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SATISFACTION. ATTÉNUATIONS DÉFINITIVES


pendue de la NojI à l’Epiphanie ainsi que de Pâques à la Pentecôte. La troisième année, l’aumône sera de dix-huit sols, ce qui fait en tout, pour les trois ans, soixante-quatre sols.

On peut juger par cet exemple du genre des « rédemptions » prévues et autorisées au viiie siècle. Les manuscrits, d’ailleurs, présentent de très nombreuses variantes et, pour aucun, l’on ne saurait garantir l’exactitude des chiffres donnés. On constate seulement que les grands moyens de « rédemption » pour les jeûnes et les abstinences sont la récitation des psaumes et l’aumône.

d) Opposition : les rédemptions-aumônes. — Tout ceci prêtait à des abus, comme font toutes les prescriptions d’œuvres extérieures de pénitence : les âmes ou les populations de culture morale ou religieuse rudimentaire seront toujours exposées à y réduire leur réaction contre le péché. Et tel était bien le niveau des populations pour lesquelles étaient faits ces pénitentiels du vne et du viiie siècle. En Angleterre, en particulier, certaine lettre de saint Boniface à saint Cuthbert, sur les coutumes à réformer dans son Église (Mansi, Concil., t. xii, col. 387-393) aide singulièrement à comprendre qu’on y ait été porté à substituer trop aisément la psalmodie ou l’aumône aux pénitences avec jeûnes et abstinence de vin et de viande. Aussi le concile de Cloveshoë, tenu en 747 sous la présidence de saint Cuthbert, condamne-t-il comme une nouveauté et comme une méconnaissance du véritable esprit de pénitence des substitutions semblables à celles que conseillait, en cas de nécessité, VExcarpsus Cummeani.

Certain personnage, note à ce propos le 27e décret, ne s’était-il pas prévalu de l’abondance de ses aumônes et de la quantité de psaumes récités à sa demande pour exiger d’être absous sans retard ? Ainsi le lui avait-on promis : vivrait-il trois cents ans, il avait fait assez pour être dispensé de toute pénitence personnelle. Mansi, Concil., t.xii, col. 406 A. Non, rappelle le concile, aumônes et psalmodie n’ont pas pour but d’exonérer le coupable et de lui laisser toute liberté de se livrer aux plaisirs de la table, col. 403 D-404 A ; elles doivent seulement se joindre aux jeûnes pour obtenir que Dieu remette le péché cilius et plenius, col. 403 15 ; ad augmentandam emendalionem, ut co cilius placetur divinee indignationis ira ; ad majorem expialionem delictorum. Col. 40 1 C.

Or, voilà ce que porte à oublier la pratique des substitutions : elle permet à chacun de changer ou de diminuer à son gré les pénitences sous forme de jeûne ou d’autres œuvres expiatoires que, conformément aux canons, le prêtre lui avait imposées. Et c’est où le concile dénonce une innovation dangereuse. Iijitur — sicut nova adinvenlio, juxta placitum scilicel propriæ voluntatis suse, nunc plurimis periculosa consueludo est

— non sit eleemosyna porrecta ad minuendam vel ad mutandam satisfactionem per jejunium et reliqua ezpialionis opéra a sacerdole Dei pro suis criminibus jure canonico indictam. Col. 404 A.

Il n’est pas sûr que cette réprobation vise VExcarpsus même de Cumméan. Son auteur, nous l’avons vii, ne songeait nullement à exonérer le coupable de toute expiation ni même de tout jeûne personnel. Encore moins entendait-il laisser à son caprice de prononcer sur l’opportunité de la substitution. Par ailleurs, le concile se trouve d’accord avec lui sur les conditions requises pour la communion fréquente : l’un et l’autre n’y exigent que le renoncement au péché, et ils le font tous les deux dans les mêmes termes : de qao desinierit peccare, avons-nous lu dans VExcarpsus à propos du riche qui veut imiter Zachée ; et le concile, dans un canon spécial sur la fréquente communion, prescrit de la recommander non seulement aux enfants, qui, necdum lascivientes œtalis corruplela sunt vitiali, mais aussi

aux adultes, célibataires ou mariés, qui peccare desinunt. Can. 23, Mansi, Concil., t.xii, col. 402 C. Dans ces conditions, il est permis de se demander si le concile de Cloveshoë a voulu condamner la pratique même des substitutions ou seulement en écarter les abus. Toujours est-il que s’y reconnaît déjà, contre les pénitentiels, la réaction destinée à se marquer si fortement au concile de Chalon-sur-Saône en 813.

Ces « livrets anonymes », comme on dira alors, manquent d’autorité et, plus que tout sans doute, les modes de pénitence qu’ils autorisent donnent aux réformateurs carolingiens l’impression de « coussins » mis sous les coudes des pénitents : Quorum sunt cerli errores, incerti auctores ; … qui, dum pro peccalis gravi bus levés quosdam et inusilatos imponitnt pœnitentiæ modos, consuunt pulvillos, secundum propheticum sermonem, sub omni cubito manus et faciunt cervicalia sub capite universæ œtatis ad capiendas animas. Can. 38, dans Concilia sévi karolini, t. i, p. 281 et cf. supra, t.xii, col. 865 ; 873-874.

e) Consécration officielle. — À cela près cependant qu’on demanda à des évèqucs de les rédiger eux-mêmes, nous avons vu qu’on ne parvint pas alors à se passer de pénitentiels. De même, et à condition d’en écarter un usage arbitraire, ne pouvait-on songer à supprimer le principe et la pratique des « rédemptions « . Dès 779 ou 780, on les trouve officiellement autorisées dans un capitulaire de Charlemagne sur les prières et pénitences prescrites à tout le monde pour conjurer les calamités publiques. Les comtes, avec leurs hommes, seront tenus eux aussi à deux jours de jeûne, biduanas ; mais on les autorise d’avance, s’ils le veulent, à les racheter par une aumône proportionnée à leurs ressources : Qui redim’re voluerit, [ortiores comités uncias très, médiocres unciam et dimidiam, minores solidum unum. Capitularia, t. i, p. 52. ou Concilia sévi karol., t. i, p. 109. De même avons-nous vii, supra, col. Il 67, un capitulaire de 813 prévoir, pour celui qui reçoit à sa table un pénitent tenu à l’abstinence du vin et de la viande, l’obligation de faire en compensation une aumône proportionnée à la pénitence due par son Invité. Prescription que feront passer dans leurs statuts synodaux les évêques Isaac de Langres, P. L., t. cxxiv, col. 1077 C, et I lérard de Tours. Celui-ci, seulement, précisera davantage : Ut nullus pxiiitenlem cogal manducare vel bibere, nisi redemplio permissa sit, ita lumen ut prius pro eo donet coram ipso redemptionem, P. E., t. cxxi, col. 766 B : il marquera la nécessité, pour bénéficier de la rédemption, qu’elle ait été autorisée par celui qui a imposé la pénitence. Et telle sera, en effet, la pratique courante : on préviendra l’abus en spécifiant si l’on permet ou non la rédemption. Mais, à cela près, l’usage en est désormais considéré comme normal.

Halitgaire, vers 8311, dans l’instruction préliminaire au confesseur dont il fait précéder son second ordo pénilentiel, dresse pour lui comme une table des commutations à proposer : Si quis forte non potuerit jejuniire et habuerit unde dure ad redimendum, si dives jucril. pro vu hebdomadibus det solidos XX ; si autem non habuerit tantum unde dare, det solidos X. Si autem multum pauper fuerit, det solidos m. Schmitz, op. cit., t. ii, p. 292 ; P. E., t. cv, col. 690 CD. Et l’évêque se borne à faire remarquer la légitimité du tarif proportionnel ainsi établi : Seminem conturbet, quia jussimus XX solidos dure oui minus : quia, si dives fuerit, facilius est illi dare solidos XX quam pauperi solidos m.

Aussi ne conçoit-on plus dès lors un pénitentiel sans ces sortes d’indications. On les ajoute aux anciens que l’on transcrit : ainsi a-t-on expliqué ici même (supra, t.xii, col. 1168) la présence dans les pénitentiels de Bède et d’Egbert des chapitres relatifs aux mutations. A la fin du ixe siècle, d’ailleurs, en <S1>.">, le concile de Tribur fera une application officielle de la théorie en