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    1. SATISFACTION##


SATISFACTION. ORIGINES DE L’IDÉE

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progressivement précisée la notion de satisfaction sacramentelle.

De là la division de cet article : I. Les origines de l’idée de satisfaction. II L’évolution de cette idée en matière pénitentielle (col. 1 152). III. La satisfaction à l’époque moderne (col. 1190).

I. Les origines de l’idée de satisfaction. — 1.1. A SATISFACTION AU SENS GÉNÉRAL VV mot. 1° La notion commune. — Dans leur sens le plus général, les mots « satisfaire », « satisfaction » disent « faire assez » pour atteindre un but moral, pour répondre à une attente, pour observer une loi ou être déclaré quitte d’une obligation, pour se libérer d’une charge. Le droit romain en parlait à propos de créances ou d’offenses. « Satisfaire », en cette matière, c’était « faire assez » pour que le créancier consentît à accorder remise de tout ou partie de la dette, pour qu’un offensé renonçât à tirer vengeance ou à poursuivre le châtiment de l’injure reçue. Ofïrir satisfaction n’était pas s’acquitter totalement de la dette ou accepter de subirle châtiment mérité ; c’était cependant reconnaître le droit, confesser son tort, accepter le principe d’une réparation, par là, se conformer à la justice, tout en faisant appel à la bienveillance et en s’appliquant à obtenir, par l’aveu de sa dette ou de sa culpabilité, de n’être point traité selon toute la rigueur des lois.

Aussi, portait le Digeste, toute dette demande paiement ou satisfaction, et nous disons qu’il y a « satisfaction » quand le créancier, sans être payé, accepte de ne pas l’être. Omni.i pecunio exsoluia esse débet mit eo nomine satisjaclum est. Satisfaction autem accipimus, quemadmodum voluit creditor, liect non sil solutum (xin, 7, 9). « Satisfaire », expliquaient les glossateurs, c’est faire assez pour qu’un offensé, justement irrité, s’estime suffisamment vengé : Salisfaccre est lantum facere quantum salis est irato ml vindictam. (Asconius, à ce mot, dans Forcellini. Pour plus de détails sur le mot, voir Denefïe, Bas Wort « satisfacere », dans la Zeitschrift fur kath. TheoL, t. xliii, 1919, ]). 158-175.) Les scolastiques ont par conséquent bien saisi le sens du mot quand ils ont rattaché la satisfaction à la vertu de justice et y ont vu comme une forme de restitution : saint Thomas note qu’on peut y voir une espèce de paiement : Pretium quoddam dicitur. fit’, q. xxviii, a. 1 corp. Le paiement, seulement, n’est pas complet, car remise en est faite, en tout ou en partie, par égard pour l’attitude, l’intention, la bonne volonté du débiteur. De même pour l’expiai ion à subir : l’humble att itude du coupable peut faire qu’il soit pardonné. Quandoque est s<rfisfactio sine restitutionc aligna, ut, cum qui s se proximo humiliât, de aliquibus contumeliis et dictis… De offensa homo proximo non reconciliatur per hoc quod sua ei restituil, sed per hoc quod supra hoc aliquid humilitatis eiexhibet. S. Thomas, In I Y"", dist. XV, q. i, a. 5, sol. 1 corp. et ad l" m.

2° Application au péché et à la pénitence. Le mot ainsi compris ne se trouve pas dans l’Écriture et le concile de Trente, pas plus que les théologiens, ne l’ignore. Un premier projet de déerel soumis à l’examen des Pères du concile le notait, au contraire, expressément. Quod h ; ve salisjactionis vox nullibi in canonieis Seripturis reperiotur, ncminem suiur mentis move.re débet, cum salis constet rem ipsam aperlissime el luculentissime fuisse nobis expressam et quasi digito prwmonsIraUtm. Theincr, Àcla cône. Trident., t. i, p. 599. Et, en effet, les notions de délies à acquitter, d’offenses à réparer, de colère à apaiser, de pardon à obtenir, que nous avons vues commander l’idée commune de satisfaction, correspondent très exactement à la conception chrétienne ci même juive du péché. Le Christ lui même, dans le Pater, nous [ail demander remise de nos péchés comme de véritables

del les : Dimitte nobis débita nostra, sicut et nos dimillimus debitoribus nostris. Mat th., vi, 12. Ailleurs, il emploie indifféremment les mots de « pécheur » et de « débiteur ». I’ulatis quod hi Galiliei præ omnibus Galilieis peccalorcs fuerint… ; pulatis quia et ipsi debitores fuerint præter omnes ? Lue., xiii, 2 et 4. Comme écrit saint Paul, les pécheurs sont des « vases de colère », Rom., ix, 22, des « enfants de colère », Eph., ii, 3. La justification par le Christ consiste à nous mettre à l’abri de la colère divine : justificati, suivi erimus ab ira. liom., v, 9. Eripuit nos a ventura ira. I Thess., i, 10.

Telle était aussi la pensée fondamentale des juifs. Violation de la loi divine, le péché leur apparaissait comme une injure faite àDieu, comme une provocation de sa colère ; aussi ne savaient-ils que lui demander de ne pas les traiter suivant sa colère : Domine ne in furore tuo arguas me neque in ira tua corripias me. Ps., vi, 2 ; xxxvii, 2. De là, leurs « sacrifices pour le péché : eu les offrant, ils comptent apaiser la colère de Dieu, se le rendre favorable, obtenir qu’il renonce à punir, qu’il mette fin au châtiment et rende sa bienveillance. Tel est aussi le but de la pénitence à laquelle les exhortent les prophètes : on peut se promettre que Dieu y aura égard et consentira à pardonner : Convertimini ad me in loto corde vestro, in jejunio et in fletu et planetu, et scindite corda vestra… quia benignus et misericors est… Quis scit si convcrlatur et ignoscat ? Joël, ii, 11-14. David y compte, quand il fait appel à sa miséricorde : le cœur contrit et humilié est un særiliee que Dieu ne saurait dédaigner. Ps., l, 19.

Saint Paul ne comprend pas autrement la rémission du péché obtenue par le Christ. Sa mort l’a expié. Il s’est fait, il a été fait hostie de propitiation pour nous, Rom., iii, 25 ; sa mort a eu la valeur d’un sacrifice expiatoire. Ilebr., ix-x ; son obéissance a compensé et réparé la désobéissance d’Adam, Rom., v, 17-19 ; son sang a payé notre rançon, I Tim., ii, 5, et ainsi Dieu s’est-il trouvé apaisé ; ainsi de fils de colère sommes-nous devenus vraiment enfants de Dieu. La pénitence individuelle peut servir de même à obtenir le pardon ; tout au moins saint Pierre le fait-il entendre à Simon le magicien après la tentative de celui-ci d’acheter le pouvoir de donner le Saint-Esprit : Pœnitentiam âge ab hoc nequitia tua, et roga Dcum si forte rcmittatur tibi Ivre cogitatio cordis lui. Act., vin, 22. Dette à acquitter, injure à réparer, colère à apaiser, pardon à solliciter, voilà donc les idées principales que convoie, dans la sainte Écriture, la notion de péché. La rémission à en obtenir y apparaît comme le fruit de la pénitence et de l’expiation librement acceptées ; mais, si pénitence et expiation s’inspirent d’un devoir de justice, l’une et l’autre cependant l’ont surtout appel à la miséricorde. En dernière analyse, leur efficacité leur vient de la bonté et de l’indulgence de Dieu lui-même : par égard pour l’altitude humiliée où s’établissent devant lui les coupables, il consent à leur faire grâce et à leur rendre son amitié. C’est très exactement accepter ce que nous avons vu appeler une satisfaction.

Il n’y a doue pas à s’étonner que ce mot soit devenu courant, dans l’Église latine, pour traduire ou résumer l’ensemble « le ces idées. Aucune expression n’est aussi propre à caractériser le but et l’efficacité morale des actes de pénitence offerts à Dieu pour obtenir son pardon. Le droit romain a pu la suggérer à des écrivains habitués à en parler le langage : elle l’ait son apparition dans Terlullien et saint Cyprien l’emploie couramment ; mais, avant de devenir un terme proprement juridique, elle avait appartenu au langage commun et l’idée religieuse, en tout cas. qu’elle a servi a traduire ou à résumer à partir du IIIe siècle, loin d’avoir été Introduite avec elle dans l’Église,