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    1. SCHISME BYZ##


SCHISME BYZ. CAUSES INDIRECTES

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rivalités n’annonçaient rien de bon pour l’union des esprits et des cœurs et venaient renforcer les tendances séparatistes dues à d’autres causes. Elles étaient d’autant plus dangereuses que les nouveaux empereurs d’Occident marchaient sur les traces des basileis d’Orient et affichaient eux aussi un césaropapisme tout aussi autoritaire que celui de Constantin et de ses successeurs. On arrivait ainsi à la formation de deux blocs opposés sur le terrain politico-religieux. Ce mélange inextricable, ici et là. du temporel et du spirituel ne pouvait que favoriser la séparation religieuse en laissant aux antipathies ethniques et aux orgueils nationaux liberté pleine et entière de développer leurs funestes effets.

IV. LES CAUSES INDIRECTES DU SCHISME.

À côté

des causes vraiment productrices de l’esprit de schisme que nous venons d'étudier, il y a ce qu’on peut appeler la matière du schisme, toute prête à être informée par l’esprit de division. On peut ramener ces causes matérielles à trois principales, à savoir : f° L’organisation hiérarchique de l'Église sur le modèle de l’organisation civile de l’empire romain, qui a abouti à la constitution de cinq grands centres de juridiction supérieure appelés patriarcats à partir de Justinien ; 2° La diversité des langues et l’ignorance réciproque qui en a été le résultat ; 3° L'évolution autonome des deux Églises, la grecque et la latine, à partir du ive siècle, dans le triple domaine de la spéculation théologique, des rites liturgiques et de la discipline canonique.

La constitution des patriarcats.

La constitution

des patriarcats en Orient a été l’aboutissant logique du principe qui a été appliqué dès le iiie siècle commençant et qui consistait à modeler la hiérarchie ecclésiastique sur la hiérarchie civile. Le patriarcat a été l'équivalent ecclésiastique du diocèse civil créé par Dioctétien. On a exposé à l’article Patriarcats, t. xi, col. 2253-2297, par quelles étapes successives l’organisation primitive d'évêchés égaux et autonomes sous latrèslointainejuridiction del'évêquede Rome a évolué d’abord vers la constitution de la province ecclésiastique, puis vers celle de l’exarchat ou patriarcat. Nous n’avons pas à revenir sur ce sujet, mais nous avons à montrer comment cette organisation d’origine purement ecclésiastique présentait un certain danger pour l’unité de l'Église et comment, en fait, elle a servi les intérêts du schisme et les sert encore dans une certaine mesure.

Ce danger s’est manifesté du jour où Justinien, redevenu maître de Rome et d’une partie de l’ancien empire d’Occident, s’est plu à considérer l'évêque de Rome comme l’un des cinq patriarches de l’empire byzantin. Il lui a sans doute reconnu le premier rang ; en mainte circonstance il a proclamé sa primauté de juridiction universelle ; néanmoins il a eu l’air de lui donner quatre égaux dans la personne des quatre autres hiérarques orientaux décorés du même titre que lui. Le pape n’avait rien à gagner et tout à perdre à se voir appelé patriarche de Rome et de l’Occident. Cette terminologie byzantine portait en germe le principe même du schisme, c’est-à-dire la négation de la primauté universelle de droit divin du successeur de Pierre. Elle donna naissance à la fameuse théorie de la pentarchie, qui a été également étudiée à l’article Patriarcats, col. 2269-2275. D’abord expliquée d’une manière orthodoxe, cette conception ne larda pas à être tournée contre la véritable notion de l'Église et de la primauté romaine. Nous la retrouverons, arrivée à son plein développement, au moment de la consommation du schisme.

II est utile de faire remarquer ici qu’en vertu du droit divin, les évêques, successeurs des apôtres, sont tous égaux, qu’il s’agisse du pouvoir de juridiction ou du pouvoir d’ordre, exception faite pour l'évêque de

Rome, successeur de saint Pierre dans sa primauté de juridiction sur l'Église universelle. Il suit de là que la juridiction d’un évêque sur un autre évêque ou sur un groupe d'évêques n’est légitime que par une délégation tacite ou expresse du successeur de Pierre, en qui réside la plénitude de juridiction sur l'Église entière. En fait, dès le iv c siècle au moins, les papes ont approuvé implicitement la formation de la province ecclésiastique et aussi de certains groupements de caractère spécial, comme celui de l'Église alexandrine et celui de la métropole d’Antioche, en acceptant les canons du premier concile de Nicée et ceux du concile de Sardique. Mais ils ont ignoré la législation ultérieure du concile de Chalcédoine et du concile in Trullo sur l’organisation des patriarcats de Constantinople et de Jérusalem et ont même protesté positivement contre certains canons de ces conciles. Ils s’en sont tenus, pendant la période que nous étudions, à l’espèce de triarchie Rome-Alexandrie-Antioche. Cf. art. Patriarcats, col. 2275-2277. Cette conception romaine de la triarchie avait au moins le mérite de mettre en relief cette vérité que toute juridiction supérieure d’un évêque sur ses égaux est une émanation du pouvoir suprême de juridiction possédé par saint Pierre et ses successeurs sur le siège de Home.

Tout bien considéré, il faut reconnaître que la constitution des patriarcats orientaux était dangereuse pour l’unité de l'Église non seulement parce qu’on a voulu faire figurer le pape parmi les patriarches, mais aussi à cause de la trop grande puissance et de la quasiautonomie accordée à ces prélats. On a créé ainsi des centres de résistance à l’autorité du chef de l'Église. Le danger est apparu au moment du schisme monophysile. Il a éclaté au grand jour dans le développement du schisme byzantin.

2° La diversité' des langues et l’ignorance réciproque. — Autrefois plus qu’aujourd’hui, la diversité des langues constituait entre les peuples une barrière difficile à franchir. Sans doute, l’unité de l'Église n’est pas à la merci de cet obstacle. Dans les premiers siècles du christianisme, c’est-à-dire jusqu'à la fin du iv c siècle, la langue grecque joua un peu le rôle que joue de nos jours le latin. L'Église romaine parla grec jusqu’au milieu du iiie siècle. Au iv 6 siècle, la classe instruite, en Occident, connaît encore cette langue ; mais à partir du v c siècle et surtout après l’invasion des barbares, elle fut à peu près complètement abandonnée. Les papes des ve et VIe siècles même les plus grands, comme saint Léon et saint Grégoire, ignorent le grec, et cela ne va pas sans quelque inconvénient au moment où s’ouvrent les grandes controverses christologiques. On ne connaît pas, ou on connaît mal, en Occident, la véritable position des écoles rivales grecques et leur terminologie respective, et l’on se trompe lourdement sur la véritable signification de certaines formules, par exemple sur celle-ci : Deux çûosiq avant l’union, une seule o’jrsiç après l’union. De là des malentendus regrettables. Saint Léon se verra accuser de nestorianisme, tandis que lui-même prêtera aux principaux adversaires du concile de Chalcédoine un eutychianisme grossier qui est loin de leur pensée. Lue connaissance réciproque approfondie des deux théologies, la grecque et la latine, eût peut-être conjuré le schisme monophysite. Quant au schisme byzantin, il fut favorisé lui aussi par cette ignorance de la langue grecque en Occident. Il suffit de rappeler ici les avertissements donnés aux Romains par saint Maxime le Confesseur à propos de la traduction de leurs documents officiels en grec, voir sa Lettre au prêtre Marin de Chypre, P. G., t. xc, col. 136 H C, l’opposition de Charlemagne et de ses théologiens aux décisions du VIIe concile œcuménique et leur attaque contre la formule trinitaire des Pères grecs : Spiritus Sanctus a Pâtre per Filium procedit,