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    1. SCHISME##


SCHISME. NOTION CHEZ LES DISSIDENTS

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quence de la réforme grégorienne, cf. supra, art. Pape, t. xi, col. 1877 sq., et M.-J. Congar, Chrétiens désunis. Principes d’un « œcuménisme » catholique, Paris, 1937, p. 31 sq. Déjà chez les théologiens du xiiie siècle se marque un développement de la théologie relative au pape : la chose a été plusieurs fois notée en ce qui concerne saint Thomas : Harnack, Dogmengeschichte, 3e éd., t. iii, p. 422 ; F.-X. Leitner, Das unfehlbare Lehramt des Papstes, p. 101, etc. Dans la question même du schisme, saint Thomas donne au pape un rôle non certes exclusif, comme pourrait le faire supposer l’article Schismde VEncijclopædia de Hastings, p. 234, mais un rôle important, comme il est d’ailleurs normal. Alexandre de Halès est beaucoup plus exclusif dans cette accentuation : Ma discessio dicitur schisma, cum aliqui vim et potestatem Romanæ Ecclesiæ adnullant, præcepta ejus et instilula periinaciter contemnendo nec capul cam reputundo, op. cit.. c. i, p. 753, cf. c. ii, a. 1, p. 754, où intervient la distinction du schisme au sens large et du schisme proprement dit, lequel se vérifie quando periinaciter receditur ab obedientia ipsius capitis Ecclesiæ. L’idée semble s’établir dès lors qu’il n’y a de schisme proprement dit que par une désobéissance soutenue et consommée à l’égard du Siège romain : Scismaticus proprie est qui ab unitate totius Ecclesiæ se dividit, vel qui ab obedientia romanæ Ecclesiæ. sejublrahil totaliler, dit Pierre de La Palud, loc. cit. Saint Thomas est beaucoup moins unilatéral.

Les controverses des xvi c et xvii c siècles n’ajoutent plus rien à cette théologie ; elles confirment cette insistance exclusive sur le rôle du pape. Mentionnons, suscités par les grandes sécessions de la Réforme, outre le bref chapitre de schismaticis de Bellarmin dans ses Controv., t. III, c. v, Opéra omnia, éd. Naples, 1857, t. ii, p. 78-79, un De schismate de Jean Jovinien, que Suarez présente comme un écrit récent, et un De schismate in génère de l’Anglais Henri Holden († 10(35) qu’on trouve dans le Theologiæ cursus completus de Migne, t. vi, 1841, col. 1 1 59-1 178. Tout cela ne contient rien de bien neuf. Au xviir’siècle, la crise déterminée dans l’Église par le refus d’obéir à la bulle Unigenilus suscitera à son tour bien des traités où l’application des catégories anciennes de schisme et de schismatique sera faite, dans un sens ou dans l’autre, aux événements du jour. Échantillon de cette littérature : Traité du schisme : Christianus mihi nomen, Catholicus cognomen, Bruxelles, 1718 (du jésuite J. Longueval) ; Réfutation abrégée du livre qui a pour titre : Traité du schisme où Ton justifie, par le seul fait de dispute de S. Cyprien avec le pape S. Etienne, les évéques et les théologiens qui refusent d’accepter la constitution Unigenilus, du crime de schisme que leur impute l’auteur de ce traité, par le P. François-Dominique Meganck, 1718.

L’époque contemporaine a vu encore des schismes : celui des vieux-catholiques en 1871, celui de Tchécoslovaquie en 1920, pour ne rappeler que les plus connus ; mais aucun travail nouveau n’est venu enrichir la théologie du schisme et même la plupart des théologiens ou auteurs de De Ecclesia sont sur ce sujet d’une discrétion très grande. Quelques pages dans L. Billot, De Ecclesia, th.xii, 2e éd., p. 313 sq., d’après Cajétan.

Pères et auteurs grecs.

Il ne semble pas qu’il y

ait lieu de faire pour l’Orient une enquête historique aussi détaillée que celle à laquelle nous nous sommes livrés pour l’Occident. Il ne faut pourtant pas négliger de noter quelques expressions très fortes de la notion de schisme. On connaît le mot terriblement injuste de Firmilien de Césarée, dans sa lettre à Cyprien, au sujet du pape Etienne : Scidisti enim le ipsum, noli le fallere, si quidem ille est vere schismalicus qui se a communione ecdesiaslica unilatis apostatam fecerit, dans la correspondance de S. Cyprien. Epist., lxxv, n. xxiv. Cela ne constitue pas vraiment une définition du schisme.

Nous trouvons par contre des précisions dans deux textes du iv c siècle sensiblement contemporains : le canon du synode de Constantinople de 382 et la le1 1 re clxxxviii, can. 1, de saint Basile. Le canon du concile ne parle pas expressément des schismatiques, mais il réduit implicitement leur cas à celui des hérétiques : « Nous appelons hérétiques, dit-il, tant ceux qui ont été précédemment rejetés de l’Église que ceux qui ont été ensuite anathématisés par nous : et de plus, ceux qui prétendent professer la vraie foi, mais qui ont dévié et qui forment des groupes, àv-naovdcyovTaç, en face de nos évêques canoniques. » Mansi, Concil., t. iii, col. 501 C. Saint Basile, au contraire, dans l’épître citée, l’une des trois lettres « canoniques » adressées vers 373-374 à Amphiloque d’Iconium et qui ont contribué à créer la jurisprudence ecclésiastique en Orient, distingue très nettement l’hérésie, le schisme et les groupements dissidents. Trapaouvocytayyj : « L’hérésie est le fait de ceux qui sont tout à fait perdus et sont devenus étrangers quant à la foi elle-même ; le schisme est le fait de ceux qui, pour des causes ou des questions ecclésiastiques, divergent les uns par rapport aux autres d’une manière non-irréductible (littér. : guérissable) ; les groupements dissidents surviennent du fait de prêtres ou d’évêques indisciplinés et du fait de gens mal formés. > P. G., t. xxxii, col. 005. Ht, comme exemple de schisme, il donne celui-ci : avoir, au sein de l’Église, îles sentiments différents touchant la pénitence. Basile admet la validité du baptême des schismatiques, mais non celle du baptême des hérétiques. On sait que c’est lui qui a, en cette question, introduit la considération de la reconnaissance « par économie » dont les Églises orientales dissidentes font aujourd’hui un usage vraiment un peu large.

Ultérieurement, nous retrouverons en Orient une idée du schisme à la foi nette et peu élaborée : cf. par exemple, le canoniste Zonaras, XIIe siècle. Ad can. 33 concil. Laod. : « Les schismatiques sont ceux qui, corrects par rapport à la foi et aux dogmes, se séparent et font un groupe opposé pour quelque raison. « P. G., t. cxxxvii, col. 1381 : cf. H. Estienne, ’Thésaurus. t. vii, col. 1074.

La notion de schisme chez les dissidents.

Les protestants

proprement dits n’ont guère approfondi la notion de schisme : cette notion suppose en effet qu’on donne au corps visible de l’Église un statut et une valeur que leur théologie, orientée dans un sens tout différent, ne leur permettait même pas de comprendre. Les quelques mots de Calvin sur ce sujet, Instit. chrét., t. IV, c. ii, n. 5 et 0, n’ont aucune originalité théologique. Par contre, les orthodoxes et les anglicans ayant une notion de l’unité visible et de la communion ecclésiastique qui, pour diverger de la nôtre, n’en est pas moins positive, ont été amenés à concevoir le schisme d’une manière un peu différente de nous. Le rejet du primat romain et donc d’un organe et d’un critère d’unité pour l’Église universelle les amenait à concevoir l’unité de celle-ci comme la fédération d’Églises particulières semblables, avant même foi fondamentale, mêmes sacrements essentiels, mais autonomes en leur vie ecclésiastique et ne réalisant pas un système sociologique unique : cf. Congar, op. cit., surtout le c. v. Dès lors le schisme, qui est la rupture de l’unité, ne pouvait être défini directement dans le cadre de l’Église universelle et par référence à une autorité qui fût, pour elle, organe ou critère d’unité et de communion.

Les orthodoxes, dont plusieurs, encore de nos jours, se réfèrent au texte de saint Basile cité plus haut, ne peuvent concevoir de schisme qu’à l’intérieur de l’Église locale ou nationale, dans laquelle seule ils reconnaissent une autorité ordinaire légitime. Pour ce qui est de la séparation entre l’Église romaine et eux, ils portent volontiers le débat du plan schisme au plan