane. Non seulement ils mangent des viandes étouffées et du sang, mais aussi des ours, des chiens et des loups et d’autres animaux encore plus immondes. Leurs prélats et leurs prêtres, au lieu d’habits de laine, portent des vêtements de soie polychrome, des bagues et des gants. Pour le baptême, non seulement ils remplissent de sel la bouche du baptisé, mais encore ils l’enduisent de salive. Lorsque les baptisés sont parvenus à l’âge adulte et sont tombés dans le péché, ils leur font une onction d’huile pour la rémission des péchés et paraissent ainsi administrer deux fois le baptême (allusion sans doute à l’administration de la confirmation séparément du bap1 èmc). Esclaves de rites judaïques, leurs prêtres font chaque jour toute sorte de purifications et d’aspersions pour écarter malheurs et dangers. Ils ont une curieuse manière de faire le signe de la croix avec les cinq doigts et de se signer ensuite avec le pouce. Bien que leur loi impose le célibat aux diacres, aux prêtres et aux évêques, ceux-ci n’en contrarient lias moins mariage et convolent même en secondes et troisièmes noces. À les entendre, il ne serait permis de louer Dieu qu’en trois langues : l’hébraïque, la grecque et la latine. Ils n’enterrent leurs évêques qu’au bout de huit jours ; durant ce temps, les fidèles leur apportent des présents ; puis on les