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SATISFACTION. SENS PLUS RESTREINT


sequelam ipsius, scilicet offensam Dei et reatum pcenæ. Ibid., a. l. ad : » "". Le pénitent regrette le péché en tant qu’offense <l<' Dieu et il se propose d’y porter remède. Or, pour remédier à une offense, il ne suivit pas de mettre fin à ['acte d’offense, il faut eu plus une certaine compensation, telle que la satisfaction offerte par l’offenseur à l’offensé : Recompensalio [uero] est ex parte ejits qui oflendit, … cum salisfacit. Ibid., q. i.xxxiv, a. 3.

La satisfaction et la contrition.

Aussi, est-il de

doctrine courante que, par la pénitence, par la contrition parfaite en particulier, l’homme peut satisfaire lui-même à Dieu pour ses péchés. Sans doute doit-il y être aidé par une grâce surnaturelle ; mais, ceci une fois bien entendu, à condition de ne pas songer à une satisfaction parfaite, c’est-à-dire proportionnée à la malice de la faute et propre à en obtenir le pardon à titre de justice, Suarez, De incarnatione, disp. IV, sect. x, n. 3, ne croit pas qu’aucun théologien puisse contester cette doctrine. N’en tombent-ils pas tous d’accord en rattachant la vertu de pénitence à la vertu de justice '.'

Par elle, comme l’observe saint Thomas, il s'établit entre l’offenseur et l’offensé un échange analogue à celui qui s'établit entre l’obligé et son bienfaiteur : Sicut est commutatio quædam in bene’ftciis, cum scilicet aliquis pro bénéficia reeepto gratiam rependit, ita etiam est commutatio in offensis, cum aliquis pro offensa in altcrum commissa… volunlaric récompensât emendam, quod pertinct ad pwnitenliam. III q. i.xxxv, a. 3, ad 3um. Or, explique-t-il ailleurs, tel est le sens où l’on peut dire que la vertu ou l’acte de pénitence contribue à remettre le péché : elle 1 fait par le sacrifice du cœur contrit et humilié qu’elle offre en compensation de l’offense. Ittud quod offensam aufert, peccatum tollit. Cum autem offensa, in quantum hujusmodi, sit insequalitas queedam, qua unus alii subtraxii quod debitum eral, actu illius virtutis peccatum rcmillitur qua imvqualitalem preedictam ad wqualilalem reducit. Hoc autem facit pirnitenlia, …quæ in recompensaiione divinæ offensic spiritum Deo contribulatum offert. In IV"'", dist. XIV. q. ii, a. 1, sol. 1. La compensation sans doute reste nécessairement imparfait e, inadéquate : l’acte de pénitence a beau procéder d’un motif de charité, la réparation du péché ainsi offerte ne saurai ! prétendre à exiger le pardon. Tout au plus, peut-on lui attribuer un mérite de convenance. île congruo ; mais il n’en est pas moins une réelle compensai ion de l’offense faite à Dieu et c’est donc précisément à cette compensation que se ramène la contribution personnelle du pécheur à la rémission de son péché : il s’y dispose : mais, même au cas où il s’y dispose le plus parfaitement possible, sa disposition laisse place et fait appel à un pardon purement gratuit. Mlle agit, par conséquent, à la façon d’une satisfaction, et il n’en laut pas davantage pour montrer à quel point persiste dans l'Église d’aujourd’hui la notion générale de satisfaction qui s’observe aux origines de sa doctrine et de sa pratique pénitentielles.

/II. LA SATISFACTION AV SI VS ItESTBUINT. Nous l’avons dit, c’est de la satisfaction entendue en un sens plus étroit que nous avons à nous occuper ici. Aussi bien, en plus de son sens général et commun, le mot en a-t-il pris un autre plus précis et plus restreint. Il dit une œuvre plus ou moins pénible, destinée sans doute à réparer l’offense faite à Dieu, mais visant par ticulièrement à obtenir que le châtiment soit épargné au pécheur. Ainsi comprise, la satisfaction n’est donc

plus un pur aspect de la contrition ou de Tact fondamental de pénitence. Sans qu’elle s’en isole, puisqu’elle en procède et lui doit sa valeur morale, elle s’y ajoute cl. dans la compensai ion générale offerte à Dieu pour 1° péché, elle poursuit un but particulier

qui permet de la considérer à part : sachant les conséquences qu’entraîne le péché pour celui qui l’a commis, on voit surtout dans la satisfaction le moyen de l’en mettre à couvert, et tel est le sens plus restreint où ou lui attribue encore de concourir à libérer de la servitude du péché.

C’est cette conception plus étroite de la satisfaction dont il importe de rechercher l’origine : a-t-elle ses racines dans la doctrine proprement chrétienne ou faudrait-il y voir, comme on l’a suggéré parfois, l’intrusion dans la doctrine chrétienne de conceptions purement juridiques empruntées soit au droit romain, soit aux coutumes germaniques ?

1° Origines chrétiennes de. celle conception. — Il n’est pas contestable, nous l’avons dit, que l’idée et le mot de satisfaction aient été familiers aux juristes romains ; on s’explique donc très naturellement qu’ils le soient devenus aussi pour les écrivains latins habitués à ce langage. Mais la question n’est pas du nom et de l’idée ; elle est de la réalité à laquelle ils correspondait. c’est-à-dire de ces œuvres plus ou moins pénibles par lesquelles on obtient d'échapper au châtiment du péché. Or, rien n’est plus authentiquement juif et chrétien que de reconnaître une telle vertu à certaines bonnes œuvres. Lc, écrivains latins ont eu raison de reconnaître là l’idée de satisfaction ; mais d’autres, avant eux, l’avaient également exprimée à leur manière : pour les uns comme pour les autres, la source vraie de leur conception se trouve dans l'Écriture. (".'est elle qui, en des termes divers, leur a montré dans les bonnes œuvres, dans l’aumône en particulier le moyen de se libérer, de se racheter, de s’affranchir ou (le se mettre à l’abri en tout ou en partie des servitudes du péché.

Misericordia et veritale redimitur iniquilas, est-il dit dans les Proverbes, xvi, 6, et le livre de Tobie enseignait que eleemosyna a morte libéral et ipsa est quæ purgai peceata.xii, 9. Aussi l’Ecclésiastique engageait-il à faire l’aumône pour obtenir d'échapper au mal : Conclude eleemosynam in corde pauperis el hsec pro le exorabit ab omni malo. xxix, 12. Daniel avait donné le même conseil à Nabuchodonosor : Peceata tua eleemosynis redime, et iniquitates tuas misericordiis pauperum. iv, 24. « Les dignes fruits de pénitence > prêches par saint.lean-Baptiste avaient le même but : mettre à couvert de la ventura ira. Luc, iii, 7-8. I.e Christ lui-même avait exhorté à prendre sur ses richesses pour se couvrir contre les surprises ou l’isolement de l’au-delà : Facite nobis amicos de mammona iniquitatis ut, cum defecerilis, recipiant nos in veterna iabernacula. Luc, xvi, '.). Dès le début, les écrivains chrétiens font écho à ces enseignements : Si quiil habes per manus tuas, dabis pretium ad redimenda peceata, lit-on dans la Didachè, iv, 6, et le pseudo-Barnabe écrit : Manibus luis operaberis ad redemptionem peccatorum tuorum. xix, 10. De même l'épître ou homélie dite Seconde de Clément aux Corinthiens : Bona eleemosyna, quasi pœnilentia peccati ; melius fejunium oralionc, eleemosyna autem ulroquc… Beatus omnis qui invenitur in his rébus perfectus ; eleemosyna enim fil levamen peccati. xvi, 4.

On voit donc bien que, des avant Tertullicn et saint Cyprien, ce que ces écrivains appellent « satisfaction était fort recommandé dans l'Église. Lux-mêmes ne diront pas plus en montrant dans les œuvres de pénitence le prix <]u pardon ou une compensation du péché à laquelle Dieu en attache l’impunité : Hoc preiio Dominas veniam addicere institua ; hac pirnitentise compensatione redimendam proponit impunitatem. Tertullicn. De pœnit., vi, 1. Inde crimen el culpa redimitur… Ad veniam delicti sui [peccator] Dominum juslis et continuis operibus inflectit. S. Cyprien, De lapsis, 35 et -i’i.