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SCHISME BYZ. CAUSES, LES AMBITIONS DE CI".


contre ce décret et exigèrent <]u<- leur protestation fût

insérée aux actes. De plus, le pape saint Léon, malgré des sollicitations pressantes, le rejeta et l’abrogea expressément : in irritum millimus, écrit-il à l’impératrice l’nlehérie, et p/r auctoritatem beati Pétri apostoli, generali prorsus deflnitione cassamus. Epist., cv, Ad Pulcheriam augustam, P. L., t. liv, col. 1000. Cf. article Léon I er (Saint), t. ix, col. 260-267. Les protestations obtinrent leur effet, au moins sur le moment, et les premières collections canoniques orientales omettent le 28e canon de Chalcédoine. Dans la pratique, cependant, comme nous le verrons plus loin, empereurs et patriarches ne tinrent aucun compte des condamnations romaines.

Remarquons ensuite la différence qui existe entre le 3e canon des 150 Pères de Constantinople et le présent décret. À en croire les évoques chalcédoniens, celui-ci ne serait que la répétition de celui-là. Mais leur affirmation ne résiste pas à l’examen. Le 3e canon de Constantinople ne parlait que d’une simple préséance honorifique pour l'évêque de la nouvelle Rome : Ta Tcpeaosïa ttjç Tifxîjç. Le canon chalcédonien supprime les mots ttjç ti|ayjç et laisse entendre par sa finale qu’il s’agit d’octroyer à l'évêque de la capitale autre chose qu’une simple préséance, c’est à savoir la juridiction supérieure sur les provinces ecclésiastiques de trois diocèses civils et sur les évêchés sis en terre barbare. Il va plus loin ; il pousse l’audace jusqu'à demander des prérogatives égales à celles du siège romain. Enfin, il ose exprimer tout haut ce que le 3e canon ne faisait qu’insinuer discrètement : le siège de l’ancienne Rome a reçu ses privilèges (ou le premier rang) (xà upecësia), des Pères « en considération du rang de capitale de l’empire occupé par cette ville ».

Il faut ensuite se demander : 1. qui sont ces Pères qui ont attribué -À l'évêque de Rome la primauté ou les prérogatives dont il jouit ; 2. quelles sont ces prérogatives, ces TTpeo6eïa dont ils l’ont doté? Les Pères, sans doute réunis en quelque concile, nous les cherchons vainement dans l’histoire de l'Église. L. Duchesne désespère de les trouver, Eglises séparées, p. 195. L. Batiffol, Le Siège apostolique, 2 P éd.. Paris, 192-1, p. 557, y voit les 150 Pères du concile de 3.S1 ; ce qui est en opposition avec le texte même du 28e canon, qui distingue bien les Pères ayant accordé la primauté au siège de l’ancienne Rome des 150 Pères qui, mus par la même considération que les premiers, ont concédé des privilèges égaux au siège de la nouvelle. On pourrait songer au concile de Nicée et à son 0° canon ainsi conçu : « Que les vieux usages reçus en Egypte, en Libye et dans la Pentapole restent en vigueur, en sorte que l'évêque d’Alexandrie ait autorité sur toutes ces provinces, puisque l'évêque qui est à Rome a coutume d’en faire autant. De même, qu'à Antiocbe et dans les autres provinces les prérogatives soient maintenues aux Églises. » Mais les Pères de Nicée n’accordent ici aucun privilège à l'évêque « le Home. Ils s’autorisent de l’exemple qu’il donne de l’exercice d’une juridiction immédiate sur les évêques d’Italie pour confirmer à l'évêque d’Alexandrie une juridiction semblable sur les évêques d’Egypte, et aux autres sièges les privilèges déjà acquis. Le concile de Nicée n’a donc rien donné à l'évêque de Rome et s’est abstenu de légiférer sur son compte. Mais à quoi bon nous évertuer à I rouver ce qui n’est qu’une invention des rédacteurs du 2<s c canon en quête d’un considérant pour appuyer leur demande de privilèges en faveur du siège de la nouvelle Home"?

Mais de quels privilèges s’agit-il'.' C’est ici que la difficulté de l’exégèse s’accroît. Le mot employé, Ta 7cpea6sïa, désigne étymologiquement toute marque d’honneur accordée au plus âgé, puis un privilège d’hé rilage par droit d’aînesse. Enfin ce mol a pris le sens général de privilège, prérogative, droit obtenu par pri

vilège. Dans le langage canonique de la période patristique les T^psoêeia sont donc des marques d’honneur, des prérogatives, des droits obtenus par privilège et n’appartenant pas à tous. Si nous nous référons aux documents contemporains pour déterminer le sens de Ta 7Tp£<jêeïx, nous trouvons qu’il signifie souvent la première place, celle qui est accordée au plus âgé, le droit de préséance et, si l’on veut, la primauté, à condition d’entendre ce mot dans le sens d’une simple préséance honorifique. C’est manifestement le sens du mot rà Tzpsaësl^ dans le 3e canon du concile de Constantinople : xà 7tpea6eïa -rîjç Tijr/jç, c’est-à-dire la primauté d’honneur, la préséance honorifique. C’est aussi dans le même sens que les Pères de Chalcédoine emploient ce terme dans la lettre même qu’ils écrivent au pape pour lui demander d’approuver le 28e canon. Ils disent : « Nous avons confirmé le canon des 150 Pères ordonnant que le siège de Constantinople ait la première place (la primauté), après votre siège très saint, étant placé au second rang : Ta irpsaBria tov KcovarTavTivou7ï6Xewç è'yeiv Ss’JTepov TSTOcyp-évov. » Epist., xevin, inter Léon., P. L., t. liv., col. 958 A. Dans la lettre qu’il adresse au pape à la même occasion, Anatole sépare très nettement le droit de préséance des privilèges juridictionnels ; il omet également l'épithète xà ïaot., et postule pour l'évêque de Constantinople l’honneur et la première place, ty]v Tijjt.ï]v xal xà Ttpsaêsïa, après le siège de Home. Epist., ci, inter Léon. Ibid., col. 982 B. Pour l’empereur Marcien, dans sa lettre à saint Léon, tout se réduit à une simple préséance : ut post apostolieam Sedem Constantinopolilanus slatim episcopus secundum habeatlocum, quoniamsplendidissima urbs junior /{orna appcllatur. Epist., c, inter Léon., ibid., col. 973 B.

Quant à. saint Léon, dans ses réponses aux intéressés, il repousse le 28e canon surtout parce qu’il viole les préséances établies par le concile de Nicée qui, d’après lui, a accordé le second rang après Rome à Alexandrie et le troisième à Antioche. Il a donc vu dans les 7tpea6eïa surtout un droit de préséance. Mais il fait aussi allusion à la finale du canon, à la juridiction usurpée sur les métropolitains des trois diocèses ; bien plus, il semble attribuer à Anatole l’intention d’empiéter sur les droits d’Antioehe et d’Alexandrie. Epist., evi, Ad Anatolium, ibid., col. 1003 B, 1007 B. On est étonné qu’il n’ait pas élevé de protestation directe contre l’affirmation contenue dans le canon : « C’est à bon droit que les Pères ont attribué au siège de l’ancienne Home ses privilèges, parce que cette ville était la capitale de l’empire. « Aussi bien, dédaignant de défendre sa propre cause, il a surtout insisté sur la violation des droits d’Alexandrie, d’Antioehe et des métropolitains des trois diocèses. La vraie raison de cette attitude est. croyons-nous, qu’il n’a pas vu la négation de la primauté romaine de droit divin dans le texte du 28e canon. Il y a simplement découvert une manœuvre ambitieuse de l'évêque de Constantinople pour s’arroger une sorte de primauté sur tout l’Orient.

Que les Pères de Chalcédoine, aussi bien ceux qui souscrivirent au 'iS canon que ceux qui refusèrent de l’approuver, aient reconnu la primauté de juridiction de l'évêque de Rome sur l'Église universelle, cela ne fait aucun doute. Pour s’en convaincre, il suffit de parcourir les actes même du concile et en particulier la lettre si déférente que les signataires du canon écrivirent au pape saint Léon pour lui demander de l’approuver et de le confirmer par son autorité. Ils saluent en lui l’interprète de la voix de Pierre, celui qui a reçu du Sauveur la garde de la vigne, c’est-à-dire de l'Église entière, la tête dont ils sont les membres, le père dont ils sont les (ils. Epist., xcviii, inter Léon., P. I… t. liv, col. 951 s « |. [| faudrait citer aussi la lettre que le patriarche Anatole, le principal intéressé dans