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    1. SCHISME##


SCHISME. GRAVITÉ DU PÉCHÉ

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fatalement une justification de la sécession. S. Thomas. loc. cit., ad 3, , , n. Aussi était-il courant, au Moyen Age, surtout chez les juristes, de comparer le rapport du schisme à l’hérésie au rapport de la « disposition » à Vhabitus. Raymond de Penafort, Summa, I. I, tit. vi, § 2, éd. Lyon, 1718, p. 44 ; Turrecremata, op. cit., c. iv, etc. Par suite encore, tout schismatique est-il déclaré sapiens hæresim et suspect d’hérésie : ce qui n'était pas une clause de style, mais entraînait un statut juridique précis et une procédure dont les livres d’inquisiteurs que nous avons cités évoquent le sou venir, par exemple Thomas del Bene, op. cit., sect. vii, p. 380.

Gravité du péché de schisme.

Les Pères 'emploient, sur ce chapitre, des expressions exlraordinairement fortes. En voici quelques-unes parmi un grand

nombre d’autres : le schisme mérite la damnation, disent les Pères les plus anciens, A. Seitz, Die Heilsnolwendigkeit der Kirche nach der altchristlichen Literatur bis zur Zeit des ht. Augustinus, Fribourg-en-Br., 1903, p. 77-80, 83-87 ; saint Augustin écrit — mais il faut évidemment faire la part des circonstances où il s’exprime — que le schisme est plus grave que l’idolâtrie et l’infidélité, Epist., li, n. 1 et 2, P. L., t. xxxiii, col. 192 ; De bapt. cont. don.. I. I, c. viii, n. 10, t. xliii, col. 115, etc. ; cf. références à P. L., t. ccxix, col. 752 ; P. Batiffol, Le catholicisme de S. Augustin, t. i, p. 236 ; comp. P. G., t. vii, col. 1701-1762 et Gore, Roman Catholic daims, 4e éd., p. 128 sq.

C’est que les Pères ont rencontré dans l'Écriture non seulement des paroles terribles, mais des faits de châtiment exceptionnel pour le cas de schisme : on voit en effet le blasphème puni, par exemple, d’une simple lapidation, Lcv., xxiv, 14 sq., tandis que, pour punir des schismatiques, la terre s’entr’ouvre et les engloutit. Num., xvi, 28-35. C’est le fait biblique d’un traitement extrême réservé aux schismatiques qui a, ainsi qu’ils le disent eux-mêmes, motivé le jugement des Pères sur la gravité suprême du péché de schisme. S. Augustin, loc. cit. ; S. Bernard, Epist., ccxix, P. L., t. clxxxii, col. 382-383, etc. Nous saisissons là en action l’une des conséquences de la méthode patristique en théologie, et l’une de ces différences d’avec la méthode scoj astique. Les Pères prennent le texte biblique tel quel, en ses récits historiques comme en ses affirmations doctrinales ; ils l’expliquent sans le critiquer, en sorte qu’ils sont entraînés, par les circonstances d’un texte dont la.composition n’est pas à tous égards homogène et dont l’intention n’est ni spéculative ni systématique, à poser des affirmations à quoi n’aboutirait pas une théologie scientifiquement élaborée. Dans la Bible, en effet, il n’y a pas seulement une révélation de vérités spéculatives portant sur les choses en soi, mais toute une politique divine, toute une pédagogie divine, où les possibilités de l’auditeur, les opportunités et les occasions de l’enseignement prennent parfois le pas sur la rigoureuse précision des énoncés au regard d’une vérité en soi. Aussi les scolastiques, qui connaissaient certes leur Bible et lui étaient profondément dociles, se sont-ils généralement appliqués, surtout en matière morale, à construire leur théologie selon la nature essentielle des choses, quitte à gloser, expliquer et ajuster ensuite les textes bibliques où semblait se trouver une indication différente.

C’est le cas en cette question de la gravité du schisme. Ils connaissent les textes de l'Écriture et les affirmations que ces textes ont inspirées aux Pères. Mais ces textes, dont aucun ne prononce un jugement spéculatif sur la gravité du schisme, nous font seulement connaître le terrible châtiment infligé par Dieu à ce péché en telle circonstance donnée : point de vue pédagogique, qui s’explique parfaitement, et, ne jugeant pas du fond des choses, n’engage pas la théologie mo rale à dire que le péché de schisme est en soi le plus grave. Un péché de schisme peut bien être, en telle conjoncture, plus grave qu’un péché d’infidélité par exemple ; mais la théologie juge de l’en soi, et non de l’accidentel : la gravité essentielle d’un péché se prend, comme son espèce, de l’objet ; le péché est ainsi plus grave qui s’attaque à un plus grand bien. On estimera que le schisme, qui s’oppose à la communion ecclésias tique, c’est-à-dire à un bien créé, est moins grave que l’infidélité, qui s’oppose directement à Dieu lui-même. Vérité première ; mais aussi qu’il est plus grave que les autres péchés qui s’attaquent au prochain, comme le péché de dispute, celui de guerre ou celui de vol, parce qu’il porte atteinte au bien qui est, dans l’ordre des biens créés, purement et simplement, le plus grand, à savoir le bien commun surnaturel de l’humanité. Cf. S. Thomas, Sum. theol., IP-IP'. q. xxxix, a. 2 ; In IY um Sent., dist. XIII, q. ii, a. 2, ad 4um ; De malo, ([. ii, a. 10, ad 4° m : Alexandre de Halès, op. cit., c. n. a. 2. p. 751 ; Godefroid de Fontaines, loc. cit. ; Turrecremata, op. cit., c. v et vi ; Grégoire de Valence, loc. cit., punctum 2, col. 755-750 ; Suarez, loc. cit., n. 10, p. 730 ; Thomas del Bene, op. cit., sect.xii, p. 382383, etc. Évidemment, le péché de schisme est de soi mortel ; il ne connaît pas de légèreté de matière et ne saurait être véniel que par défaut d’advertance.

Questions annexes.

1. La question du pape

schismatique. — Les théologiens, sauf Albert Pighi, ont admis unanimement, à la suite du Décret de (iratien, part, f, dist. XL, c. vi, éd. Friedberg, t. i, p. 146. la possibilité, pour le pape, de tomber dans l’hérésie : toute hérésie impliquant schisme, on admettait par le fait même la possibilité, pour le pape, de devenir schismatique. Tous n’ont pas été aussi unanimes à admettre la possibilité, pour le pape, de devenir schismatique en dehors de toute chute dans la foi, par un schisma purum. Cette possibilité, cependant, à l’envisager d’une manière purement théorique, ne paraît pas douteuse. Cajétan, dont tonte la doctrine, en cette question connue en celle du pape hérétique et de sa déposition, repose sur la distinction entre la fonction de la papauté et la personne du pape, s’attache à établir la possibilité du schisme par un argument à priori. 7/i Sum. theol., IL-II*, q. xxxix, a. 1, n. 6. Voir aussi Turrecremata, loc. cit., c. xi ; Vitoria, loc. cit., n. 4, p. 272-273, qui résume brièvement Cajétan ; Suarez, loc. cit., n. 2, p. 733-734, qui est encore plus bref, et Grégoire de Valence, op. cit., disp. III, q. xv. punct. 1, quarts prop., col. 753-751. Les cas concrètement envisagés par ces théologiens sont ceux où le pape refuserait de communier avec l'Église, ou cesserait de se conduire comme son chef spirituel pour agir en pur seigneur temporel, mi encore s’il refusait d’obéir à la loi et cous litution données par le Christ à l'Église et d’observer les traditions établies depuis les apôtres dans l'Église universelle ; ou enfin, ajoute Turrecremata, visiblement hanté des souvenirs du Grand schisme, si, dans un conflit pour la tiare où la légitimité du vrai pape elle-même paraîtrait douteuse à des esprits sérieux, celui-ci refusait de faire le nécessaire pour rétablir l’unité.

2. Situation des schismatiques par rapport à l'Église.

Les schismatiques sont en dehors de l'Église, affirme unanimement la tradition, voir les Index de Migne. P. L., t. ccxix. col. 675 sq. : Eugène IV, Decr. pro Jacob., Denz.-Bannw., n. 71 I : Bellarmin, Controv. de Eccl. milil., t. III, c. v : et ici art. Église, t. iv. col. 2155 sq. Seul Suarez, développant d’une manière raidement dialectique l’idée traditionnelle que la vertu surnaturelle de foi constitue l’unité de l'Église. tient que les purs schismatiques, tant qu’ils n’ont pas répudié la foi au chef visible de l'Église, restent membres de celle-ci. De fide, disp. IX, sect. i, n. 11.