tiste Crosconius : « Il n’y a hérésie que là où il y a divergence do doctrine. L’hérétique est l’adepte d’une religion contraire ou autrement interprétée : par exemple les manichéen ?, les ariens, les marcionites, les novatiens et tous ceux dont les doctrines contradictoires sont en opposition avec la foi chrétienne. Mais entre nous, qui croyons au même Christ né, mort et ressuscité ; entre nous qui avons une même religion, les mêmes sacrements, il n’y a aucune divergence dans la pratique du christianisme : il y a eu schisme, mais on n’appelle pas cela une hérésie. En effet, l’hérésie est une secte composée de gens dont la doctrine est différente ; le schisme est une rupture entre gens qui ont la même doctrine, hieresis est diversa sequenlium secla : schisma vero cadem sequenlium separatio. > Cité par Augustin, Contra Cresc, c. iii, n. 4, t. xliii, col. 469, trad. Monceaux, Hist. litlér. de l’Afrique chrcl., t. vi, p. 97. Or, Augustin récuse une distinction qui semble si conforme à ce qu’il a dit lui-même ailleurs ; il fait eflort pour ramener le schisme à l’hérésie par cette considération que la rupture repose nécessairement sur un dissentiment et que ce qui commence en discorde, si la division dure, nécessairement tourne en hérésie : Dicitur schisma esse recens eonqregationis ex atiqua sententiarum diversitale dissensio (neque enim et schisma fieri potest nisi diversum aliquid sequi ntur, qui jaciunl), hæresis autem schisma inveteratum. C. vii, n. 9, P. L., ibid., col. 471.
Que veut Augustin ? Après une longue période d’elforts iréniques, marquée par l’offre de conférences et mille ménagements, Augustin et ses collègues d’Afrique se sont rendu compte de la mauvaise volonté obstinée des donatistes, dont les évêques se sont dérobés à toute avance. En cette année 405, Augustin change d’attitude et ce changement se marque en particulier dans la question du recours à l’appui de la force publique. Or, à la multitude d’édits plus ou moins gênants pour eux, plus ou moins inopérants aussi, dont les donatistes ont déjà fait l’objet, un nouveau document s’est ajouté depuis peu, un « édit d’union » vient d’être promulgué par l’empereur Honorius (février 405) et plusieurs lois viennent d’être portées contre les donatistes, que nous a conservées le Code Théodosien, et dont l’une a précisément pour objet, expressément à l’usage des donatistes, d’assimiler le schisme à l’hérésie : Intercidendam specialiter eam seclam nova constitutione censuimus, quæ H/Eriîsis vocarctur, appellationes schismatis prieferebat. In tantum enim sceleris proqressi dicuntur ii, quos donastistas vacant, ut… ; ita conligit, ut hæresis ex schismale nasecretur… Cod. Theod., t. XVI, tit. vi, 4 ; cf. Monceaux, op. cit., t. iv, p. 259. S’il n’y a pas lieu de penser, comme l’insinue Buonaiuti, op. cit., p. 275, que Cresconius, en marquant une distinction entre le schisme et l’hérésie, visait à éviter les conséquences de la loi (la lettre de Cresconius à laquelle répond Augustin est en effet de 401), il est bien permis de supposer qu’Augustin, conformément à sa nouvelle attitude et en considération de l’édit récent, atténue la distinction et tente de ramener le schisme donatiste à une hérésie : le donatisme. s : ins doute, n’était au début qu’un schisme : la pertinacité dans le dissentiment en a fait une hérésie. Cf. : Neque enim vobis obficimus, nisi schismatis crimen. quant etiam hæresim mate perseverando fecisiis. Epist., lxxxvii (Emerito donatislœ), n. 4, t. xxxiii, col. 2 !)X (entre 405 et 111 : Monceaux, op. cit., t. iv, p. 501).
Ainsi la distinction n’est pas radicale entre le schisme et l’hérésie : l’un comme l’autre, ils sord la rupture de la communion. Comment naît celle rupture ? Augustin attribue le schisme à Vodium jraternum. De bapt. contra don.. I. I, c. xi, n. 10, t. XLIII, col. I 1 N ; a YanimaUs sensus, ibid., c. xiv, n. 23, col. 122 ; il a de fort beaux passages où il montre que le schisme vient de ce que nous nous attribuons ce qui n’appartient qu’au Christ et de ce que, oubliant que nous sommes une partie faible et défaillante, ayant besoin des autres chrétiens et du Christ, nous nous donnons une valeur de tout, d’être autonome et autarcique : cf. le texte magnifique de Vin Epist. Joan. ad Parthos (de 416), tr. I, n. X, t. xxxv, col. 1984, etc.
Un dernier trait est à noter dans la théologie augustinienne du schisme, car il constitue un chaînon du développement de cette notion : c’est l’appel, au cours de la controverse avec les donatistes, à un critère d’unité et de communion au sein de la Catholica : le critère des « Eglises apostoliques » et singulièrement de l’Église romaine où se trouve la cathedra Pétri : cf. P. Batiffol, Le catholicisme de saint Augustin, t. I, p. 177 et 192-209 ; S. Augustin, Epist., xliii, n. 7, t. xxxiii, col. 163 ; Epist., lii, n. 3, col. 194-195 ; cf. Contra litl. Petit., t. II, c. li, n. 118, t. xliii, col. 300.
Cet appel aux « Églises apostoliques » (par quoi Augustin entendait non seulement les sièges directement fondés par des apôtres, mais les Églises auxquelles les apôtres avaient pu envoyer des lettres) est à noter : il sera en effet repris, avec une référence toute spéciale au Siège apostolique par excellence, celui de Rome, comme cela est normal, comme Augustin le pratique déjà et comme, avant lui, l’avaient fait saint Irénée et saint Optât. In urbe Roma, dit ce dernier, Petro primo cathedram episcopalem esse collalam, in qua sederit omnium apostolorum caput Petrus…, in qua una cathedra imitas ab omnibus servaretur, ne cceleri Apostoli singulas sibi quisque dejenderent, ut jam schismaticus et peccalor esscl qui singularcm cathedram alteram collocaret. De schism. don., t. II, c. ii, P.L. t. xi, col. 947. C’est déjà l’affirmation d’un critère unique et central d’unité pour l’Église universelle. Plus tard, dans un Occident menant une vie ecclésiastique pratiquement coupée de l’Orient, la référence au Siège romain se fera exclusive et nous verrons le schisme, primitivement conçu dans le cadre de l’Église particulière et en référence à l’épiscopat local, se définir principalement, puis exclusivement, dans le cadre de l’Église universelle et en référence au Siège romain. En tout cas, le pape Pelage I er, vers 558-560, au moment où se prépare le schisme des Trois-Chapitres, reprendra comme critère du schisme l’interruption de la communion avec les Églises apostoliques et citera expressément saint Augustin : cf. Epist., v, ad episcopos Tuscise, P. L., t. lxix, col. 398, que reprendra Agobard de Lyon, De compar. regim. ecclesiast. et polit., 2, P. L., t. (iv, col. 293 sq., et à quoi se réfère le Décret de Gralien, caus. XXIV, q. l, c. 34, § 1, éd. Friedberg, t. i. p. 980 ; voir aussi Pelage, Epist., iv, ad Narsctem, P. L., t. lxix, col. 397 et Epist., ii, au même, col. 395 : Quisquis ab aposlolicis divisus est sedibus, in schismute eum esse non dubium est, et contra universalem Ecclesiam allure conatur erigere, reproduit aussi dans le Décret de Gratien, caus. XXIII, q. v, c. 42, éd. Friedberg, t. i, p. 943.
3° Après Augustin, en Occident.
On peut distinguer plusieurs étapes dans ie développement de la notion de schisme après Augustin.
1. Transmission des textes augustiniens.
Une définition du schisme devient classique, formée de textes d’Augustin. Saint Isidore, dans ses Étymologies, met simplement bout à bout les deux textes du Contra Faustum, I. XX, c iii, P. L., t. xlii, col. 369, et du comment aire In Epist. Joan. ad Parthos, tr. I, n. 8, P. L., t. xxxv, col. 1984, cpie nous avons déjà rencontrés, et il forme la définit ion suivante : Schisma a scissura animorum vocatum. Eodem enim cullu, eodemque rilu crédit, ut cœtcri, solo congregationis delectaluT dissidio. Fit autan schisma, cum dicunt homines : « Nos