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1345 SCHISME BYZANTIN. ENTRE PHOTIUS ET CÉRULAIRE 1346

Phocas se considérer encore comme le souverain légitime de l’Italie, traiter d’usurpateurs les Lombards et autres Barbares qui ont osé s’emparer de ce pays, et refuser le titre de basikus à l’empereur Otton, qui n’est pour lui qu’un vulgaire çrJL. Quant à l'évêque de Crémone, il parle sans ménagement de ces Romains, 'P(0(j.aïoi (il s’agit des Byzantins), qui ont laissé Rome tomber sous la domination des courtisanes : Legaiio ad Nicephorum Phocam, P. L., t. cxxxvi, col. 909-938. Un peu plus tard, le chroniqueur Raoul Glaber se montre plus juste pour les Grecs et ne fait pas difficulté de reconnaître que, de son temps, les règles de la discipline ecclésiastique sont mieux observées en Orient qu’en Occident. Historiée, éd. Prou, t. I, c. i.

Sur la fin du xe siècle, en 987, un grave événement se produit qui intéresse la chrétienté tout entière. Le kniaz Vladimir se convertit au christianisme avec ses Russes. Rome et Constantinople se disputent quelque temps l’influence sur les nouveaux convertis. Les Latins paraissent d’abord l’emporter. Contrairement à la légende inventée par des Grecs, au xiie siècle, et communément acceptée comme historique encore de nos jours par trop de savants, ignorants des découvertes des historiens russes du xixe siècle, Vladimir ne fut pas baptisé à Kherson par des Grecs en 988-989, mais bien à Kiev, en 987, par des Varègues chrétiens qui suivaient vraisemblablement le rite latin. C’est de Rome, et non de Byzance, que la nouvelle Église russe reçut sa première organisation hiérarchique. Le rite byzantin ne fut officiellement adopté que sous Jaroslav (1016-1054). L’influence romaine se maintint durant tout le règne de ce prince. Mais après lui, à une date non encore précisée, la métropole de Kiev lut rattachée au patriarcat œcuménique, qui imposa à l'Église russe des métropolites d’origine grecque jusqu'à l’invasion des Mongols (1240). C’est par l’action de ces Grecs que le schisme s’implanta en Russie dès la fin du xie siècle. Cf. notre article Les origines romaines de l'Église russe, dans les Échos d’Orient, t. xxxvi (1937), p. 257-270 ; N. de Baumgarten, Saint Vladimir et la conversion de la Russie, Rome, 1932, dans Orientalia christiana, t. xxvii, fasc. 1, p. 1-136 ; ici l’art. Russie, col. 209 sq.

C’est aussi pendant la période que nous étudions que se fixe définitivement l’orientation religieuse des Slaves de la péninsule balkanicme. La question bulgare n’avait pas peu contribué, nous l’avons vii, à aigrir les relations entre Rome et Constantinople. Au concile de Sainte-Sophie de 879-880, les Byzantins avaient donné satisfaction au pape Jean VIII en renonçant à la juridiction sur la Bulgarie. Mais il fallait amener le roi Boris à ratifier cet arrangement et à se remettre sous la juridiction romaine. Jean VIII s’y essaya vainement. Boris garda son clergé byzantin jusqu’au jour où, chassés de Moravie, les disciples de saint Méthode lui demandèrent l’hospitalité (886). Le prince les reçut à bras ouverts ; et comme la grande majorité de son royaume était de race slave, il profita de cette occasion pour introduire dans l'Église bulgare la langue et la liturgie slavonnes constituées par les saints Cyrille et Méthode. L’un des principaux disciples de saint Méthode, Gorazd et, après lui, Clément, reçurent le titre d’archevêque de Bulgarie.

Ce titre ne satisfaisait pas les souverains bulgares. Ils voulaient s'égaler au basileus byzantin et avoir un patriarche pour leur donner la consécration impériale. La cour byzantine repoussa longtemps leurs prétentions, qui ne furent reconnues qu’en 945, après que le Saint-Siège, antérieurement à l’année 926, les avaient déjà satisfaites en reconnaissant au successeur de Boris, le tsar Siméon (893-927), le titre de tsar ou empereur, et à l’archevêque bulgare celui de patriarche. Cf. Theiner, Monumenta historiée ïlavorum meridiona DICT. DE THÉOL. CATHOL.

lium, t. i, p. 15, 20. Ce fut aussi une légation romaine qui apporta la couronne impériale à Pierre, successeur de Boris (927-969). À partir de cet événement jusqu'à la destruction de l’empire bulgare par Basile II le Bulgaroctone (1018), on ne trouve pas trace d’interventions du Saint-Siège en Bulgarie. L’union religieuse existait évidemment et les tsars bulgares, qui durant toute cette période furent en guerre perpétuelle avec les Byzantins, loin d’avoir quelque motif de se séparer de Rome ou de se plier aux vicissitudes de la politique byzantine à l'égard du Saint-Siège, avaient plutôt intérêt à entretenir avec celui-ci des relations amicales. Aussi peut-on affirmer que l'Église bulgare ne participa ni au schisme de la tétragamie, ni à celui qui fut occasionné par l’antipape Franco (Boniface VII). Si la papauté n’avait pas été alois ce que l’on sait, elle aurait pu profiter de la rivalité entre les deux empires pour essayer de rétablir sa juridiction patriarcale sur la Bulgarie et d’entraîner celle-ci dans l’orbite de son influence. Peut-être même aurait-elle réussi à empêcher l’anéantissement de l’empire bulgare, qui consacra la défaite du catholicisme dans les Balkans.

2° Rapports de l'Église byzantine avec Rome. — Pour ce qui regarde les relations de l'Église byzantine avec Rome pendant cette période, l’essentiel a été dit à l’article Constantinople (Église de), t. iii, col. 13571360. Nous devons cependant ajouter quelques compléments relativement à ses événements mis en lumière par des études récentes.

Tout d’abord, le schisme occasionné par l’affaire de la tétragamie, c’est-à-dire par les quatrièmes noces de Léon VI le Sage fut comme une répétition du schisme photien. Comme ce dernier, ce schisme fut double. Il sépara pendant quelques années, de 912 à 923, le siège de Rome de celui de Constantinople, et donna naissance à un schisme intestin entre les partisans de Nicolas le Mystique (déposé en 907, rétabli en 912) ou nicolaïtes, et ceux du patriarche Euthyme (907-912) ou cuthymiens. Ce schisme intérieur dura près d’un siècle et ne fut complètement éteint que sous le patriarcat de Sisinnius (996-998). Cette question a été amplement traitée aux articles Léon VI le Sage, t. ix, col. 365-379. Nous n’avons qu’un mot à ajouter sur les conditions auxquelles se refit, le 6 juin 923, l’union des deux Églises. On ne possède sur ce point aucun renseignement précis. S’il fallait en croire une lettre de Nicolas au tsar des Bulgares, Syméon, écrite peu après l'événement, « les légats auraient anathématisé le scandale des quatrièmes noces >. Mais on sait ce que cela veut dire d’après une lettre du même patriarche au pape Jean X, à l’automne de 920. On en revenait aux termes employés par les légats du pape en 907 : tout en reconnaissant que la tétragamie était contraire à la discipline de l'Église byzantine, on avait eu de bonnes raisons d’accorder une dispense sur ce point à l’empereur Léon. C’est dans ce sens seulement que les légats romains durent « anathématiser le scandale des quatrièmes noces ». Il y eut vraisemblablement une clause par laquelle était repoussée la prétention de Nicolas le Mystique de faire adopter comme loi de l'Église universelle la prohibition des quatrièmes noces, comme si celles-ci eussent constitué par ellesmêmes une atteinte à la morale chrétienne, un péché proprement dit, une fornication véritable, selon les expressions employées par Nicolas dans sa première lettre au pape Anastase III. Du reste, il n'était plus question de cela dans le « tome de l’union », où l’on passait condamnation sur ce qui s'était fait et où la tétragamie était désormais interdite dans l'Église byzantine sous des peines sévères. On légiférait aussi, en entrant dans beaucoup de détails, sur les troisièmes noces. Cf. sur toute cette affaire Grumel, Regestes, n. 630-712, passim, p. 148-194.

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