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SCAPULAIRE


les carmes demandèrent à Urbain VI une indulgence de 3 ans et 3 quarantaines pour tous les fidèles qui donneraient aux carmes et à leur ordre le nom d' « Ordre et de frères de la bienheureuse Mère de Dieu, Notre-Dame du MoutCarmel. Il est bien difficile de comprendre que, dans cette conjoncture, les carmes, au lieu de solliciter une indulgence, n’aient point fait valoir, auprès des fidèles, l’ancienne promesse et surtout la nouvelle bulla Sabbatina (de 1317), si le scapulaire était dès lors connu, et si la promesse faite à saint Simon Stock, de même que la bulle, étaient tenues pour authentiques. Bien que la bulle de Jean XXII ait été confirmée dans la suite par quelques papes, au xvie siècle, la bulle elle-même n’a point été déclarée authentique dans son texte entier. Au contraire, la confirmation faite par Grégoire XIII, le 18 septembre 1577, s’exprime déjà prudemment dans le sens du décret postérieur du SaintOffice. Ce décret parut en 1613 : il ne se prononce pas sur la question de l’authenticité de cette bulle ; il déclare seulement ce qu’il est permis aux carmes de prêcher d’après le contenu de la bulle. En même temps, il interdit de peindre des images représentant, d’après la bulle, Notre-Dame descendant pour délivrer les âmes du purgatoire. Dans le sommaire authentique des indulgences de l’ordre de NotreDame du Mont-Carmel, sommaire approuvé par la Sacrée Congrégation des Indulgences le 31 juillet 1907, il n’est question ni de la bulle, ni même du Privilegium sabbadnum pour les carmes. Dans le sommaire des indulgences et privilèges, approuvé le 4 juillet 1908 pour la confrérie du scapulaire du Carmcl et confirmé de nouveau, labullede Jean XXII n’est plus citée comme elle l'était encore dans le sommaire du 1 er décembre 1866. » Beringer-Steinen, op. cit., p. 190. Voir cet auteur pour les références au bullaire des carmes, aux Actes du Saint-Siège et au recueil des rescrits authentiques de la S. C. des Indulgences.

Interprétation théologique.

Il n’appartient pas à

l'Église de se prononcer sur le contenu des révélations privées, ces révélations débordant l’objet du magistère. L'Église les considère cependant comme respectables et humainement recevables, quand elles se présentent à nous dans des conditions telles que leur authenticité ne semble pas pouvoir être contestée. Mais, même en ce dernier cas, nous ne saurions les recevoir qu’en les interprétant conformément aux exigences de la règle de la foi, c’est-à-dire en les confrontant avec les enseignements formels de l'Écriture et du magistère ecclésiastique.

1. Interprétation théologique du privilège de la bonne mort. — L'Écriture et le magistère nous livrent, au sujet du privilège de la mort en état de grâce attribué au port du scapulaire, trois principes incontestables.

Le premier principe est rappelé dans l'Évangile par le divin Maître, à l’occasion surtout de l’hypocrisie et du formalisme des pharisiens : le culte que nous devons rendre à Dieu, pour lui être agréable, doit exprimer extériemement les sentiments intérieurs de notre âme. Les rites extérieurs ne valent que dans la mesure où ils témoignent de la sincérité de nos sentiments cachés. < Il faut adorer Dieu en esprit et en vérité », Joa., iv, 23. Si, en raison d’une assez longue tradition qui compense peut-être quelque peu l’absence d’une preuve rigoureusement historique et que des autorités graves (Benoît XIV, dans De festis B. V., c. vi, De festo B. V. de Monte Carmelo, §8 ; Léon XIII approuvant le récit de l’apparition dans les leçons de l’office de saint Simon Stock) ont accueillie favorablement, on peut reconnaître une certaine valeur à la promesse d’une bonne mort attachée au port du scapulaire, il faut poser en principe que cette promesse ne concerne qu’une dévotion sincère, intérieure, envers le saint scapulaire. C’est pourquoi dans l’office de saint Simon Stock, approuvé pour les catholiques anglais, Léon XIII a fait insérer un petit mot, absent du texte présenté comme l’original de la promesse : « Quiconque mourra pieusement portant cet habit ne souffrira pas les flammes de l’enfer.

En second lieu, l'évangile et la foi catholique enseignent que ceux-là seuls entreront dans le ciel qui mour ront dans la grâce de Dieu. « On calomnierait donc le scapulaire en prétendant que d’après (ses défenseurs), le lait seul de mourir sous la sainte livrée de Marie préserve de l’enfer, quel que soit d’ailleurs l'état dans lequel on paraît devant Dieu… Le scapulaire de la Vierge du Carmel, pas plus que les autres pratiques de dévotion envers elle, ne saurait suppléer ni aux mérites ni à la pénitence… » Mais « porter le scapulaire, c’est se créer comme une espèce de droit à la protection singulière de la Reine du ciel et se préparer à recevoir de ces grâces de conversion qui amollissent les cœurs les plus durs et les ramènent à Dieu ». J.-B. Terrien, La Mère de Dieu et la Mère des hommes, t. iv, p. 304 ; cf. Th.Raynaud, Scapulare Marias, illustratum et defensum, q. vii, dans Opéra omnia, t. vii, Lyon, 1665, p. 293 sq.

Enfin, le dogme, défini à Trente, de la persévérance finale et de l’incertitude de la prédestination domine ici" toute la présente question. Sur ce dogme, voir Persévérance, t.xii, col. 1283, 1925. En réalité les auteurs les plus favorables à une interprétation striclc de la promesse ont des affirmations pleinement conformes à la doctrine catholique. Celle-ci, tout en maintenant l’incertitude du salut, admet cependant i’exis tence de certains gages de persévérance : la dévotion à Marie est un de ces gages et c’est uniquement en ce sens qu’ont parlé les anciens défenseurs du privilège de la bonne mort : « Certes, ils donnent bien (le scapulaire) comme un gage de prédestination, mais sans aller, je crois, jusqu'à dire qu’il n’y aurait plus de doutes fondés sur le salut d’un pécheur qui rejetterait, même au moment de la mort, les secours de la religion, eût-il conservé jusqu'à son dernier souffle le vêtement sacré de Marie. » J.-B. Terrien, op. cit., p. 306. Mais il semble nécessaire d’interpréter plus largement encore la promesse. Le port matériel du scapulaire n’est pas suffisant pour que se justifient les conditions de la promesse. Il faut des dispositions d’ordre spirituel, selon le commentaire attribué à saint Simon Stock luimême : « En conservant, mes frères, cette parole dans vos cœurs, efforcez-vous d’assurer votre élection par de bonnes œuvres et de ne jamais défaillir ; veillez dans l’action de grâces pour un si grand bienfait ; priez sans cesse, afin que la promesse à moi communiquée se vérifie pour la gloire de la sainte Trinité… et de la Vierge toujours bénie. » Cf. Benoît XIV, De festis…, § 7 et 8.

2. Interprétation théologique du privilège sabbalin. — Il est impossible, avons-nous dit, d’admettre l’authenticité de la bulle de Jean XXII. Les controverses ont été fort sagement dirimées, au point de vue pratique, par le décret du Saint-Office, 15 février 1615, sous Paul V, décret renouvelé et approuvé récemment par la S. C. des Indulgences, 1 er décembre 1885. Voir le décret de Paul V dans le Bullaire des carmes, 1. 1, p. 62 ; t. iii, p. 601. Le décret de Paul V lait abstraction de la bulle contestée. Mais quoi de plus raisonnable et de plus théologique que d’admettre avec lui que la vierge Marie couvrira de sa maternelle protection, principalement le samedi, jour consacré à son culte, les âmes de ceux qui, sur la terre, auront été ses fidèles serviteurs. Dans le sommaire des indulgences et privilèges approuvés par la S. C. des Indulgences, le 4 juillet 1908, pour la confrérie du scapulaire du Mont-Carmel, les privilèges sont énumérés à la suite des indulgences et ce qui y est dit du privilège sabbatin est le meilleur commentaire théologique qu’on puisse faire de cette question : « Le privilège, appelé ordinairement sabbatin, de Jean XXII, approuvé et confirmé par Clément VII, Ex démentis, du 12 août 1530, Pie V, Superna disposilione, du 18 février 1566, et Grégoire XIII, Ut laudes, du 18 septembre 1577, et par d’autres, de même que par le décret de la sainte Inquisition romaine sous Paul V, 20 janvier 1613, déclare : « Il est permis aux Pères carmes de prêcher que les