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c. xviii. et Savonarole se montre tervent « lu culte de la

Vierge et des saints. Pour lui, Ls belles enlises, leurs tours, leurs autels, leurs cloches proclament la gloire de Dieu. Il aime y voir Ls croix, les cierges, la lampe du sanctuaire, le bénitier avec l’eau bénite, fontaine de larmes qui lave les fautes des pénitents ». Sans exception, grandes ou petites, toutes les institutions de l'Église sont admirables. Quant à ceux qui désireraient s’instruire plus complètement SUT ce point, qu’ils lisent attentivement les œuvres de nos docteurs. qu’ils les examinent avec soin, et ils connaîtront que le culte de l'Église ne vient pas des hommes, mais de Dieu. » Qu’on ne croie pas qu’il s’agisse ici d’une opinion de jeunesse de Savonarole. Il s’agit d’un traité rédigé par lui dans les plus mauvais derniers jours de son fatal conflit avec la papauté.

Malheureusement, en ce qui concerne la papauté, la doctrine de Savonarole n’a pas toujours été ; iussi sûre. Si en 1496, bien qu’excommunié par le pape, Savonarole continue sa prédication, c’est parce qu’Alexandre VI formule un ordre « contraire aux ordres de Dieu ». Pour Savonarole. en tant que représentant l'Église romaine, le successeur de saint Pierre doit toujours être obéi, même dans le cas où l’en met 'Mi doute la conformité de son commandement avec l’ordre chrétien, charitable et moral. « S’il subsiste seulement un doute, si faible qu’il soit, il faut obéir. » On saisit la partie faible des principes de conduite qui guident Savonarole : son malheur est de se croire directement prophète de Dieu en sorte que le pape ne pourrait rien contre sa prédication. Au moment le plus tragique de sa destinée, dans ces prédications violentes de 1498 qui vont amener sa perte, Savonarole se réclame toujours de la même doctrine et. pense-t-il, de la même justification. Il en tire non seulement en faveur de lui-même mais contre Alexandre VI des conséquences extrêmes : « Le bon prince, le bon prêtre, n’est, dit-il, qu’un instrument dans la main du Seigneur qui s’en sert pour le gouvernement du peuple. Mais, si Dieu se retire de lui, il cesse d'être un instrument et alors il n’est plus qu’un « fer brisé ». Mais direzvous, comment puis je savoir si Dieu est avec lui ou non ? Considérez si ses lois ou ses commandements sont en contradiction avec ce qui est la base ou la racine de toute sagesse, je veux dire les bonnes mœurs et la charité chrétiennes. » Cette assertion contient assurément quelque chose de très délicat et de très dangereux : la juridiction de la prédication chrétienne, laquelle dépend du pape, se trouverait liée dans le cas où le pape agirait contrairement à la moral- à propos de ce droit de juridiction. Tel serait le cas pour l’excommunication contre Savonarole. lue excommunication ne vaut donc pas en soi : elle ne vaut que si elle est juste ! et Savonarole ne voit pas d’inconvénients à ce que ce soit le principal intéressé, la victime, qui se fasse juge de la valeur d’une excommunication. Est-ce à dire qu’il renonce complètement à la valeur fn se des actes du souverain pontificat, à sa juridiction obligatoire'? À dire vrai, il biaise : Le pape, explique-t-il, peut se tromper de deux manières, soit par conviction. soit par méchanceté. » Obéir aux méchancetés ou fausses convictions du pontife romain, c’est aller « contre l’invisible Église de Dieu ». Par conséquent, quiconque s’obstine à m’opposer l’excommunication et prétend que je ne devrais pas enseigner cette doctrine, pari' contre le royaume du Christ et pour le royaume de

Satan. » Sermon du I.S février 1498. Bref, Sa voua rôle porte le conflit intérieur qui l’agite et qui agite les plus valeureux de ses contemporains sur le terrain de

discussion SUÎVanl : est ce la charité et la justice qui doivent primer ou bien faut il laisser le champ libre aux exact ions et Immoralités des membres tarés d’une organisation ecclésiastique divine ? Savonarole Indi

nail à croire que l'Église de la terre, si divine qu’elle soit, ne vaudrai ! que pour autant que pratiquement elle coïnciderait avec la moralité de l'âme de l'Église. Savonarole eût pu ajouter, en son temps où l'Église ralliait tous les esprits, quc les membres tarés pouvaient être retranchés par une sorte de consentement œcuménique. Mais cette déposition qui est facile a concevoir, la hiérarchie y pourvoyant, lorsqu’il s’agit de quelque clerc inférieur, est-il loisible aux chrétiens, même en un concile, de l’opérer lorsque le délinquant est un pape ? Loin du concile du Vatican et de l’infaillibilité pontificale, les opinions des théologiens restaient fort confuses à la fin du xv siècle. Or, le consentement universel n’accordait point une grande gloire céleste au pape régnant Alexandre VI : « Le 14 juin 1497, écrit l’astor, op. cit., p. 500, on prétendit avoir entendu un grand bruit dans l'église de Saint-Pierre et avoir remarqué dans l’intérieur des torches courant çà et là portées par des mains invisibles ; une somnambule déclara que les porteurs de torches étaient le prince des enfers et ses démons. Au mois de décembre suivant, on prétendit avoir vu dans le château Saint-Ange l'âme du duc de Gandia et l’avoir entendue pousser des cris épouvantables. Le 29 octobre, un terrible événement avait répandu la terreur : le tonnerre en tombant sur la poudrière du fort Saint-Ange avait fait sauter la partie supérieure, réduit en miettes la statue de marbre de l’ange et projeté d'énormes blocs de [lierres jusqu'à l'église de Saint-Celse, sur la rive opposée du 'libre, i > Grands et extraordinaires présages au temps du pape Alexandre, écrit le chroniqueur vénitien Malipiero : le tonnerre a couru dans son antichambre, il a eu l’inondation du Tibre, son fils lui a été enlevé par un meurtre abominable ; et voici qu’une explosion a fait sauter le château Saint-Ange. »

Il n’y avait pas tellement longtemps que saint Vincent Ferrier était mort. On l’avait canonisé en 1458. Le dominicain était très vénéré au couvent florentin de Saint-Marc OÙ fra Angelico l’avait peint. Les contemporains en avaient gardé un intense souvenir. La dernière pièce du procès de condamnation de Jeanne d’Arc en 1 131. en même temps qu’elle rejetait formellement la mission de la Pucelle, considérait le dominicain Vincent terrier comme l’homme providentiel, le prophète prédicateur des derniers temps : les maîtres de l’université de Paris proclamaient dans cette pièce officielle : « C’est notre opinion qu’il faut travailler avec d’autant plus de vigilance à repousser les atteintes pestilentielles dont l'Église est contaminée par les erreurs vantées des pseudo-prophètes et des hommes réprouvés, que la fin des siècles semble davantage imminente ; car ces temps futurs et périlleux, ces jours derniers le docteur des nations les annonça, « quand « les hommes ne maintiendront plus sa saine doctrine ; car iK se détourneront d’ouïr la vérité pour se convertir a des failles. » Or, aux yeux des contemporains et de tout le xv siècle, l’ouvre d’assainissement de saint Vincent Ferrier avait en grande partie consisté à avoir éliminé un pseudo-pape d’Avignon, Benoît XIII, à a oir prêché pour cela contre lui un sermon fulgurant cl a avoir appuyé le concile (le Constance. Depuis le concile de Constance, et non sans quelque abus la constitution officielle de l'Église semblait se modifier en réaction contre le monarchisme romain. Les doctrines dites conciliaires axaient nettement h-dessus.

On avait même prévu dis réunions périodiques des conciles. Si les souverains pontifes avaient réussi à éluder ce danger (u parlementarisme ecclésiastique, leur procédé semblait un abus grave aux yeux des populations. Les conciles du xv siècle avaient montré (pales papes ou pseudo papes risquaient leur tiare lorsqu’ils déplaisaient aux Pères conciliaires. Le crime de' simonie en particulier était classique comme motif de