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    1. ROUSSEAU##


ROUSSEAU. L’EMILE

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pasteui de Montmollin l’y admit à la communion, après « qu’il eut fait par écrit une Déclaration dont Montmollin fut si pleinement satisfait que non seulement, il n’exigea aucune explication sur le dogme mais qu’il me promit encore, dit Rousseau, de n’en point exiger », Correspondance, t. xiii, n. 2541, p. 161163, Lcllrc au consistoire de Moliers, le 23 mars 1765. Voir ibid., t. viii, n. 1501, p. 82-83, le texte de cette Déclaration, datée du 24 août 1762. C’est là qu’il apprend que Y Emile a été censuré par la Sorbonnc, mis à l’Index et qu’il reçoit le Mandement de Monseigneur l’archevêque de Paris portant condamnation d’un livre qui a pour titre : Emile ou De l'éducation, par J. J. Rousseau, citoyen de Genève, daté du 20 août 1762, in-4o, Paris. Voir le texte de ce mandement aux Œuvres de Rousseau, édit. cit., t. ii, p. 747-754. On l’attribue à l’avocat Jacob-Nicolas Moreau.

Divers prélats et théologiens imitèrent l’archevêque, mais c’est à lui seul que Rousseau répondit : orgueil sans doute et calcul : la Genève calviniste serait reconnaissante ; d’où cette lettre : J.-J. Rousseau, citoyen de Genève, à Christophe de Reaumonl, archevêque de Paris, in-8o, s. 1., 1763, avec cette épigraphe : Da veniam si quid liberius dixi, non ad contumeliam luam, sed ad defensionem mcarn. Prsssumi enim de gravitale et prudentia tua, quia potes considerare quantam mihi necessitalem respondendi imposueris, Aug., Episl. ccxxxviii, ad Pascent. Éd. citée, t. ii, p. 755-797.

Divisé en 27 alinéas, le mandement commençait par un portrait de Rousseau, « préconisant l’influence de l'Évangile don, il détruisait les dogmes ». Puis il accusait Y Emile de « s’emparer des premiers moments de l’homme, afin d'établir l’empire de l’irréligion », § 2, avec un plan d'éducation « qui est loin de s’accorder avec le christianisme » et de plus « n’est même pas propre à former des citoyens ni des hommes ». § 3. Il reporte trop tard la formation morale et religieuse, § 5, 6, 7, 8, 9, 10, et nie le péché originel, qui seul explique l’homme. § 3. Il ne montre pas dans la religion chrétienne « celle eu le meilleur usage de la raison doit conduire ». § 4. Il ne juge pas la croyance en Dieu de nécessité de moyen. § 11 ; et, tout en affirmant « le monde gouverné par une volonté puissante et sage », il professe « le scepticisme par rapport à la création et à l’unité de Dieu ». § 13. Surtout il dit la révélation indigne de Dieu et de l’homme faite de contradictions, sans preuves, puisque les miracles ne sont connus que par des témoignages humains et que l’on prouve la doctrine par le miracle et le miracle par la doctrine. § 16. En conséquence, après avoir rendu « à la sainteté de ['Évangile, …a la vie et à la mort de Jésus… un témoignage sans égal », il conclut au doute. § 17. L’auteur, résume l’archevêque, semble s’en tenir à la religion naturelle et même accepter l’athéisme, étant donnée sa théorie » qu’en matière de religion la bonne foi suffit ». § 18. Mais n’est il pas, lui, de mauvaise foi quand il oppose les dogmes « aux vérités éternelles », § 19 et 20, et ne reconnaît à l’autorité de l'Église d’autres preuve que l’affirmation de l'Église elle-même. § 21. Et parce que « l’esprit d’irréligion n’est qu’un esprit d’indépendance et de révolte », Rousseau ne respecte pas plus que l’autorité de Dieu. « celle des rois qui sont les images de Dieu et celle des magistrats qui sont les images des rois ». D’après Y Emile, I. Y, /oc. cit., p. 707 sq., § 22. « À ces causes, disait l’archevêque, … nous condamnons ledit livre comme contenant une doctrine abominable, propre à renverser la loi naturelle et a détruire les fondements de la religion chrétienne, établissant des maximes contraires à la loi morale évangélique, tendant à troubler la paix des États et a révolter les sujets contre leurs souverains. » § 27.

Rousseau réfute une à une les critiques de l’arche vêque, puis il vient aux griefs le visant personnellement. Beaumont l’accuse d’irréligion. Injustice. Il est protestant « comme ses pères ». « Comme eux, dit-il, je prends l'Écriture et la raison pour les uniques règles de ma croyance. Et il m’est doux de participer au culte public. » hoc. cit., p. 773-774. Il n’est ni un athée, ni un hypocrite. P. 774. Toutes les religions quelque peu dominantes ont provoqué. l’intolérance et le fanatisme. P. 772-780. Il voudrait donc voir les hommes accepter d’un commun accord les principes de la religion naturelle, juger bonnes toutes les religions où se trouvent ces principes essentiels et qui sont « prescrites par les lois », le souverain ayant le droit de régler « le culte » de son État, puisque c’est là une affaire de police et tolérer toutes les religions de cette sorte. P. 771-786. Pour croire à une doctrine révélée ne faut-il pas être certain qu’elle l’est ? Mais cela, c’est impossible, le miracle, fait divin, n'étant attesté que par des témoignages humains. S’il rend hommage à l'Évangile et à Jésus-Christ, c’est, non sur des témoignages humains, mais sur l’impression qu’ils lui donnent du divin ; seulement L'Évangile « répugne parfois à la raison ». Il se comprend donc que la Profession de foi soit divisée comme elle l’est, établissant longuement contre le matérialisme moderne les dogmes de la religion naturelle, puis exposant les difficultés que soulève toute révélation, en mettant cependant le christianisme au-dessus de toutes les religions révélées. Quant au catholicisme, dit-il à l’archevêque, vous demandez « quels y sont les dogmes qui combattent les vérités éternelles ». Mais la transsubstantiation n’est-elle pas de ceux-là? P. 789794. « Si donc il existait en Europe un seul gouvernement éclairé, il eût rendu des honneurs publics à l’auteur d’Emile. » P. 794.

Aux côtés ou à la suite de Beaumont, l’abbé André, un oratorien publie une Réfutation du nouvel ouvrage de J.-J. Rousseau, intitulé Emile, anonyme, Paris, 1762, in-8o ; (dom Deforis), Ladiviniléde la religion chrétienne vengée des sophismes de J.-J. Rousseau, Paris, 1763, in-8o et Préservatif pour les fidèles contre les sophismes et les impiétés des incrédules, suivi d’une Réponse à la lettre de J.-J. Rousseau à M. de Reaumonl, Paris, 1764, in-12, tous deux anonymes ; l’abbé Yvon, Lettre à M. Rousseau pour servir de réponse à une lettre contre le mandement de Mgr l’archevêque de Paris, Amsterdam, 1763, in-8o. En 1765, Fumel, évêque de Lodève, publie une Lettre pastorale sur les sources de l’incrédulité du siècle, Paris, in-12, où il est question de Y Emile.

Des calvinistes de Genève ou de Suisse viennent aussi des réfutations de Y Emile. Paraissent dès 1762 : F. -A. Comparet. Lettre à M. J.-J. Rousseau, citoyen ite Genève, Genève, in-8o ; le pasteur Bitaubé, Examen de lu confession de foi du vicaire savoyard soutenue dans Emile, Berlin, in-12 ; le pasteur Verncs, un ami de Jean-Jacques, I^ellres sur le christianisme de J.-J. Rousseau, Berlin, in-12. Plusieurs de ses partisans font, il est vrai, au Petit conseil « des représentations » pour que soit soumis à la sanction du Conseil général, assemblée de tous les bourgeois et citoyens, l’arrêt qui condamne Rousseau. Mais le Petit conseil refuse obstinément et le procureur Tronchin public ses Lettres écrites de la campagne, où il justifie les mesures prises. Rousseau, dès le début du conflit avec Genève, a adopté une attitude intransigeante. Le 18 juin 1762, son admirateur, le pasteur genevois Moultou, désireux d’adoucir les choses, lui a demandé de lui écrire une lettre, « où vous montreriez, lui disait-il, que vous recevez les dogmes essentiels et qu’en rejetant ceux de l'Église romaine et ceux qu’une ancienne théologie a ajoutes a l'Évangile, vous tenez à toul le reste », Correspondance, t. vii, n. 1420, p. 311314. Il a refusé. Le 12 mai 1 763. il abdiquera « par bon-