Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/652

Cette page n’a pas encore été corrigée
1289
1290
SCHISME. NOTION, LE DONATISME

Cyprien est l’homme de l’unité, il est aussi l’homme de la fonction épiscopale. Il construit son ecclésiologie dans le cadre de l’Eglise locale et autour de la fonction épiscopale, gardienne de l’unité : Illi (se. Pclro) sunt ecclesia ptebs sacerdoti adunata et pastori suo grex a : lhærens. Urule scire debes episcopum in ecclesia esse et ecclesiam in episcopo et si quis cum episcopo non sit, in ecclesia non esse… Epist., lxvi (Hartel), n. viii, 3. Dès lors, le schisme est conçu, dans le cadre de l'Église particulière, comme la rupture d’avec l'évêque légitime et l'érection d’un autel profane contre l’autel catholique : Qui schisma jaciunt et relicto episcopo, alium sibi foris pseudoepiscopum constituant… Epist., lxix, n. vi, 1 ; n. viii, 3 ; cf. Epist., lix, n. v, 1 ; lxvi, n. v, 1 ; lxviii, n. ii, 1, etc. Dans ces différents textes, Cyprien dénonce comme causes des schismes le mépris orgueilleux de l’autorité divine des évêques : Inde enim schismata et hiereses obortæ sunt et oriuntur, dum episcopus… superba quorumdam pnrsumptione contemnitur. Epist., lxvi, n. v, 1 ; lix, n. {{rom|v}, 1. Il exprime aussi une idée que nous retrouverons souvent ensuite, celle de la stérilité des schismes, > qui tombent tout d’un coup avec leur cabale perverse ». Epist., lv, n. xxiv, 3.

Mais, si le schisme est conçu par Cyprien comme rompant l’unitéde l'Église dont l'évêque est le principe, le critère et le sceau visible, l'épiscopat possédé par les chefs des Églises locales est conçu par lui comme uni' réalité une, créant entre ses parties prenantes plus même qu’une solidarité, une véritable unité : dès lors, se séparer d’un évêque légitime, élever contre le sien un autel rival, c’est se séparer de la communion de l'Église universelle et unique : le texte de Epist.. lxvi, n. viii, 3, que nous avons cité plus haut se poursuit ainsi : frustra sibi blandiri eos qui pacem cum sacerdotibus Dei non habentes, obrepunt et latenler apud quosdam communicare se credunt, quando Ecclesia, quæ catholica una est scissa non sit neque divisa, sed sit utique connexa et cohserenlium sibi invicem sacerdotum glutino copulata. La solidarité, la cohésion des évêques, mieux, l’indivision de l'épiscopat assurentl’unitétotale de l'Église comme l’unité d'évêque assure celle de chaque Église locale. Qui est en communion avec son évêque légitime est en communion avec les autres et reconnaître l'évêque légitime, c’est pour autant reconnaître « l’unité de l'Église catholique ». Epist., xlviii, n. iii, 2 ; qui entre en communion avec un schismatique est excommunié comme lui, Epist., lxviii ; qui s’est révolté contre son évêque légitime est considéré par les autres comme schismatique. Aussi bien les textes où Cyprien exprime sa pensée sur tout cela sont-ils relatifs au schisme de Novatien, c’est-à-dire à un schisme survenu au sein de l'Église romaine, mais que Cyprien considère comme intéressant et atteignant aussi bien l'Église d’Afrique dont il est le primat, Epist., xlviii, n. iii, tout comme il en jugera des scissions survenues dans l'Église d’Arles ou ailleurs. Dans ces ruptures cependant, Cyprien ne s’attache pas à distinguer le pur fait de schisme d’avec une hérésie proprement dite : sans qu’on puisse dire en toute rigueur qu’il ne mette entre les deux aucune distinction (l’hérésie est pour lui manifestement plus grave que le schisme : immo hæretico jurore, Epist., li, n. i, 1. et semble bien importer une relation à un enseignement : Epist., lv, n. xxiv, 1), il emploie le plus souvent les deux mots ensemble, et parfois l’un pour l’autre : ensemble, exemples innombrables, Epist., xlix, n. ii, 4 ; lii, n. iv, 2 ; lix, n. v, 1 et n. ix, 2 ; lxvi, n. v, 1 : lxix, n. i, 1, n. x, 2 et n. xi, 2 et 3 ; lxx. n. i, 1 et iii, 1 ; lxxi, n. i ; lxxiv, n. vii, 3 et viii, 4 ; De unitate Eccl., xix, etc. ; l’un pour l’autre : le schisme de Novatien est appelé hicrelica factio, Epist., xliii. n. vii, 2, et pervicax factio et hæretica templatio, Epist., xlv, n. iii, 2.

Le donatisme. Saint Augustin.

C’est en Afrique encore, à propos du donatisme, qu’on devait le plus écrire sur le schisme. Plusieurs fois même des définitions précises en furent données sans qu’on soit arrivé à une notion parfaitement cohérente et distincte ; aussi bien, ces textes proviennent-ils d'écrits polémiques où la discussion détermine parfois le sens et l’usage des mots. Tantôt nous voyons les donatistes refuser la distinction du schisme et de l’hérésie et les catholiques la soutenir : ainsi Optât de Milève contre Parmenianus ; tantôt ce sont les donatistes qui la revendiquent : ainsi Cresconius le grammairien. Mais, d’un bout à l’autre, hérésie et schisme restent des entités très voisines.

L’usage africain, avant qu’Augustin n’eût introduit et justifié la théologie romaine en cette question, était de nier la validité du baptême des hérétiques : aussi bien entendait-on par hérétiques des gens qui pervertissaient la foi trinitaire et christologique, à la manière des anciens hérésiarques. P. Batiffol, Le catholicisme de saint Augustin, t. i, p. 92. D’où l’effort de saint Optât pour marquer, entre hérésie et schisme, la magna distantia qu’il reproche à son « frère » Parmenianus de n’avoir pas aperçue : la différence entre les deux tient a ceci que les hérétiques ayant adultéré la vraie foi (trinitaire et christologique) sont complètement en dehors de l'Église et ne se rattachent à elle en aucune façon ; aussi leurs sacrements scml-ils inexistants, tandis que les schismatiques, venant vraiment de l'Église et l’ayant vraiment pour mère, s'écartent d’elle, rompent la paix, mais emportent avec eux la foi et les sacrements de l'Église, la foi qu’ils ont apprise et les sacrements qu’ils ont reçus d’elle. Optât, De schismate donalistarurn ad Parmenianum, t. I, c. x et xi, P. L., t. xi, col. 906-907. C’est là une distinction que Cyprien n’avait pas faite quand il rejetait tous les sacrements donnés en dehors de l'Église. Elle n’avait pas laissé de s’imposer après le concile d’Arles. Mais, en Afrique du moins, elle demeurait imprécise et, tout orientée qu’elle était vers la question de la validité des sacrements, elle ne définissait guère les notions pour elles-mêmes.

Nous trouverons chez saint Augustin des données plus précises. Quel que soit, par ailleurs, le caractère un peu flottant de sa notion d’hérésie, J. de Guibert, La notion d’hérésie chez suint Augustin, dans llull. de lillér. ecclésiast., 1920, p. 368-382, Augustin semble bien en distinguer le schisme : comme les hérétiques violent la foi par une fausse conception de Dieu, les schismatiques s'écartent de la charité fraternelle par des divisions impies, tout en croyant ce que nousmêmes croyons. Ainsi ni les hérétiques n’appartiennent à l'Église catholique, car elle aime Dieu, ni les schismatiques, car elle aime le prochain ». De fuie et symbolo (octobre 393), c. x, n. 2, P. L., t. xl, col. 193. Même distinction, sensiblement, dans le Contra Eaustiun Manichœum (400), t. XX, c. iii, t. xlii, col. 369 : Schisma, nisi fallor, est eadem opinantem atque eodem ritu colentem, quo cceteri, solo congregationis delectari dissidio. Secta vero est longe alia opinantem quam cœleri, alio etiam sibi ac longe dissimili ritu divinitatis instituisse culturam. Comparer, plus tard en 420 : Cum schismaticus sis sacrilega discessione, et hæreticus sacrilego dogmate. Contra Gaudent., ii, '.), t. xliii, col. 747. Les rôles semblent bien distribués ainsi : l’hérésie est une opposition dans la foi, le schisme une rupture dans la communion fraternelle. C’est ce qu’on trouve encore dans les Quæst. ai// in Matth., q. xi, n. 2, t. xxxv, col. 1367, d’une authenticité douteuse, mais dont le Moyen Age reproduira si souvent le texte : Schismatici quid ab hæreticis distent… Schismaticus non ftdes diversa faciat, sed communionis disrupla societas.

Cependant, dans le Contra Cresconium (fin 405 d’après Monceaux ; 406-407 d’après P. de Labriolle), Augustin rencontre l’affirmation du grammairien dona-