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SCHISME BYZ. PHOTIUS


ménage à son amour-propre un magnifique triomphe : tout y est ordonné en vue de le glorifier, de l’exalter, de le venger de tous ses adversaires, de l'égaler même au pape dans une certaine mesure. Cependant, dans le canon même qui a pour but d’affirmer cette quasi' égalité, les privilèges de l'Église romaine et de son chef sont explicitement maintenus : le pape Jean VIII considérera comme déposés, anathématisés et excommuniés ceux que Photius aura frappés de ces peines et vice versa, sans que celle, disposition porte atteinte en quoi que ce soit, soit pour le présent soit pour l’avenir, aux privilèges attachés au très saint siège de l'Église des Romains et èi son chef. Aelio V, Ilardouin, ibid., col. 320.

Sur une seule question, celle de « l’addition » au symbole, Photius a gardé une certaine continuité. Il l’a réprouvée non seulement dans l’Encyclique aux sièges orientaux, mais aussi au synode de Sainte-Sophie et dans ses ouvrages ultérieurs. Mais au synode de Sainte-Sophie, il ne l’a proscrite que conditionnellement : « tant que ne s'élève pas de nouvelle hérésie », comme nous l’avons noté plus haut. Quant à la doctrine même sur la procession du Saint-Esprit, on peut établir par ses écrits antérieurs à la rupture avec Rome qu’il a d’abord enseigné la doctrine commune des Pères grecs et de l'Église byzantine de la procession du Saint-Esprit du Père par le I-ils. Cf. M. Jugie, De processione Spiritus Sancti ex fontibus Rcvelationis et secundum Orientales dissidentes, Rome, 1936, p. 300-304. Entraîné ensuite par la polémique contre les Latins, pour mieux montrer que l’addition du mot Filioque était irrecevable, il a inventé une doctrine nouvelle, une véritable hérésie, celle de la procession du Saint-Esprit du Père seul. Comme nous l’avons déjà dit, il se garda de soulever cette question doctrinale au synode de Sainte-Sophie. Il savait trop bien que cela aurait suffi à compromettre irrémédiablement sa reconnaissance par le pape Jean VIII. Mais, quand il vit que le pape Marin I er (882-884) ne lui envoyait pas sa synodique pour lui notifier son élection, il rouvrit aussitôt le débat sur ce point par sa Lettre à Valpcrl d’Aquilée, sans faire, du reste, la moindre allusion à ses premières attaques dans l’encyclique aux Orientaux et en prêtant la doctrine de la procession ab utroque non à tous les Latins en général, mais seulement à quelques-uns d’entre eux, tivsç. Il reprit une troisième fois la question lors de son second exil, vraisemblablement sous le pontificat du pape Formose (891-890), et sur un ton particulièrement acerbe, dans le livre intitulé La mijstagogie du Saint-Esprit. Dans cet ouvrage, la doctrine de la double procession est présentée comme une hérésie, une folie, une invention du diable, une doctrine sacrilège qui s’attaque à Lieu même, une théorie où l’impiété le dispute à la sottise, etc. ; ceux qui la soutiennent sont traités de bavards impies, de coryphées de l’impiété et du mensonge, de serpents qui distillent leur venin goutte à goutte, etc. On remarquera d’ailleurs qu’il excepte formellement de ses invectives les papes de Léon III à Jean V 1 1 1 et qu’il se réclame au contraire de leur attitude comme d’un témoignage en faveur de sa doctrine.

La liquidation du schisme photien.

Cette question

a déjà été traitée aux art. Jean VIII, t. viii, col. 601-613 ; Jean IX, ibid., col. 614 616 ; Photius, t. xii, col. 1582-1604. La solution qui a élé donnée pour lors s’est trouvée partiellement confirmée par des travaux récents, parus presque au même moment que ce dernier article ; cf. F. Dvornik, Les légendes de Constantin et de Méthode, Prague. 1933, p. 313-330, el Le second schisme de Photius. l 'ne mystification historique, flans Byzantion, t. viii, 1933, p. 125-474 ; V, Grumel, Y eut-il un second schisme de Photius ? dans Revue des sciences phil. et théol., t.xii, 1933, p. 122-157, et La liquidation de la querelle photienne, dans Échos d’Orient,

t. xxxiii, 1934, p. 257-288. Ces travaux rédigés sans entente préalable arrivent tous par la même méthode, à savoir la critique et la dissection du document antiphotien joint aux Actes du VIIIe concile, voir Photit-s, t.xii, col. 1552 sq., à la même conclusion : le pape Jean VIII a approuvé les actes du concile de 879880, n’est jamais revenu sur cette décision durant le second patriarcat de Photius. Ses succi sscurs ont imité sa conduite. Donc jusqu'à l’automne 886, il n’y a pas eu de schisme entre Rome et Constantinople. Une question seulement reste pendante, celle de la liquidation du schisme entre photiens et ignaciens.

1. La reconnaissance par Jean VIII du concile de 870-880. — S’il faut tenir pour authentique la relation du concile actuellement connue, cf. art. Photius, col. 1589 sq., y compris celle des deux dernières sessions, on se heurte à un certain nombre de difficultés, surtout d’ordre psychologique, qui ont fait impression sur nombre d’historiens catholiques et les ont amenés à supposer que le pape Jean VIII avait finalement rejeté le concile et procédé contre Photius.

Mais notons d’abord qu’en ce qui concerne les deux dernières sessions, relatives au rejet de l’addition (c’est-à-dire du Filioque), il n’y a pas de difficultés à en admettre l’authenticité ; elles ne présentent rien en effet qui eût été de nature à les faire rejeter par Jean VIII. À cette date, l’Eglise romaine n’avait pas encore introduit le Filioque dans le symbole, elle pouvait tomber d’accord avec Constantinople sur la prohibition (renouvelée du concile d'Éphèse) de rien ajouter à la formule de Nicée. Le fait même que le concile déclarait qu’une addition pouvait être permise, « si le Malin venait à susciter par ses artifices une nouvelle hérésie », sauvegardait suffisamment l’avenir. Voir Photius, t.xii, col. 1591.

Toutefois il semble que l’approbation par le pape des cinq premières sessions se heurte à une difficulté bien plus grande. On se demande comment Jean VIII, en acceptant le concile, a pu passer outre aux hyperboliques louanges données à Photius, cf. Hardouin, Concil. , t. vi, col. 264-265, 272, 320, 341 ; comment surtout il a pu fermer les yeux aux falsifications qu’avaient subies les documents en provenance de la Curie romaine. Pour ne pas parler de la différence qui se remarque entre les lettres telles qu’elles sont conservées au registre de Jean VIII et telles qu’elles figurent aux procès-verbaux du concile, il est bien difficile d’admettre que le C.ommonitoriuin remis aux légats romains (et dont nous n’avons pas le double) ait contenu la cassation pure et simple de tous les actes de la Curie d’Adrien II contre Photius qu’on lit dans le texte conservé aux actes conciliaires ; cf. Hardouin, ibid., col. 236 et comparer col. 219 et 237. Art. Photi s. col. 1589.

Ainsi se pose la question de l’authenticité des actes du concile photien. Or, cette authenticité a été mise en doute par le P. V. Laurent, dans Échos d’Orient, t. xxix, 1930. p. 10$1-$209. L’analyse d’un écrit de Jean Veccos et de l’Histoire dogmatique du contemporain de celui-ci, Georges le Métochite, lui aurait révélé que les procès verbaux du concile photien auraient présenté, à la fm du xine siècle, des particularités qui ne se retrouvent plus dans les actes d’aujourd’hui, lesquels représenteraient 'donc une rédaction falsifiée pour les besoins de la cause antiunioniste vers la fm du xiii c siècle. Mais c’est là, croyons-nous, une conclusion qui est loin de s’imposer : il est liés facile d’expliquer en fonction de noire texte actuel les expressions de Veccos et du Métochite.

De son côté le P. Y. Grumel a cru découvrir un autre indice d’interpolation des actes dans le Dialogue entre le basileus et le patriarche, du patriarche Michel d’Anchialos (1 170-1 177). Voir Le « Filioque « au concile photien de. 870-880 et le témoignage de Michel d’Anchia-