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sa condition de membre et dp partir, soit en refusant de reconnaître l’autorité du chef légitime de l'Église locale ou de l'Église universelle. Exemple de la première manière : le schisme de la Petite-Église, né du refus de suivre le mouvement de l'Église passant, en France, un concordat avec le pouvoir napoléonien issu de la Révolution. Exemple de la seconde manière : les conciles ou conciliabules rassemblés au mépris de l’autorité du pape légitime et pour contrevenir à cette autorité. Cf. S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. xxxix, a. 1 ; Cajétan, in loc. et Siimmula ; Suarez, loc. cit., n. 2, p. 733, qui note, après Cajétan. que le pape pourrait être schismatique de la première manière, si nollet tenere cum tolo Ecclesise corporc unionem et conjunctionem quam débet, ut si tentaret tolarn Ecclesiam excommunienre, aut si vellct nmnes ecclesiasticas cœremonias apostolica traditione formatas evertere. C’est parce qu’il pensait que saint Etienne de Rome avait agi ainsi que Firmilien de Césarée, dans la lettre fameuse adressée à Cyprien que nous avons citée plus haut, accuse le pape de s'être rendu schismatique.

2. Chacune de ces deux manières de faire schisme peut elle-même suivre une double voie. La division peut n’avoir sa racine que dans la volonté, et ce serait le cas de celui qui, en la parfaite orthodoxie et advertance de sa foi en l'Église, refuserait de se soumettre à l’unité de l’Eglise et au chef qui en est le critère. La division peut prendre sa racine jusque dans l’intelligence, et ce serait le cas de qui se refuserait à croire que l'Église soit une, ou doive être une, ou que le Siège apostolique soit le centre, le critère et l’organe de son unité. Cette distinction correspond à la distinction classique entre le schisma purum, premier cas, et le schisma mixlum fhæresi), deuxième cas. Cajétan, Summula ; Kirchenlexikon, t. x, col. 1792-1793 ; Reulencyclopàdie, t. xvii, p. 576.

3. Le schisme lié à un pèche d’hérésie, schisma mixlum, se réalise directement et pour ainsi dire de plein fouet ; mais le schisme pur, schisma purum, peut de nouveau advenir de deux façons : car le refus de se soumettre à l’unité ou de reconnaître son chef peut être direct ou indirect. Il est direct, si la volonté se porte à ce refus comme à son objet immédiat et explicitement voulu ; il est indirect si la volonté se porte directement et comme à son objet, non vers le refus de communion, mais vers une chose qui, voulue ainsi, recherchée ou poursuivie dans ces conditions, entraîne la rupture de la communion : ce serait le cas, par exemple, d’une Église locale qui voudrait changer les rites des sacrements sans consulter l'Église universelle et son chef. Le péché de schisme, comme tout péché, celui d’homicide par exemple, peut ainsi être volontaire directement ou indirectement : Cajétan, In II-'"11^, q. xxxix, a. 1, n. 1 et Summula à ce mot ; Vitoria, op. cit., p. 271. n. 3 : Suarez, op. cit., p. 733, 734735, n. 8, etc. À la limite, on aurait le cas du schismatique malgré lui. moins chimérique qu’on ne pense : de l’homme qui ne veut pas se séparer de l’unité mais qui lait des choses telles, ou de telle manière, et qui s’obstine à les faire de telle sorte que la rupture de l’unité s’ensuive fatalement : cas type, au moins au point de vue psychologique, celui de Dollinger, qui prolesta toujours de sa volonté de rester dans l’unité et ne voulut jamais accepter l'étiquette de > vieux catho lique » : cf. Mùcke, dans Die Gegenwart, 1890, p. 38 cl C)7 ; K. Algermissen, Konfessionskunde, Hanovre, 1930, p. 257 ; C. Butler, The Vatican council, t. n. p. 190.

Il y a lieu de noter ici, en raison de l’importance que ce facteur a joué dans les schismes de l’histoire, sur loui dans les temps modernes, le danger de schisme que peut présenter le sentiment nationaliste exacerbé et dépassant la mesure d’un louable patriotisme. On a noté, dans le donatisme, un élément de révolte de la Numidie non-romanisée contre Carthage romanisée, E. L. Woodward, Christianitg and nationalism in the later roman empire, Londres, 1916 ; les séparations qui au vie siècle, constituèrent les Eglises copte et jacobite relèvent de l’antagonisme exaspéré en Egypte et en Syrie contre la domination byzantine ; on sait que le sentiment national formellement attisé a joué un rôle considérable dans le hussitisme, la révolte luthérienne, le schisme anglican et, tout près de nous, dans le schisme tchécoslovaque de 1920. Il y aurait une étude très fructueuse à faire des rapports du « nationalisme » ainsi compris et du schisme, refus de se conduire ut pars.

Péché de schisme et péchés apparentés.

Notre notion de schisme se précisera mieux par une comparaison du péché de schisme et de quelques péchés qui lui sont plus ou moins voisins et apparentés.

1. Schisme et désobéissance.

Les deux choses sont si évidemment apparentées, elles sont si voisines que beaucoup les confondent ou éprouvent quelque difficulté à distribuerles rôles : le Kirchenlexikon, col. 1793, parle d’un péché qui serait contre la charité par sa malice intrinsèque, et contre l’obéissance par son apparence extérieure. Aussi saint Thomas a-t-il éprouvé le besoin de marquer la différence : « Ce qui fait le schisme dit-il. c’est le refus d’obéir accompagné de rébellion ; et j’entends par rébellion le mépris obstiné, pertinaciter, des préceptes de l'Église et le refus de se plier à son jugement. >< Sum. theol., IIa-IIæ, q. xxxix, a. 1, ad 2um. Cajétan précise davantage, et d’une façon fort heureuse, en déterminant trois points d’application ou trois motifs possibles pour la désobéissance. Elle peut concerner la matière même de la chose commandée, sans que l’autorité ou même la personne du supérieur soit mise en cause : ainsi, je fais gras délibérément le vendredi parce que je n’aime pas le poisson ; il n’y a pas schisme, mais simple désobéissance. Celle-ci peut s’attaquer à la personne qui détient l’autorité et, pour une raison ou pour une autre, lui dénier dans un cas précis la compétence ou estimer qu’elle se trompe, ou qu’elle est de fait illégitime, bref refuser d’obéir à la personne tout en respectant par ailleurs la fonction : il n’y a pas encore schisme. Ainsi, du point de vue qui nous occupe, la désobéissance des catholiques d’Action française non soumis au jugement de Rome en 1927, où se mêlent les deux manières que nous venons de dire, ne se présente pas comme un schisme à proprement parler. On aurait plutôt une hérésie (et ultérieurement un schisme), si l’on niait de manière expresse et avec pertinacité la compétence de l'Église en matière de doctrines éthico-politiques, à supposer que cette compétence soit une chose définie, de fide catholica. l.e schisme se vérifierait si le refus d’obéir s’attaquait, dans l’ordre reçu ou la décision promulguée, a l’autorité même, reconnue par ailleurs réelle et compétente, qui a donné l’ordre ou porté la décision, cum (pus papæ pnreeptum vel judicium ex parte o/Jicii sui récusât, non recognoscens cum ut superiorcm, quamvis hoc credat, Cajétan, loc. cit., n. 7 ; comparer Vitoria, op. cit.. p. 273, n. 5 et Thomas del Bene, op. cit., sect. iv, p..' ! 7.N, leqilel dislingue entre subtrahere se ab obedientia s. pontificis materialiter et subtrahere se formalilcr, ni summus pontifex est.

2. Schisme et hérésie. La distinction entre les deux est théoriquement facile, puisque l’objet formel des deux actes est différent : l’hérésie, en effet, s’oppose à la foi, le schisme a la communion ecclésiastique que fait la charité. Aussi peut-on être schismatique sans être hérétique, tandis que l’hérésie entraîne nécessairement le schisme. TOUS les auteurs notent, le plus souvent en citant le texte célèbre de saint Jérôme, que le schisme est un chemin vers l’hérésie : car on cherche