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    1. SATISFACTION##


SATISFACTION. IDÉES DE L’ORIENT

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plique dans un autre de ses ouvrages, ces péchés sontils commis tantôt par faiblesse ou ignorance et tantôt par malice, (".'est seulement dans ce dernier cas que l’expiation par la pénitence publique doit être urgée pour ceux qui la comportent. De div. quæst. LXXXIII, q. xxvi, P. L., t. xl, col. 17-18 ; cf. Galtier, L'Église et la rémission des péchés aux premiers siècles, p. 312-314. En indiquant ainsi jusqu’où peut être poussée la dispense de ces sortes d'épreuves, saint Augustin montre bien qu’il y voit seulement un moyen de rendre le pardon du péché plus complet et plus parfait.

3. Doctrine plus précise de saint Augustin.

À vrai dire, ces peines sont à ses yeux une punition que le pécheur accepte de subir ou de se laisser infliger. Ou par Dieu ou parle pénitent lui-même le péché doit être puni : Pcccalum, jralres, impunitum esse non potest… Puniatur ergo peccalum oui ab homine psenitente, aut a Deo judicante… Quid est enim picnitenlia, nisi sui in se ipsum iracundia ?… Quando ergo tandis pectus, irasceris cordi tuo ut satisfacias Domino tuo. Serm., xix, 2, P. L., t. xxxviii, col. 133. L’essentiel, il est vrai, de cette satisfaction est la condamnation que le pécheur porte en son cœur contre sri-même : ainsi nous l’apprend l’exemple du psalmiste : Satis Deo faciendi demonstrant exempta diversa : quoniam facinus meum agnosco et peccatum meum contra me est semper, ibid., col. 132 ; mais, normalement, un certain châtiment doit s’y joindre, car, même quand il le pardonne, Dieu veut que le péché soit puni : Impunita percuta eliam eorum quibus ignoscis non reliquisti… Ignoscis confltenli, ignoscis, sed seipsum punienti. In Ps. L, 11, P. L., t. xxxvi, col. 592. Et saint Augustin rappelle l’exemple de David, destiné à devenir classique en la matière : malgré l’assurance reçue de Dieu que son péché lui était pardonné, il eut à en subir un certain châtiment : Et ipse David, cui dictum fucrat per prophetam : Dimissum est peccatum tuum, evenerunt quædam quæ minatus erat Deus propler ipsum peccalum. Au lieu de s’en irriter, il accepta le châtiment en expiation de sa faute, et ainsi font ceux qui ont le cœur droit : Agnoscens culpam suam, amplexus est pœnam suam… Taies sunt omnes recti corde, ibid., 15, col. 595, de même. De peccatorum merilis et remissione. II, xxxiv, 50, P. L., t. xiiv, col. 184. La règle est générale, en effet : même remis, le péché reste susceptible d’expiation ; l’obligation à la peine survit au pardon de la faute. Parce qu’il lui a été fait grâce de la damnation éternelle, l’homme n’en est pas moins tenu d’expier dans le temps. Cogitur homo lolerare etiam remissis peccatis, quanwis ut in eam veniret miseriam primum fuerit causa peccatum. Productior est enim pœna quant culpa ; …lemporaliler hominem detinet pœna et quem jam ad damnationem sempiternam reum non detinet culpa. In Joa. lù'img., tr. CXXIV, 5, P. L., t. xxxv, col. 1972, 1973.

C’est, en propres termes, la doctrine que nous avons vu rappeler par le concile de Trente. Saint Augustin l’exprime telle que la suppose la pratique pénitentielle des premiers siècles. Bien qu’exigée normalement ou le plus possible avant l’absolution, la satisfaction à Dieu par la pénitence publique n’est point la condition absolue du pardon. Le fait que, pour des motifs divers, elle puisse être renvoyée après l’absolution et même omise en tout ou en partie, prouve qu’elle est surtout considérée comme devant compléter ou parfaire la réparation du péché. La conversion du cœur suffit à rendre possible le pardon ; mais la réconciliation ainsi obtenue, il n’en reste pas moins à achever l’expiation temporelle que comporte le péché et tel est exactement le but que poursuivent les épreuves pénitentielles. Comme le dit saint Augustin, elles sont une compensation pour la peine due au péché. Par elles, le pécheur se punit lui-même et il apaise Dieu : quosdam a societale removemus allaris ut, pœnilendo, placare

possint quem, peccando, contempserant, seque ipsos puniendo. Nom nihil aliud agit quem veraciter psenitei nisi ut id quod mali jecerat impunitum esse non sinat eoque modo sibi non parcenli (Deus] pareil. Epist., cliii, 3, 6, P. L., t. xxxiii, col. (Î55.

Ceci est d’ailleurs la conception commune que le futur évêque d’Hippone avait pu entendre exposer à saint Ambroise : Sicui gui pecunias solvunt, débitant reddunt, nec prius evacuatur jenoris nomen quant tolius ad nummum usque, quoeumque solutionis génère. quantitas universa solvatur, sic, compensatione charitatis actuumque reliquorum vel satisfactione quacumque, peccati pœna dissolvitur. In Luc, t. VII, 156, P. L., t. xv, col. 1740 D et cf. In ps. XXXVII, 13 et 11. P. I… t. xiv, col. 1(115.

4. Le but social de la pénitence publique.

Cet aspect surtout pénal et complémentaire des épreuves pénitentielles ressort plus encore du but social qu’elles poursuivent. Elles ne pourvoient pas uniquement à la libération totale du pécheur lui-même. Saint Augustin le dit très nettement, elles tendent aussi à réparer le préjudice moral et religieux que le péché, surtout quand il est public, est de nature à causer au prochain. C’est là, en effet, ce qui explique que les chefs de L'Église imposent des pénitences d’une durée déterminée. De soi, sans doute, et à ne considérer que le coupable lui-même, cette cpies t ion de temps est secondaire : l’important, ici, est d’avoir égard à la contrition du cœur : À r o/i tant consideranda est mensura temporis i/uam doloris : cor contrilum et humiliatum Deus non despicit. Mais il faut tenir compte aussi de la satisfaction à laquelle a droit l'Église, et c’est pour le faire qu’on a déterminé ainsi des temps de pénitence : Constituuntur ab iis qui Ecclesiis præsuni tempora psenitentise, ut fiai salis eliam Ecclesise. Lnchiridion, c. lxv, P. L., t. xl, col. 262-263. Aussi le pécheur doit-il se montrer disposé à accepter l’expiation publique de sa faute. Saint Augustin, ou l’auteur quel cpi’il soit de son sermon cccli, ne le lui dissimule pas, clic pourra lui être demandée par le prêtre auquel il sera venu demander de lui appliquer le pouvoir de. clefs : on pourra exiger qu’il fasse pénitence in notitia multorum vel etiam totius plebis, si son péché a vraiment causé du scandale et qu’on juge utile à L'Église de lui imposer cette réparation : …si peccatum ejus, non solum in gravi ejus malo sed etiam in tanlo scandalo aliorum est, nique hoc expedire utilitati Ecclesise videtur antistiti. Serm., cccli, P. L., t. xxxix, col. 5 15.

Cette considération d’ordre public, pour être secondaire dans la détermination des épreuves pénitentielles, n’en méritait pas moins d'être relevée ici. Non seulement elle confirme ce que nous avons dit du but propre attribué de tout temps à la satisfaction pénitentielle ; elle est destinée aussi à exercer une grande influence sur L'évolution de cette idée et de cette discipline. Mais, avant de poursuivre l’histoire de cette évolution, et pour compléter l’enquête sur les origines mêmes de l’idée de satisfaction, il importe de rechercher si elle se rencontre également en dehors de L'Église latine : ainsi apparaîtra-t-il mieux qu’elle ne doit pas se mettre au compte de l’influence exercée sur les conceptions chrétiennes par celles du droit romain.

IV. L’ACCORD AVEC LES ÉGLISES D’ORIENT. — 1° La

pénitence-châtiment. — Au mot prés, ce que nous avons vu appeler satisfaction dans L'Église latine se retrouve aussi dans les Églises de langue grecque. Nous avons déjà vu le concile de Nicée, canon 13, prescrire, d’une part, de réconcilier et d’absoudre au lit de mort sans attendre que la pénitence ait été achevée ou même commencée et, d’autre part, exiger cet achèvement en cas de survie : ce qui, avons-nous dit, suppose cette pénitence proprement et directement ordonnée à un complément et à un achèvement de la réparation restant due après le pardon.