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SATISFACTION. SENS PLUS RESTREINT


2° L’idé* plus précise de satisfaction pour la peine. — Jusqu’ici cependant, ni chez eux, ni dans les autres textes cités, il ne nous est apparu que, dans la libération du péché qu’elles contribuent à procurer, les œuvres dites satisfactoires soient particulièrement ordonnées à prévenir ou à écarter les conséquences fâcheuses que la faute entraîne pour le coupable. Pareille spécification n’est possible qu’autant que se distinguent, dans le pardon du péché, la rémission de la faute ellemême et la mise à l’abri des suites diverses que, même pardonnée, elle peut avoir encore. La première est essentielle : par elle on recouvre l’amitié de Dieu, ou, plus simplement, on est réconcilié avec lui et l’on échappe ainsi à la damnation éternelle. La seconde, qui est accessoire, parfait la première. On lui doit d'être affranchi totalement du péché et de n’avoir plus à en subir les conséquences ou les peines temporelles.

Or, cette distinction, qui nous est familière, était loin de l'être aux premiers écrivains chrétiens. Tout au moins ne s’y arrêtaient-ils pas. Dans la rémission du péché, ils voyaient un bienfait d’ensemble que la pénitence était destinée à obtenir et ils ne se préoccupaient pas de spécifier ce qu’il y avait en lui d’essentiel et ce qui pouvait être considéré comme en étant seulement le complément.

Ce n’est pas qu’il n’y eût dans l'Écriture de quoi suggérer cette distinction de la rentrée en grâce avecDieu et d’une certaine persistance dans le pécheur des conséquences de sa faute. Moïse et Aaron. bien que Dieu ne leur eût pas tenu rigueur de leur manque de foi, n’en avaient pas moins été exclus pour cela de l’entrée en la Terre promise. Num., xx, 1-12 et xxvi, 12-14. David lui-même, tout en recevant du prophète l’assurance que Dieu lui pardonnait son péché, avait été prévenu que néanmoins il l’en punirait dans son fils. II Reg., xii, 11-14. N'était-il pus écrit d’ailleurs, d’après les Septante, que le juste trouve toujours en lui de quoi s’accuser : juslus prior est accusalor sui, Prov., xviii, 17, et saint Pau' n’avait-il pas dit de lui-même que, le fait de n’avoir conscience d’aucune faute ne suffisait pas à le rassurer au tribunal du Seigneur ? Nihil mihi conscius sum, sed non in hoc justificalus sum : qui autem judicat me Dominus est. I Cor., iv, 4. Tout cela était bien propre à faire entendre qu’il est possible d'être ou de rentier en grâce avec Dieu et de rester néanmoins, en un certain sens, sous le coup du péché. D'échapper à la condamnation suprême qu’il entraîne ne dispense pas nécessairement d’en subir certaines conséquences. Saint Paul l’a nettement déclaré àpropos de certains ouvriers évangéliques : quand le Seigneur jugera leur œuvre, ils auront beau être sauvés, ils ne le seront néanmoins que comme à travers le feu et non sans avoir à. en subir quelque dommage : Si cujus opus arscrit. delrimentum patietur, ipse autem salous erit, sic tamen quasi per iynem. I Cor., iii, 15 et cf. Prat, Théologie de saint Paul, t. i, p. 110-113 ; Allô, Première épître aux Cor., p. 60-61.

1. Premiers indices chez saint Cyprien. Cependant, à une époque où l’on se préoccupait fort peu de distinctions ou de précisions théoriques, il fallait quelque circonstance spéciale pour rendre attentif aux conclusions se dégageant des faits ou des textes de cette nature. Aussi est-ce seulement à l’occasion des pénitents absous au moment de la mort, sans avoir accompli toute la pénitence voulue, qu’apparaît dans la littérature chrétienne notre idée de péchés réellement pardonnes sans être totalement expiés et de satisfactions destinées à atténuer ou à éteindre les conséquences qu’ils ne laissent pas d’entraîner.

C’est dans une lettre de saint Cyprien à. l'évêque Antonianus. Celui-ci s’est montré fort choqué de l’indulgence témoignée à Rome et à Carthage à

certains pénitents. En un danger de mort, on les a réconciliés, puis, comme ils ont survécu, on a continué à les admettre à la communion sans les obliger à achever leur pénitence. À les dispenser ainsi de l’expiation qui leur restait à accomplir, ne court-on pas le risque d'énerver la discipline et surtout d’amoindrir dans l'Église l’estime de l’intégrité de la vie chrétienne ? Saint Cyprien rassure Antonianus : cette admission à la communion avant l’achèvement de la pénitence est loin de supprimer toute différence entre ceux qui n’ont pas failli ou qui ont complètement expié leur chute et ceux qui ont ainsi bénéficié d’une réconciliation anticipée. Lorsqu’ils auront à comparaître devant Dieu, leur situation sera toute différente. Les uns l’aborderont sans crainte et seront admis sans retard à jouir des biens célestes ; pour les autres, au contraire, il y aura encore un examen à subir et un pardon à escompter. Assurés de leur salut, ces derniers pourront néanmoins être condamnés à de longs retards, à une longue et dure purification, à une incarcération d’où ils ne seront libérés qu’après acquittement du dernier sou. Ad veniam slure ; …missum in carecrem, non exire inde donec solvat novissimum quadranlem ; …pro peccatis lonyo dolore cruciatum emundari et puryari diu in igné. Epist, lv, 20, Hartel, p. 638. Sur le contraste ainsi établi entre les deux catégories de fidèles, voir P. Galtier, De pænitentia, 2° éd., p. 101, note 1, et L'Église et la rémission des péchés aux premiers siècles, p. 58-59. C’est dire ce qui leur a manqué, pour n’avoir pas accompli en entier leur pénitence, mais c’est aussi, et par le fait même, préciser à quoi était spécialement ordonnée cette pénitence. Le but propre en était la remise des peines temporelles qui, à son défaut, malgré le pardon reçu, restent à subir. Or, ceci permet de déterminer très exactement la portée et la destination précise de la pénitence imposée normalement aux pécheurs. Dans la rémission du péché, ce qu’il lui est propre de viser, ce sont les conséquences qui, même après le pardon, peuvent continuer à peser sur le coupable. Sans que la théorie en soit encore faite, c’est donc très exactement ici la satisfaction conçue au sens restreint où elle l’est aujourd’hui.

2. L’aspect complémentaire de la pénitence publique. — Et tel est bien, en effet, l’aspect sous lequel se présentent et sont envisagées dans l'Église les épreuves de la pénitence publique. Normalement requises pour l’absolution, elles n’y sont cependant pas indispensables ; au moment de la mort, en particulier, elles peuvent faire complètement défaut sans que, pour autant, il y ait lieu de refuser le pardon à qui a attendu ainsi le dernier moment pour demander la pénitence. Agir autrement, déclare le pape saint Célestin au début du v° siècle, serait une impiété et une cruauté. Ce serait supposer qu’il ne sulllt pas à Dieu, pour faire grâce, de constater la conversion du cœur ou que cette conversion ne peut pas se produire en un instant. Jafîé, Pegesta, n. 369 ; P. L., t. l, col. 432.

a) Satisfaction plus complète. — On ne saurait exclure plus fermement l’idée que l’accomplissement préalable de la pénitence est la condition sine qua non du pardon du péché lui-même. Si donc, normalement, on l’exige, ce ne peut être, à proprement parler, que pour en assurer une rémission plus complète et plus parfaite. Et voilà précisément ce qu’en dit le pape saint Léon.

Lui aussi voit dans Vactio pseniteiitiæ la prépa ration normale à l’absolution du prêtre. Elle est une salisfactio qui assure une purification préalable ; la réconciliation et l’admission à la communion ne viennent qu’après : Confttentes… sidubri satisfactione purgatos, ad communionem sacramentorum per januam reconciliationis admittunt. Epist., cviii, 2, P. L., t. liv, col. 1012 A. Aussi est-il déplorable qu’on attende le