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SCHISME. l’OIYOIRS DES SCHISMATIQUES


Cette opinion, combattue par tous les théologiens subséquents, est étrangère au sentiment universel qui requiert, pour l’appartenance pure et simple à l'Église, autre chose et plus que la foi. Certes, l'Église est bien d’abord une vie nouvelle sur la base de la foi et des sacrements de la foi, et c’est pourquoi les théologiens médiévaux disaient qu’elle est constituée, instituée ou

fabriquée i par la foi et les sacrements de la foi ; mais l'Église est aussi essentiellement une communion, et les mêmes théologiens médiévaux la définissaient aussi bien comme la tocietas ftdelium. Cette communion, certes, est spirituelle, mais elle a son expression et ses implications, mieux encore, elle se réalise au plan visible et social, en un corps visible qui est celui du peuple de Dieu menant collectivement une vie théologale, cultuelle et morale, une vie de contemplation et d’entr’aide proprement sociétaire et ecclésiastique. De cette vie, l’impulsion qui vient de l’autorité est comme la forme et la mesure, le principe d’unité dans l’ordre proprement ecclésiastique. En sorte qu’un pur péché de schisme, s’il ne détruit pas le principe radical d’unité de l'Église, détruit son unité pure et simple, qui est celle de la communion entre les membres, promue, assurée et mesurée par la communion de tous avec les chefs visibles de l'Église et finalement avec le Siège de Home. Cf. Perrone, Ulrum hærctici et schismatici sint extra Christi Ecclesiam ? dans Migne, Curs. Iheol., t. vi, col. 1215 sq. ; L. Billot, De Eeelesia, th.xii, p. 312 sep

Les théologiens ne s’accordent pas sur le point de savoir si un péché de schisme purement intérieur suflit pour exclure un baptisé de l'Église. La même question et le même débat existent à propos des hérétiques occultes ; voir l’article Église, t. iv, col. 2162 sq. Un petit nombre d’auteurs dénient aux schismatiques occultes la qualité de membres de l'Église ; le P. Th. Spacil estime cette opinion plus probable, De membris Ecclesiæ, dans liogoslovni Vêstnik, 1926, p. 11-19 ; mais le plus grand nombre et de beaucoup, soit parmi les anciens, Pierre Soto, Cano, Bellarmin, soit parmi les modernes ou les contemporains, I). Palmieri, De rom. pontij. ; Mazzella, Z)£ religione et Eeelesia, n. 604 (pour les hérétiques occultes) ; M. d’IIerbigny, Théologien de Eeelesia, § 350 ; G. Philips, Quivstiunculee quædam de membris Eccl., dans Rcv. ccelés. de Liège, 1930, p. 235-241 (hérétiques occultes), estiment que les schismatiques occultes, tout comme les hérétiques occultes, ne perdent pas la qualité de membres de l'Église. Ces théologiens envisagent l’appartenance à l'Église en tant que corps social visible et d’un point de vue plus sociologique et juridique qu’intérieur et moral : de ce point de vue en effet, les schismatiques occultes qui ont perdu la charité, et très précisément la charité en tant que principe de communion et de paix, sont encore considérés comme membres de l'Église et, d’une certaine manière, ils le sont encore. Certes, ils ont déjà tué en leur.cceur le principe de communion et d’unité ; mais ils ne sont pas sortis et n’ont pas été expulsés du corps et de la réalité extérieure (lésa communion et de son unité ; ils n’y sont plus de cœur, mais ils y sont encore de lait, ils subissent encore, s’ils ne s’y accordent plus spontanément, le mouvement du tout et les obligations de la communion, ils sont encore comme entraînés par un courant du milieu duquel ils ne sont pas encore sortis et. en profltanl encore comme malgré eux. ils sont prêts à bénéficier à nouveau complètement de tout ce qu’apportent la communion de l'Église catholique ci l’impulsion reçue de la hiérarchie. Le schismatique avéré et qui a consommé extérieurement son schisme n’ap pallient plus à l'Église que par son caractère de b ; i| et peut-être de confirmé ou de prêtre et, s’il l’a gardée, par une foi non salutaire qui ne le justifie ni ne le sauve. Il n’est un membre de l'Église que sreuiuliim

quid ; simpliciler, il a cessé de l'être. Cf. Journet, Qui est membre de l'Église ? dans Nova et vêlera. 1933, p. 90103.

Les théologiens, lorsqu’ils envisagent ces questions, parlent toujours des schismatiques formels, c’est-à-dire 1 des baptisés qui, ayant connaissance de la vraie condition de l'Église, ont personnellement et expressément commis le péché de schisme, bref de ceux qui posent, directement ou indirectement d’ailleurs, l’acte constitutif du péché de schisme avec une volonté avertie et délibérée. La condition d’un tel acte est que la véritable Église et la vraie nature de celle-ci soient sufficienter notæ. Mais on peut penser que, parmi ceux que nous appelons schismatiques, il existe un grand nombre d'âmes pour qui cette condition ne se réalise pas et qui ne sont schismatiques que de fait et matériellement, simplement parce qu’elles ont reçu la naissance selon Adam et le bain de régénération selon le Christ au sein d’un groupe lui-même schismatique. La différence est manifeste entre un individu qui volontairement fait schisme, et les chrétiens qui, nés et baptisés au sein d'Églises séparées de Rome depuis des générations, n’ont pour la plupart jamais eu l’occasion effective de connaître l'Église catholique. Nous n’avons pas à étudier ici l’appartenance à l'Église des dissidents de bonne foi, cf. Congar, op. cit., c. vu et les études citées là, p. 2X2. Mais il y a lieu de dire ici quelques mots concernant les pouvoirs ecclésiastiques de ces groupements schismatiques, en fait des Eglises dissidentes d’Orient, et aussi concernant la conduite à tenir dans nos rapports avec eux en matière religieuse.

a) Pouvoirs des schismatiques. — Quels qu’aient été les débats anciens concernant l'état du pouvoir d’ordre chez les schismatiques, la théologie catholique, telle qu’elle s’est définitivement fixée, établit une discrimination entre ce qui relève du pouvoir d’ordre et ce qui relève du pouvoir de juridiction. Voir M.-J. Congar, Ordre et juridiction dans l'Église, dans Irénikon, 1933, p. 22-31, 97-110, 243-252, 401-408. Le pouvoir d’ordre est lié à une consécration, à un caractère indélébile ; chez celui qui est sorti de l'Église, son exercice est illicite et illégitime, mais il n’est pas invalide ; au contraire, le pouvoir de juridiction, tant au for interne qu’au for externe, étant donné ou du moins conditionné par une mission, par une détermination proprement ecclésiastique et donc humaine, peut être retiré par la même autorité qui le donne : on ne peut l’emmener avec soi en quittant l'Église si l'Église ne le veut : cf. S. Thomas, Sum. Iheol., IP-II^, q. xxxix, a. 3 ; Turrccremata, op. cit., c. vu ; Grégoire de Valence, op. cit., punct. 3, col. 758, etc.

Mais on peut se demander si ce jugement négatif porté sur la juridiction des schismatiques s’applique effectivement aux membres des Églises dissidentes, dont les ordres n’ont jamais été mis en question par l'Église catholique et qui ont emporté dans leur sécession toute leur constitution d’Eglise particulière. Le plus grand nombre des canonistes qui ont examiné cette question et, en tout cas, l’ensemble des auteurs contemporains se prononcent en faveur de leur juridiction. Certains auteurs anciens ont invoqué pour cela la bonne foi et l’erreur commune chez les fidèles et le titulus coloralus chez les pasteurs, par ex. le carme Thomas de.lésus. ; 1609, dans son De unionc schismaticorum cum Eeelesia romana procuranda, c. ii, a. 9. dans Migne, Cuis. Iheol.. t. v. col. 496, et le dominicain Reginald Lucarini, Manuale thomislicarum controv., L pars, concl. xxxiv, Rome, 1766, p. 207-209. Mais, tout en admettant comme indiscutable en tout cas et i fortiori la junduiian du clerg : dissident au titre de l’erreur commune et de la suppléance par l'Église, l’ensemble des auteurs les plus récents admet comme très probable l’existence d’une juridiction véritable