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SCHISME. NOTION", SYNTHÈSE SCOLASTIQUE


justi sumus, nos sanctificamus immundos, et cœlera similia. » Etgm., I. VIII, c. iii, n. 5, P. L., t. lxxxii, col. 297. Ce texte composite est reproduit avec une glose par VAd Elipandum Toletanum Epislola, d’Éthérius et Béatus, t. II, c. xxx, P. L., t. xcvi, col. 995, écrit d’un mouvement intérieur tout augustinien, et, tel quel, par Raban Maur, De universo, t. IV, c. viii, P. L., t. cxi, col. 94-95 ; sans doute encore par d’autres.

Une autre source traverse aussi le haut Moyen Age et alimente les discussions théologiques, c’est le texte bien connu où saint Jérôme marque, entre le schisme et l’hérésie, une distinction parfaitement nette et en même temps un rapport de continuité : Inler hæresim et schisma hoc esse arbitrantur, quod hæresis pervrrsum dogma habet, schisma propter episcopalem dissensionem ab Ecclesia separetur : quod quidem in principio aliqua ex parte intelligi potest. Cceterum nultum schisma non sibi aliquam configit hæresim, ut recte ab Ecclesia recessisse videatur. In epist. ad Titum, c. iii, ꝟ. 10-11, P. L., t. xxvi, col. 598. Avant d’être cité dans toutes les quæstiones scolastiqucs où il sera parlé du schisme, ce texte est repris par les commentateurs anciens : par exemple Alcuin, Expos, in epist. ad Titum, c. iii, P. L., t. c, col. 1025. Augustin ne distinguait pas si nettement l’hérésie du schisme : il disait qu’un schisme devient hérésie par la durée même du dissentiment primitif ; Jérôme est plus exact : il n’est pas de schisme, dit-il, qui, pour justifier sa sécession, ne fabrique une hérésie.

2. La réforme grégorienne. Les recueils canoniques. — Du point de vue qui nous occupe, la réforme grégorienne a eu deux effets principaux. D’un côté, elle a ramené l’intérêt sur la question de la validité des sacrements conférés par les simoniaques, les excommuniés, les hérétiques et les schismatiques ; mais l’utilisation faite alors des textes de saint Cyprien (cardinal Deusdedit), de saint Augustin, de Pelage I", n’a pas toujours été judicieuse et exacte ; cf. L. Saltet, Les réordinations, Paris, 1907, p. 79 sq. et 388. D’un autre côté, la centralisation ecclésiastique nécessitée par la réforme et les considérations idéologiques sur quoi l’une et l’autre s’appuyèrent accentuèrent, dans l’Église d’Occident coupée en même temps de l’Orient, l’autorité administrative du Saint-Siège et son importance prépondérante, exclusive presque, comme organe et critère de l’unité ecclésiastique : Quod catholicus non habeatur, qui non concordat Romanæ Ecclesiæ, dit le c. 26 des Dictatus papæ, P. L., t. ixlviii, col. 408 ; C. Mirbt, Quellen z. Gesch. d. Papstums, 5e éd., n. 278.

Ces préoccupations se retrouvent chez les canonistes, qui sont en même temps des théologiens : Yves de Chartres, Decr., 1. I. c. xxxvin et xxxix, P. L., t. clxi, col. 76 : les schismatiques sont extra Ecclesiam et destinés à l’enfer ; 1. X. c. xen, col. 720 : Augustin a reconnu qu’il fallait à leur égard user de coercition. — Alger de Liège, Liber de misericordia et justifia, c. i, P. L., t. clxxx, col. 931 : les sacrements des schismatiques sont illégitimes ; c. ii, col. 931-932 : distinction entre le schisme et l’hérésie, avec citation de Jérôme et d’Augustin ; leurs sacrements sont valides, mais sans fruit de salut ; c. in-v, col. 932 sq. : application spéciale aux schismatiques, en dépendance très étroite d’Augustin. — Décret de Gratien, caus. XXIV, q. i, c. 34, éd. Friedberg, t. i, p. 979-980 : pas de communion avec les schismatiques, ils ne sont plus de l’Église, laquelle est une, et n’ont plus l’eucharistie : avec citation de Pelage I er, d’ailleurs mal interprétée, cf. Saltet, op. cit., p. 79 sq., 290 sq. — Plus tard, dans les Décrétâtes, même utilisation outrancière de textes relevant d’une tradition augustinienne : les ordinations et collations de bénéfices faites par les schismatiques sont nulles, Décrétâtes, t. V, tit. viii,

éd. Friedberg, t. ii, p. 790. Sur l’ensemble, Saltet, op. cit. ; J. de Ghellinck, Le mouvement théologique au XIIe siècle, Paris, 1914, p. 289 et 296.

Aux controverses de cette époque se rattachent aussi différents traités De schismate qui concernent en réalité les faits d’antipapes : par exemple Arnulphe de Lisieux, Tract, de schismate (1130), dans P. L., t. cci, col. 173-194 ; Gcrhoch de Reichensperg, dans P. L., t. cxcin et cxciv, etc. Voir d’autres textes de même inspiration dans Mon. Germ. hist., Libelli de Lite. Les faits d’antipapes ont été relativement fréquents dans l’histoire de l’Église et y ont souvent déterminé de véritables schismes : qu’on se rappelle Novatien. Cf. un bref aperçu historique dans les art. Schisma du Kirchenlexikon, t. x, col. 1794 sq. et de la Realencyclopâdie, t. xvii, p. 577 sq. Mais ces traités théologicopolémiques des xie et xii c siècles n’apportent rien à la théologie du schisme : tout au plus une certaine accentuation de l’importance du Siège romain. II faut en dire de même au sujet du schisme oriental qui n’a suscité aucun progrès dans l’élaboration de la notion de schisme, sinon par la voie d’une mise en valeur plus grande de la primauté romaine, comme cela semble assez clair chez saint Thomas.

3. La synthèse scolastique.

Les Sentences de Pierre Lombard se taisent entièrement sur le schisme de même que sur les autres questions relatives à l’Église, qui sont considérées comme du domaine des canonistes ; ceux qui s’en tiendront à les commenter seront réduits sur ce peint à introduire quelques mots à propos de l’hérésie, de laquelle il est d’ailleurs parlé non au traité de la foi (I. III, dist. XXIII sq), mais à celui de l’eucharistie (t. IX, dist. XIII) : ainsi feront saint Bonaventure, avec quelques mots bien peu techniques In IV*™ Sent., dist. XIII. a. 2, q. ii, dub. iv, éd. Quaracchi, t. IV, p. 314 ; saint Thomas, In I V um, dist. XIII, q. ii, a. 1, ad 2, im ; plus tard, Pierre de La Palud, In /V » ™, dist. XIII, q. iii, éd. Paris, 1514, fol. 57 r « . Mais les œuvres systématiques bâties sur un plan nouveau feront une place convenable à un bref traité De schismate : ainsi fera saint Thomas, Sum. theol., II a -II ! B, q. xxxix (1271), voir injra, et avant lui Alexandre de Halès (si toutefois cette partie de la fameuse Summa est son œuvre : Sum. theol., inquis. iii, tract. VIII, sect. i, q. i, tit. iii, éd. Quaracchi, t. iii, p. 753 sq.). L’auteur de la Summa fait du schisme un péché contre Dieu, qui s’attaque plus spécialement non à la sagesse ou à l’amour, mais à la toute-puissance divine, q. i de la sect. i, de même que l’idolâtrie, l’infidélité des juifs et des païens, l’hérésie et l’apostasie. Il examine, à propos du schisme, d’abord ce qu’il est : illicila ab unitate Ecclesiæ discessio, c. i, p. 753 ; puis le rapport du schisme à l’hérésie quant à sa notion et quant à sa gravité, c. ii, p. 753-754 ; le pouvoir des schismatiques, c. III, p. 754-755 ; leurs sacrements, c. iv, p. 755-756 ; leurs ordinations, c. v, p. 756-757 ; toutes questions où s’affrontent la tradition rigoriste qui se réclame de saint Cyprien et la théologie augustinienne. C’est cette dernière qui l’emporte chez Alexandre, avec l’affirmation très nette, définitivement acquise à la théologie catholique : sacramenta vera sunt quæ in forma Ecclesiæ data sunt ab iis qui potestatem habent sibi debito modo collatam. Les c. vi et vii, p. 757, concernent la communion avec les schismatiques, où se trouvent exprimées la solution très déliée qui est restée celle de l’Église, et les peines dont sont passibles les schismatiques.

Comme nous l’avons déjà indiqué, le schisme oriental n’a guère été une occasion d’approfondir la théologie du schisme. Notons cependant quelques questions qui le concernent directement. Godefroid de Fontaines se demande utrum Grœcorum error de. Spirilu Sancto sit pejor quam inobedientia corum, vele converso ?