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    1. SATISFACTION##


SATISFACTION. OMISSION OU REMPLACEMENT

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manifestement pas à exiger chaque fois la « satisfaction complète » qu’elle représentait. Et celle pratique pastorale correspondait trop aux principes que nous l’avons entendu exposer dans le De sacerdotio, pour être jugée invraisemblable.

Aussi bien sa prédication s’inspire-t-elle des mêmes vues. Il n’ignore pas la pénitence publique ; il fait allusion à ceux qui y sont assujettis : nous avons dit la fermeté avec laquelle il leur rappelait que le temps ne suffisait pas à la rendre fructueuse. Mais, nulle part, il ne la dit indispensable, ni n’invite clairement à s’y soumettre. Même à des auditeurs qu’il suppose chargés de beaucoup de fautes, aux approches de Pâques, pour les préparer à leur communion unique de l’année, il ne parle que de tempérance, de prière et de vigilance. « Cinq jours encore avant la fête ; c’est assez pour réduire le nombre de ses péchés… Il n’est pas besoin pour cela de plusieurs jours ou de plusieurs années : une conversion sincère y suffit et elle peut se faire en un jour. » De beato Philogonio, 1, /'. G., t. xlviii, col. 754. Les Homélies sur la pénitence ne mentionnent pas davantage la pénitence publique. Pour le pardon divin, elles ne demandent que la componction, la sincérité de la conversion. Se reconnaître coupable : il n’en faut pas davantage :

Vous êtes pécheur ? Ne perdez pas courage, mais venez [à l'église] pour la pénitence. Vous avez péché ! Dites à Dieu : « J’ai péché ». Qu’y a-t-il là de pénible ?… Vous dites : « .l’ai péché » et il suffit de vous dire ainsi vousmême pécheur pour n’avoir plus à redouter d’avoir le diable pour accusateur… Pourquoi donc ne pas prendre ainsi le devant ? Vous dites votre péché et le voilà effacé… Vous avez péché? Venez donc à l'église ; dites à Dieu que vous avez péché ; je ne vous demande rien de plus : cela seulement. De pœnit., i, 1, P. G., t. xlix, col. 235.

Quel que soit le sens auquel se doit entendre ce langage, le moins qu’on en puisse dire est que la « satisfaction plus complète » de la pénitence publique s’y trouve reléguée au second plan. Kn aucune hypothèse, on ne saurait admettre que saint Jean Chrysostome l’ait considérée comme indispensable pour la rémission du péché lui-même.

b) Témoignage de saint Augustin. Saint Augustin, nous l’avons dit, ne l’a pas fait davantage. Il expliquait la prescription de pénitences à durées fixes surtout par la préoccupation de réparer le scandale et de faire ainsi satisfaction à l'Église elle-même. À cela près, la rémission du péché n’exigeait que la componction. Il est vrai que les pécheurs demandent d’eux-mêmes parfois à prendre rang parmi les pénitents proprement dits. Aliqui ipsi sibi pœnilentise locum pelierunt. Serm., CCXXXII, 8, /'. L., t. xxxviii, col. 1111. Mais les évêques n’y réduisent d’office que ceux qui ont clé accusés et convaincus devant les tribunaux ecclésiastiques ou civils : Nos a communione prohibere guemquam possumus… nisi aut sponte confession aut in aliquo sine sseculari sive ecclesiastico nominatum atque convictum. Serm., cccli, 10, P. L., t. xxxix, col. 15 16. Aussi, lorsqu’il indique au pécheur lui-même comment lui seront appliquées les clefs de l'Église, lui fait-il entendre qu’elles peuvent l'être sans quc lui soit imposée la pénitence publique. Celle-ci n’est à prévoir que s’il y a eu scandale et si l'évêque juge utile à l'Église d’exiger une réparation publique : Idagat, … quod… sil… etiam cricris ml exemplum, ni. si peccatum ejus, non solum in gravi ejus malo serf etiam in tanto scandalo aliorum est, algue bac expedire utilitati Ecclesis videiur antislili in notitîa multorum vel etiam latins plebis agere pmnitentiam, non rccusel. I birf.. 9, col. I."> 15.

Ici encore, par conséquent, la pratique est conforme aux principes posés. Aussi, dès là que les péchés confessés sont ce qu’il appelle des péchés d’ignorance ou de faiblesse, saint AugU'.'.in cesse-t-il d’urger la pirnilen lia luctuosa et lamentabilis, qu’exigerait leur gravité objective. De div. qua-sl. i.xx.xii i. q. xxvi, P. L., t. xl, col. 18. Or, à ses yeux, ces péchés d’ignorance et de faiblesse se découvrent partout. Il y rattache les péchés les plus usuels d’avant la puberté. De Genesi arf litt., X, XIII, 23, P. L., t. xxxiv, col. 417. Mais il y ajoute aussi, pour beaucoup de fidèles, les vices mêmes de la jeunesse :

Voici des hommes, écrit suint Augustin, voici des hommes qui ont été baptisés toid enfants ; depuis, leur éducation a été négligée. Ils mènent dans les ténèbres de l’ignorance la vie la plus honteuse, sans rien savoir de ce que la doctrine chrétienne prescrit ou défend, ce qu’elle promet ou ce dont elle menace, ce qu’il faut croire, espérer et aimer. Parce que leurs péchés sont des péchés de baptisés, aurons-nous donc le courage de ne pas les mettre au compte de leur ignorance, alors qu’ils ignorent absolument tout et qu’ils ont péché sans savoir, comme ils disent, où ils avaient la tête ? In Rom. ineb. expos., n. 16, P. L., t. xxxv, col. 2100.

L’ignorance ou la faiblesse dérivent ici d’une oblitération, d’une absence du sens moral ; mais l'évêque ne doit pas moins en tenir compte. C’est vrai, l’ivrognerie est mise par saint Paul au nombre des péchés qui excluent du royaume des cieux ; mais qui en fait cas ? Quis non conlemnat ebriositatis peccatum ? Abundal taie peccatum, et conlemnitur. Serm., xvii, 3, P. L., t. xxxviii, col. 125. De même pour les pratiques superstitieuses. Plena sunt conventicula nostra hominibus qui tempus rerum agenrfarum a malhernaticis accipiunl, « c’est à peine [cependant], si nous osons les reprendre en souriant par crainte de les fâcher ou de paraître leur apprendre une nouveauté. O maudits péchés : nous n’avons en horreur que ceux dont nous n’avons pas l’habitude. Les péchés usuels, … tout en les voyant, nous sommes obligés de les tolérer ». Episl. arf Gai. expos., n. 35, P. L., t. xxxv, col. 2130. Jusqu’aux adultères commis avec des esclaves, qu’on n’arrive pas à faire prendre au sérieux ! Quand es coupables en sont dénoncés par leurs femmes, tout ce qu’on peut est de les reprendre en particulier pour que. le mal soit guéri aussi discrètement qu’il a été contracté : /n secreto arguimus : ubi contigit morbus, ibi moriatur malum. Serm., lxxxii, 8, P. L., t. xxxviii, col. 511. Voir P. Galtier, L'Église et la rémission…, p. 307-3211.

c) Quelques cas particuliers. — Intimée à des consciences aussi obtuses, l’obligation de la pénitence publique leur serait plutôt nuisible. Même en cas de maladie, nous l’avons vii, on s’abstenait de l’accorder aux jeunes gens ou aux pécheurs faisant preuve de dispositions douteuses ; dans des cas comme ceux que vise saint Augustin, la même mesure de prudence s’imposait aussi parfois au cours de la vie. En voici un où, cinquante ans après sa mort, se constate, en Gaule. l’application de ses principes. Il nous est connu par la correspondance de saint Avit, évêque de Vienne.

L'évêque de Grenoble a voulu assujettir à la pénitence publique un vieux barbon convaincu juridique meut de concubinat pour avoir épousé la veuve de son frère. Lui, excipanl de sa bonne foi, en appelle au métropolitain, gui est saint Avit lui-même. Celui-ci essaie d’abord de lui faire comprendre l’indignité de sa conduite, mais bientôt, désarmé par son inconscience, il renonce à exiger de lui l’expiation rigoureuse. On peut la lui suggérer pour plus tard ; mais pour le moment, mieux aul ne pas l’y obliger : Quod pœnitentiam expectat, moneatur intérim agere, accipere non cogatur. On se bornera donc à exiger qu’il renvoie sa concubine. Ainsi sera-t-il admis au pardon : Excu S0 scelere, suscipiatur arf veniam… Culpa prior laxabitur. lui attendant qu’il soi ! dispose à faire profession de pénitence, la seule pénitence qu’il aura à subir sera d'éloigner de lui l’occasion du péché : Patiatur pœni-