Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/610

Cette page n’a pas encore été corrigée

1205 SATISFACTION. EXPLICATION DES ADOUCISSEMENTS

1206

propler miiltam misericordiam quam per nimiam severitatem ». Édit. de Parme, t. xvii, p. 326.

Même doctrine et mêmes conseils chez Scot. Après avoir indiqué la conduite à suivre avec un ouvrier, à qui son travail ne permet pas de jeûner, et avec une personne riche, à qui sa délicatesse fait rejeter toute autre pénitence que quelque prière ou l’aumône, il conclut en général : Si omnino nullam psenilentiam velit recipere a sacerdole impositam, dicit tamen se habere displicentiam de peccato commisso et flrmum proposition non recidivandi, absolvendus est, et non est respuendus, ne cadat in desperalionem, et nuntianda est sibi pœna quæ essel pro peccalis jacienda, et quod eam in se vel in œquivalenti absque impositione studeat adimplere, alioqvin solvet ad plénum in purgatorio. Hœc misericordia salis consonal illi prophétise deChristo [Is., xlii, 9], quam Matt. (xii, 29) récitât : « Arundinem quassatam non confringet, et lineum jumigans non exlinguet ». In I V, , iii, dist. XV, q. ii, n. 14.

Gerson, au xi ve siècle, ne sera pas moins cat égorique : comme saint Thomas, il prendra son parti de voir le pénitent se condamner lui-même au purgatoire, faute de vouloir accepter la pénitence plus sévère qui conviendrait. Tutius est cum parva pœnitentia, quæ sponte suscipitur et verisimilius adimplebitur, ducere confessos in purgatorium quam, cum magna non implenda, præcipitare in infernum. Reg. mor., De pænit., n. 138.

Tel est aussi l’enseignement de saint Antonin de Florence : Est satis rationabilis causa non dandi pœnilentias [canonicas], indispositio pœnilentium… Et, si sacerdos non potest gaudere de omnimodo purgalione ejus, saltem gaudeat quod liberatum a gehenna transmittit ad purgatorium. Ilaque… nullo modo débet permiltere peccatorem desperatum recedere a se…, sed potius imponal ei unum « Pater noster » vel aliud levé et quod alia bona quee fecerit et mala quæ toleraverit sint ei in pœnitentiam… Si alias ipsum pœnilet et paralum dicit se facere quod débet, sed onus pœnitentiæ dicit non posse sufjerre, tune, propter hoc, quantumeumque deliquerit, non débet dimilti sine absolutione ne desperel. Summa, part. III, tit. xvii, p. 20. Cajétan n’hésite pas à aller jusqu’au bout de ces déductions. In tribus cesibus potest omitti satisfactio… Primus est, si constaret pirnitenlem satisfecisse intègre… Tertius est, indispositio pœnitenlis, quia nullam vult pœnitentiam hic peragere sed offert se in purgatorio subditurum [ou mieux : subiturum]. Talis enim videtur absolvendus et relinquendus purgatorio ad salisfaciendum, si casus sil possibilis, quia sallem se semel signare signo crucis nullus refutarct. Summa peccatorum, satisfactio.

Le concile de Trente ne descend pas à ces détails et ne donne pas ces précisions ; il s’applique surtout, nous l’avons vii, à rappeler la nécessité générale de la satisfaction ; mais, dans ses directives aux prêtres sur le choix de celles qui se doivent imposer dans le sacrement de pénitence, il met sur le même plan les dispositions du pécheur et la gravité du péché : pro qualitate criminum et pœnitentium facullate. Ainsi sanctioniv-t-il et confirme-t-il la ligne de conduite empruntée aux docteurs du Moyen Age. Aussi théologiens et moralistes continueront-ils à s’y tenir. Des deux facteurs en fonction desquels se doit déterminer la satisfaction, la prééminence revient pratiquement au second : ce sont les dispositions du pécheur qui doivent en commander la mesure.

Telles sont, par exemple, les instructions données par saint Charles Borromée aux confesseurs de son diocèse. Tout en accentuant, plus que l’on ne faisait à l'époque la note de sévérité, tout en recommandant d’avoir égard à la gravité et au nombre des péchés accusés et de s’inspirer des anciens canons de l’Eglise, il leur demande de ne pas imposer, entre autres, une pénitence propre à abattre ou à décourager. Videbit

ne… eam pœnitentiam injungat… qua… ipse pœnitens nimium delerreri possit. Finalement donc, on doit s’arrêter à celle qu’on estime pouvoir être accomplie par l’intéressé : Quamobrem talem imponet, qualem ab eo prœstari posse judicet. Instrucliode sacram. pœnitentiæ : De modo imponendi pœnitentiam.

Le cardinal de Lugo aboutira à la même conclusion. Partant du fait que les pénitences demandées par le concile de Trente doivent être « salutaires », il expliquera que, pour les donner telles, on doit avoir égard avant tout au profit qu’en peuvent retirer les pénitents : Débet esse saluluris et eonveniens, hoc est, primo loco altendi débet ad ulilitatem spiritualem pœnitentis, ne, scilicet, laquei ipsi injiciantur ut nova peccata commitlat. Et ex hoc potissimum capite excusari potest hodierna praxis, qua levés pœnitentiæ imponuntur pro gravissimis peccalis : id enim sœpe fit propter spiritualem infirmitalem pœnitentium, qui gravioribus pœnitentiis scandalizabuntur et vel confessioncm fugient vel certe confessores inaptos adibunt, qui eos curare nesciant. Denique, in dubio, inclinandum in parlem benigniorem in qua est minus periculum quam in opposito. De sacram. pœnil., disp. XXV, s. 4. n. 60.

Gonet ne parle pas autrement. Ex causa ralionabili potest interdum confessarius pœnilenli leviorem salisfactionem injungere. Est autem rationabilis causa… tertio imbecillitas ac fragilitas pœnitenlis, si nimirum periculum essel ne deinde aliquod peccalum mortale reticeret in aliis confessionibus vel ne delerreretur a confessione, vel ut non impleret pœnitentiam injunctam, cum, in hoc sacramento, magis intendi debent salus pœnitenlis et ejus emendatio quam satisfactio pro pœna… et, alias, nihil propterea de satisfactione Deo débita pro pœna temporali excidat, quia, si peccator, in præsenti vila, non plene salisfaciat, solvet in alia usque ad novissimum quadrantem. De pœnil., disp. XIII, a. 3, § 3, n. 45.

En Sorbonne, à la même époque, vers le milieu du xviie siècle, le docteur Grandin fait écho à ce langage. Sans doute, écrit-il, la satisfaction devrait être proportionnée à la gravité des fautes ; mais comment établir cette proportion ? Sans ambages, il exclut qu’on ait à le faire d’après les anciens canons pénitentiels, car dubium est ulrum ; >ro interno an pro e.vterno foro constitua essenl, et, quamvis positi essent pro interno, nunc amplius non vigent nec semper in omni rigore nsurpati sunt. Arriverait-on d’ailleurs à déterminer exactement la peine due aux fautes accusées, il resterait à tenir compte de la faiblesse du pénitent, de sa faiblesse spirituelle en particulier : Allendenda esset… pœnitenlis facullas sive corporalis sive spirilualis, ne… pœnitentiæ gravitale deterrerctur a confessione posthac jacienda, ut recurreret ad confessarios non valentes eadem curare, aliudve periculum subiret. Pratiquement donc, avec le commun des théologiens, en particulier avec Gerson dont il transcritle passage cité tout à l’heure, il conclut plcrumque moderandam esse pœnitentiam, si pœnitens de ejus gravitate queratur et probabilem asserat causam qua cognoscatur non posse eam absolvere nisi nimis incommode. De pœnitentia, c. v, q. 2, a. 2.

Les Salmanticenses tiennent beaucoup à l’exacte proportion de la satisfaction aux péchés accusés. Ils s’escriment contre la conclusion de Cajétan et d’autres, que, à la rigueur, un pénitent de par ailleurs bien disposé pourrait être absous alors même qu’il se refuserait à accomplir ici-bas aucune satisfaction pour la peine temporelle ; mais, à ce propos, eux aussi reconnaissent que, pour être condigna et justa, il peut suffire parfois à une pénitence d'être pœnitentis viribus proportionata. Ainsi leur paraît le garantir la pratique de l'Église romaine : juxta benignum Ecclesiæ 1 omanæ usum, quæ pœnitentiam consuevit injungere mitiorem quam (lia quæ per se injungenda erat, ut pœnilentes foveat, ad sacramenta alliciat et salutis potius quam