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1193 SATISFACTION. LA QUESTION DU « RELACHEMENT PÉNITENTIEL » 1194

faire ressortir à quel point ces sortes de pénitences étaient tenues pour étrangères au sacrement luimême et pour impropres à en assurer l’efficacité.

Aussi, est-ce, en partant de là et en remontant au principe d’où dérivait toute cette doctrine que le pape Pie VI l’a condamnée. Suggérer ainsi (quatenus innuit) que les pénitences imposée, pour être accomplies après l’absolution sont à considérer comme un supplément pour les défauts ayant entaché l'œuvre de notre réconciliation plutôt que comme des pénitences vraiment sacramentelles et satisfaisant pour les péchés confessés, comme si le caractère propre du sacrement — et pas uniquement le nom — ne pouvait être conservé qu'à condition de faire normalement (de via ordinaria) précéder l’absolution des actes d’humiliation et de pénitence imposés en forme de satisfaction — suggérer cela, concluait et prononçait la bulle Auctorem fidei, § 35, c’est énoncer une proposition fausse, téméraire, injurieuse pour la pratique courante de l'Église et entraînant à l’erreur qui, à propos de Pierre de Osma, a été notée d’hérésie, indu cens in errorem hæreticali nota in Petro de Osma conflxam ». Denz.Bannw.. n. 1535.

II. LA TBÊOLOOIE DU SACREMENT ET LES VARIATIONS DE la SATISFACTION.

Les conceptions ainsi condamnées sur la place à faire à la satisfaction dans l’administration du sacrement de pénitence se rattachent à une même erreur : l’erreur sur le caractère propre et le but direct de l’absolution donnée par le prêtre. C’est donc aussi de ce point de vue théologique que se doivent apprécier en dernier ressort les changements si profonds qui se sont produits dans l'Église, à l'époque moderne surtout, dans le choix de la pénitence à exiger des pécheurs pour les absoudre.

1° Le problème du « relâchement pénitentiel » dans l'Église. — Au xvir siècle, quand le livre De la fréquente communion dénonça ce qu’il appelait le scandale de l’administration moderne du sacrement de pénitence, on lui opposa l’infaillibilité de l'Église, qui l’approuvait et qui donc en garantissait la légitimité. Telle fut en particulier la réponse de Petau dans son livre De la pénitence publique et de la préparation à la communion, 1614. La réponse était juste au moins eu gros et, à ne vouloir pas aborder en détail l’examen des faits, elle était la meilleure ou même la seule possible. Mais on peut aller plus loin et remonter plus haut : sans contester — sauf à en déterminer exactement la réalité et la portée — les variations survenues au cours des âges dans la nature et la rigueur des satisfactions demandées aux pénitents, tout en en maintenant hors de cause la légitimité de ces changements, on peut regarder aux principes sur lesquels se fonde l'Église elle-même pour les autoriser, ou plutôt à la conception du pouvoir des clefs qui rend cette autorisation possible. À vrai dire même, c’est à la lumière de ces principes que se doit discuter le problème fondamental auquel aboutit l’histoire de la satisfaction et qui est le problème de ce qu’on appelle volontiers le relâchement de l'Église dans l’administration de la pénitence. Il serait à la fois injuste et vain de chercher à le résoudre sans tenir compte de la doctrine catholique sur le sacrement de pénitence en général et sur la satisfaction sacramentelle en particulier.

1. Connexions doctrinales : l’effet de l’absolution et les dispositions requises. — Pour s’expliquer et pour apprécier l'évolution qui s’est produite à ce sujet dans l'Église, il faut d’abord comprendre le sens auquel s’y est exercé le pouvoir d’absoudre : portait-il vraiment sur le péché lui-même et visait-il donc à réconcilier avec Dieu ou se restreignait-il à rendre une sentence d’ordre disciplinaire ?

Le réduire, avec les premiers protestants et avec Pierre d’Osma, au pouvoir de réconcilier avec l'Église

et de remettre pour cela la peine ecclésiastique encourue pour le péché, ces ! se condamner à ne voir dans la satisfaction que l’accomplissement même de cette peine, et il va de soi, dès lors, qu’elle doive précéder l’absolution : après coup, elle n’aurait plus, au moins normalement, sa raison d'être.

Et, lors même qu’on se défendrait de comprendre ainsi le pouvoir d’absoudre, on se condamnerait à la même conclusion dès là qu’on exigerait du pénitent, pour le disposer à recevoir le pardon du prêtre, des actes d’une perfection morale et d’une charité propres à lui faire obtenir par eux-mêmes le pardon de Dieu. Non seulement il serait indispensable que ces actes précédassent l’absolution et ainsi s’explique très exactement que l’exigeât le synode de Pistoie — mais il y aurait lieu de se demander à quoi, dans cette hypothèse, se trouverait forcément réduit le pouvoir d’absoudre ; normalement, de droit comme de fait, en vertu même des conditions dans lesquelles il devrait s’exercer, il ne devrait jamais porter que sur des péchés déjà pardonnes par égard pour les actes de pénitence préalablement accomplis. L’inexplicable, dès lors, serait que le recours à ce pouvoir eût été voulu absolument nécessaire pour tous les péchés mortels ou même tout simplement que ce pouvoir eût été établi (voir notre De psenitentia, n. 388). Sa seule explication plausible resterait à chercher dans les avantages disciplinaires que présenterait ce recours au prêtre et dans les secours ou les fruits d’ordre moral que l’on pourrait s’en promettre.

lit c’est bien, en effet ce sur quoi l’on se rabattait récemment pour essayer de montrer que, dans l’hypothèse envisagée ici, « la réception du sacrement ne resterait pas superflue. Elle répondrait au besoin psychologique… de se raccrocher à quelque chose de sensible… L’usage du sacrement donnerait entière et excellente satisfaction au besoin psychologique » qu'éprouve l’homme « d’une autorité qui lui parle. Il aiderait aussi à discipliner la pénitence. Il ferait de la pénitence un ensemble réglé par l’autorité… Enfin il permettait l’intervention pédagogique du prêtre, tant pour aider à produire la bonne contrition que pour la formation solide de la conscience ». DeVooght, La causalité du sacrement de pénitence, dans Ephemerides Iheolog. Louan., t. vii, 1930, p. 672-673.

Et tout cela, sans doute, est vrai ; mais rien de tout cela n’est proprement sacramentel ni ne suppose le recours à un vrai sacrement. Tout cela, par conséquent, ramènerait exactement à la conception purement disciplinaire de Pierre d’Osma et des premiers protestants : le docteur de Salamanque avait voulu, lui aussi, expliquer, par les bienfaits à en résulter pour la société, que l'Église eût prescrit la confession des fautes secrètes, Stegmùller, op. cit., p. 222 sep, et Luther de même ; tout en rejetant la nécessité de la confession, ni lui ni les protestants en général n’en ont jamais contesté l’utilité morale, psychologique ou disciplinaire. Voir ici t. iii, col. 936-940.

C’est donc bien en fonction du sens auquel s’est exercé, dans l'Église, le pouvoir d’absoudre que se peut déterminer le rôle reconnu par elle à la satisfaction pénitentielle ; mais c’est aussi et seulement en conséquence de ce rôle que se devra apprécier la rigueur variable avec laquelle elle l’a exigée.

2. La pensée de l'Église. — Or, il n’y a pas à se méprendre sur le sens et la vertu qui, de tout temps, dans l'Église, ont été reconnus aux absolutions légitimement accordées par le prêtre. Pas plus à l’origine que plus tard, elles ne furent considérées comme se limitant à remettre une peine ecclésiastique et à réconcilier avec l'Église. C’est proprement avec Dieu qu’on entendait réconcilier les pénitents et c’est précisément, nous l’avons vii, à cause du sens ainsi attribué à