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SATISFACTION. IDKKS DK I/ORIENT
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vices serait également un acte déraisonnable. Can. 1, col. 229 B.

La pénitence remède.

Cet accord des Églises à

voir dans la pénitence une punition du péché destinée a en prévenir ou à en écarter le châtiment par Dieu, ne les a cependant pas empêchées de la considérer aussi sous un autre aspect. Elles y ont vu un remède du péché, un moyen d’en guérir les âmes, de fermer les plaies qu’il y a faites.

1. Conception traditionnelle, même en Occident. — Cette conception correspond elle aussi à un aspect du péché auquel s’était attaché le Christ. Comme il convient de l’envisager du côté de Dieu, puisque c’est lui qui en est offensé et qui le châtie, puisque c’est à lui emore que s’en doit demander le pardon, on peut aussi l’envisager du côté de l’homme qui en est à la fois l’auteur et la victime. Il en est vicié ; c’est une infirmité qu’il contracte, une blessure morale qu’il se fait. Aussi l’Évangile parle-t-il des pécheurs comme de malades qui ont besoin d’un médecin et que le Christ est venu lUiérir. Matth., ix, 12 et parall.

Les écrivains et les docteurs chrétiens se sont également attachés à cette idée en parlant de la pénitence. Parmi les latins, ceux-là mêmes qui en ont fait ressortir davantage l’aspect satisfactoire, l’ont également présentée comme un procédé médical.

Ce point de vue n’est point étranger à Tertullien, qui, à propos de la pénitence postbaptismale, parle d’une medicina iteranda. De pœnit., vii, 13. Il est familier à saint Cyprien, qui l’emprunte au Christ lui-même : Dominas in evangelio suo dicit… : « Non est opus sanis medico sed maie habentibus ». Aussi reproche-t-il aux novatiens de contredire à cette parole en refusant d’absoudre : Quam potest exercere medicinam qui dicit : Ego solos sanos euro, quibus medicus necessarius non est. » Tout au contraire, medelam noslram vulneralis exhibere debemus. Epist., lv, 16, cꝟ. 15, Hartel, p. 635. De même les clercs de Rome, Epist., xxx, 3, 5, 7 et les confesseurs dans leurs lettres à saint Cyprien : Hoc est quod impresso vulneri inducit cicalricem. xxxi, 6, Hartel, p. 563. Saint Pacien de Barcelone se plaît à la même considération : elle sert de thème à ses exhortations à la pénitence. Parœnesis ad pœnit., 9, P. L., t. xiii, col. 1086 C-D. Saint Ambroise, lui, l’associe à celle de la satisfaction. Il parle de la psenileniix medicina. De pœnit., II, vi, 48 ; il rappelle à ce propos la parole du Christ sur le médecin venu pour les malades, vu, 65, et il invite le pécheur à lui montrer ses plaies, vin, 66.

La pensée de saint Augustin se meut aussi constamment dans cet ordre d’idées. Nous l’avons entendu caractériser certains péchés parles correptionum medicamenla qui suffisent à les guérir. De ftde et operibus, xxvi, 48, P. L., t. xl, col. 228. Les prêtres, dans leur traitement des pécheurs ont surtout à s’inspirer de la nature de leur mal : sicut infirmitatis eorum diversitas admonel, car, si l’un peut être guéri par la pénitence publique, tel autre ne saurait l’être que par une pénitence plus secrète : alius sic, alius autem sic sanandusest. Ibid., ii, 3-4, col. 200. Ainsi fait-il lui-même. Les péchés secrets, qu’il ne reprend pas en public, il s’applique à les guérir en secret : In secreto arguimus : ubi conligit morbus, ibi moriatur malum ; non lamen illud milnus negligimus. Serm., lxxxii, 8, P. L., t. xxxviii, col. 511. Le tempérament des malades est ce qui lui fait varier le traitement à appliquer : Quosdam clam, quosdam palam, sicut diuersitas personarum divers.im videtur posse recipere medicinam. Epist., cliii, 21, P. L., t. xxxiii, col. 663.

2. Prédominance en Orient.

Chez les écrivains grecs, cette conception de la pénitence est prédominante. Elle explique que les péchés ad modem soient qualifiés d’ « incurables ». Voir P. Galtier, L’Église et la

rémission des péchés…, append. n : Les péchés « incurables » d’Origène, p. 184-213. La Didascalie des apôtres ne décrit le ministère pénitentiel îles évêques que sous les traits d’un traitement médical à appliquer aux pécheurs. II, xli, 3-9, édit. Funk, p. 130-132. La même image sert à prêcher aux fidèles le recours à la pénitence et à la confession. Ainsi procèdent saint Méthode d’Olympe, De lepra, 7-9, saint Astérius d’Amasée, hom. xiii, P. G., t. xl, col. 368 A, Aphraate, Demonstratio, vii, 2-3. Même ceux qui expriment le plus vivement la notion vindicative de la pénitence y juxtaposent celle de remède : saint Grégoire de Nysse, par exemple, dans sa lettre canonique, s’applique à montrer dans les ÈTTiTÎLua des remèdes appropriés aux diverses infirmités spirituelles, P. G., t. xlv, col. 224 A ; saint Jean Chrysostome les envisage de même. Pour lui aussi la pénitence à exiger est un È7Tirîu.i.ov, une Stxv), et nous avons déjà vu sa préoccupation de la proportionner aux dispositions des coupables. Mais la raison qu’il donne de ce souci est qu’il s’agit ici de remèdes à faire accepter et multa arle opus est ut œgri sacerdotum remediis libenter se subjicere suadeantur. Or, multi… acerbiora peccati remédia pati nequeunt. De sacerdotio, ii, 3 et 4, P. G., t. xlviii, col. 634 et 635.

Même langage chez Théodore de Mopsueste. Ses Catéchèses décrivent très exactement la pénitence sous les traits d’une médecine :

Pour nos corps qu’il a faits passibles, Dieu a produit des herbes dont se servent les experts afin de les guérir ; do même pour notre âme qui est inconstante, il a établi la pénitence qui est comme un remède pour les péchés… Dans son zèle pour nous, il nous a donné la pénitence ; il nous indique le remède du repentir et il a établi des hommes, les prêtres, comme médecins pour le péché. Aussi, si nou< recevons par eux, ici-bas, la guérison et la rémission des pj-chi., nous serons d : 1 1 r l :. du jugement ; i midi Dernitre Catéchèse sur l’eucharistie, liii, édition de Mingana, Woodbrooke sludies, vol. vi, p. 120, 1. 24-26 et p. 123, 1. 1-12.

3° L’ascétisme oriental et les définitions occidentales de la satisfaction. — Il est, par conséquent, bien vrai que la conception de la pénitence la plus familière aux Orientaux est celle du remède à appliquer au péché. C’est celle à laquelle s’attache très particulièrement l’ascétisme oriental : dans la pénitence, il voit surtout le moyen de guérir, de purifier l’âme de ses tendances au péché. Le but en est atteint lorsqu’on est parvenu non seulement à éviter toute faute grave, mais à ne plus même éprouver de sollicitations au péché. Voir G. Bardy, art. Apatheia et Viller-Olphe-Gaillard, art. Ascèse, dans Dictionn. de spiritualité, t. i, col. 734-738 et 974. Cette notion, Cassien la fera passer en Occident. C’est elle très exactement que, dans la Conférence De pœnilentiæ fine et satisfaclionis indicio, il met sur les lèvres de l’abbé Pinufe :

Pænitentiie plena ci perfecta deflnitio est ut peccata, pr<> quibus psenitudinem gerimus, vel quibus conscientia nostra remordetur, nequaquam ulterius admittamus. Indicium vero satlsfactionis et indulgentiæ est a/Iectus eorum quoque de nostris cordibus expulisse. Noverit enim unusquisque needum se pe^catis pristinis absolutum, quamdiu ci satisfactioni et gemitibus incubanti vel illorum quoe egit vel similium criminum imago ante oculos præluserit coranique non dicam oblectatio sed vel recordatio infestaverit mentis arcana. Itaque tune se is qui pro satisfactione pervigilat criminibus absolutum ac de prseteritis admissis veniam percepisse cognoscat, eum nequaquam cor suum corumdem vitiorum inlecebris senserit vel imaginatione perstringi. Collationes, t. XX, c. v, Corpus Vindob., t. xiii, p. 558 ; P. L., t. xlix, col. 1154.

On ne saurait affirmer que cette définition de la pénitence ait inspiré celle de saint Grégoire le Grand : Pœnitentia est perpetrata mala plangere et plangenda non perpetrare. In Evang., hom. xxxiv, 15, P. L.,