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1327 SCHISME l ! YZ. CAUSES, LES ÉVÉNEMENTS POLITIQUES 1328

le Dieu incarné a brillé pour nous comme un soleil levant. » À quoi le spirituel évoque répondait : « Si le Christ est né en Orient, c’est aussi en Orient qu’on l’a crucifié. » Cf. S. Grégoire de Nazianze, Carmen de vita sua, verslC37, 1690-1698, P. G., t. xxxvii, col. Il 171148.

Il est vrai que, dans l’affaire du schisme d’Antiochc qui amena tous ces troubles, comme aussi antérieurement dans celle de Marcel d’Ancyre et d’Apollinaire, l’Occident avait eu ses torts. Rome alors voyait trop les afîaires d’Orient par les yeux des évoques d’Alexandrie, dont l’impartialité n'était pas au-dessus de tout soupçon. De là des froissements, des rancœurs éprouvés par les meilleurs défenseurs de l’orthodoxie nicéenne en Orient à l'égard du pape Damase, rancœurs dont nous trouvons un écho dans telle lettre de saint Basile. Epist., ccxxxix, Ad Eusebium Samosat., P. G., t. xxxii, col. 893 B. Cf. Duchesne, Églises séparées, p. 178-179, 186-187 ; Batifîol, Le Siège apostolique, p. 99-106, 119-123 ; La paix constantinienne, p. 428430.

2° Les événements politiques. - Certains événements historiques ne tardèrent pas à venir renforcer les tendances séparatistes des Orientaux à l'égard des Occidentaux et l’aversion mutuelle des deux races. Ce fut d’abord le partage de l’empire romain en deux moitiés, à la fin du IVe siècle ; la chute définitive de l’empire d’Occident sous les coups des barbares au cours du v ; l’hellénisai ion complète de l’empire byzantin à partir de l’empereur Héraclius ; la perte de l’Italie byzantine et la création des États pontificaux aux dépens de l’exarchat de Ravenne sous la tutelle des rois carolingiens, dans le courant du VIIIe siècle ; enfin, le geste du pape Léon III couronnant Charlemagne empereur d’Occident, le jour de Noël de l’an 800. Les basileis byzantins virent dans ce geste de la papauté une véritable trahison. Ils continuaient en effet à s’appeler empereurs des Romains et à se bercer du rêve de la domination universelle. Il est vrai que Léon III, si tant est qu’il ait eu quelque responsabilité dans l’affaire, profita du moment où l’empire pouvait être considéré comme vacant par le fait qu’une femme, l’impératrice Irène, régnait à Constantinople. Mais outre qu’Irène entendait garder tout le patrimoine de ses prédécesseurs en s’intitulant elle-même grand basileus et autocralor des Romains, l’excuse ne pouvait être recevable auprès de ses successeurs. La vanité de ces derniers trouva du moins le moyen de se consoler de l’humiliation. Ils prétendirent que Charlemagne et ses héritiers ne pouvaient être de vrais basileis et restaient, comme les autres princes barbares, de simples rois, p9JY £ Ç- Ce qui est curieux, c’est que les nouveaux empereurs d’Occident prirent au sérieux cette prétention et que, dans leurs traités avec Byzance, ils exigèrent souvent que les monarques byzantins leur reconnussent officiellement le titre d’empereur ou basileus. Ce qui fit échouer les négociations de paix de 803 entre Nicéphore I effet Charlemagne, ce fut justement cette question du litre de basileus que l’empereur byzantin ne voulait pas reconnaître à son collègue d’Occident. Il dut capituler sur ce point en SI 1 bien à contre-cœur et abandonner en même temps à Charles l’islrie la Dalmatie intérieure, l’exarchat de Bavenne, la l’entapole et Home. Mais la concession sur le titre de basileus, faite en 813 par Michel Bhangabé, ne fut que momentanée. Quelques années après, Michel II le Bègue (820-829), écrivant à Louis le Pieux, libellait ainsi l’adresse : Glorioso Francorum et Langobardorum

REGI et VOCATO EORUM IMPERATORI. Cf. Mon. (ierni.

hist., Concilia : wi karolini, p. 175.

Les Byzantins partagèrent plus ou moins le ressenI iment de leurs empereurs à l'égard des papes, devenus les amis et les prisonniers des barbares, l’n pape sou mis aux barbares leur fit l’effet, sinon toujours d’un ennemi, du moins d’un étranger. Comment se seraientils soumis bénévolement à l’autorité spirituelle de cet étranger, de ce « barbare », eux si fiers de leur passé, de leur supériorité intellectuelle, de leur culture raffinée ? Il serait facile de rassembler des textes d’auteurs byzantins témoignant de cet état d’esprit. Citons seulement les paroles de Basile l’Arménien dans son Tacticon ou Xomenclalure des évêchés des cinq patriarcats, composé vers le milieu du ix c siècle. Parlant des provinces ecclésiastiques de l’HIyricum oriental arrachées au patriarcat romain par le décret de Léon l’Isauricn en 732, il écrit : « Ces prélats ont été rattachés au synode byzantin parce que les barbares régnent sur le pape de l’ancienne Home. » Sans doute, à cette époque encore, comme nous le dirons tout à l’heure, les âmes les plus religieuses et les plus éclairées savent s'élever au-dessus de ces considérations pour apercevoir dans l'évêque de Borne le successeur du coryphée des apôtres, chef de l'Église universelle, gardien de la véritable orthodoxie, à laquelle des décrets impériaux déclarent continuellement la guerre. Mais celle élite est elle-même considérée comme rebelle à l’autorité des basileis et ne peut librement communiquer avec le pontife romain. Borne ne peut intervenir efficacement en Orient que lorsque l’empereur le veut et demande un concile œcuménique pour rétablir l’union des deux Églises.

Sentiments des Occidentaux à l’endroit des Byzantins.

La manière dont les empereurs persécuteurs

traitèrent certains papes dans le cours des vie et vne siècles, les hérésies dont ils se firent les champions pour le besoin de leur politique et la docilité de l'épiscopat oriental à les suivre ne firent qu’augmenter l’aversion, la défiance et le mépris des Occidentaux pour les Grecs. Il n’est pas étonnant qu’on trouve, à leur adresse, sous la plume de certains papes de cette époque, les épithètes de détestables et de haïssables, de pervers, nc/andissimi Grseci, odibiles, perversi Grseci. Lorsque le pape Yitalien nomma à l’archevêché de Cantorbéry le moine grec Théodore, natif de Tarse, qui vivait dans un monastère de Borne, il ne voulut point le laisser partir seul, mais lui donna comme aide et un peu comme surveillant le moine africain Hadrien, de peur que le Grec ne cédât au penchant habituel à ceux de sa race et ne fit quelque innovation contraire à la vérité (le la fui. Bède, Hist. eccl., t. IV, c. I, P. L., t. xcv, col. 172. Cf. Duchesne, L'Église au VIe siècle, p. 620. On voit par ce trait l’opinion qu’on avait généralement des Grecs en Occident à cause de leurs controverses perpétuelles et de leurs hérésies.

Dès que les Carolingiens eurent pris pied en Italie, et surtout après que Charlemagne eut été proclamé empereur des Romains, les rivalités entre les deux empires commencèrent. Tantôt ce fut la lutte ouverte, tantôt l’animosité sourde et l’antagonisme dissimulé. On en vit clés manifestations non seulement sur le terrain politique, mais aussi dans le domaine de la théologie. L’opposition de Charlemagne et de ses théologiens aux décisions du second concile de Nicéc, eut pour partie des causes politiques. Les Livres carolins passent au crible les actes de ce concile, y trouvent des propositions malsonnantes et sentant l’hérésie, et le pape Hadrien I ir est obligé de prendre la défense des Crées contre leurs attaques. Le zèle de Charlemagne à propager dans les Églises (le ses États l’addition du Filioque au symbole de Nicée-Constantinople et à faire défendre par ses théologiens la doctrine que cet le addit ion exprime, reconnaît des causes du même genre. Voir Fliche et Martin, Ilistoirr de l'Égtise, t. M, p. 173-184. Le pape Léon 1 1 1, qui voyait le danger de ce zèle Intempestif pour l’unité de l'Église, essaya de le modérer, mais ses recommandai ions ne furent guère écoutées.

Quelle qu’en ait élé la nature, il est clair que ces