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SARPI (FRA PAOLO) — SARTOLO (BERNARD]


le protestantisme avec lequel sympathisait Sarpi était moins peut-être le protestantisme post-tridentin, décidément arrêté dans ses formules, que le réformisme qui, au début du xvi° siècle, groupait des hommes comme Érasme, comme I.cfèvre d'Étaples’et tant d’autres ? C’est peut-être Le Courayeur, parce qu’il était du même esprit que Sarpi, qui a le mieux compris l'état d'âme du servite : « Il était catholique en gros, écrit-il, et quelquefois protestant en détail, mais on ne peut désavouer que sur plusieurs points, il ne fût fort favorable au protestantisme. » Ce n'était peutêtre pas le meilleur moyen, au moment de la réaction qui suivit le concile de Trente, de comprendre soimême et de faire comprendre aux autres ce qu’avait été la grande assemblée qui marque si nettement un point singulier dans la courbe générale de l’histoire du christianisme.

Il y a une vie de frà Paolo, rédigée par son ami et confrère le frère Fulgence Micanzio ; elle a été imprimée en tête de l'édition des Opère de Venise : Vitadel Padre Paolo dell' online île' seraie theologo délia serenissima Republica di Venetia, dans Opère, t. i, p. 1-326 ; c’est d’elle que s’est très largement inspiré Le Courayeur en tête île sa traduction de l’Histoire du concile. Elle devrait être complétée et rectifiée sur bien des points par la Correspondance dont nous avons dit l’essentiel dans le texte. C’est ce qu’a essayé de faire, mais avec un parti pris de dénigrement systématique, un anonyme se cachant sous le nom de Mgr Fontanini (archevêque titulaire d’Ancyre, t 1736), Storia arcaïai delta vita di I'. Paolo Sarpi, Venise, 1803 (sur les conditions de la publication de cet ouvrage, voir Stefani. Sul nero antore délia Storia arcana… atlribnita a Mgr Fontanini, Venise, 1892). Plus sereine est l'œuvre de A. Bianchigiovini, Biografla di Ira Paolo Sarpi, Bruxelles, 1836 et de Balan, Frd Paolo Sarpi. 1887. L'érection en 1892 du monument de Sarpi à Venise a valu à la mémoire du servite un regain d’attention et diverses publications ; signalons entre autres : Al. Pascolato, Frd Paolo Sarpi, Milan, 1893, où l’on trouvera une abondante bibliographie ; Rev. Alex. Robertson, Frd Paolo S<irpi, the greatest of the Venetians, Londres, s. d. (1891), éloge dithyrambique du servite, et manifeste du plus violent antipapisme.

La question de la valeur respective de Sarpi et de Pallavicini comme historiens du concile de Trente a élé jadis étudiée par Brischar, Beurtheilnnn der Kontroversen Sarpis and Pallavicinis, Tubingue, 1811 ; elle vaudrait d'être reprise avec sérénité, depuis que les actes authentiques de Trente sont accessibles.

Trois bonnes notices dans le Kirchenlexicon (Zeck), t. xviii, col. 1720 sq. ; dans la Protest. Realencyclopàdie (P. Tschackert), t.xvii, col. -186 sq. ; et dans V Enciclopedia ilaliana, t. xxx, 1936.

É. Amann.

SARTOLO Bernard, jésuite espagnol. Né à Tudela en Navarre, plus probablement le 18 octobre 1653, reçu dans la Compagnie le 1 er janvier 1668, il professala philosophie et, pendant seize ans, lathéologie à Salamanque et à Valladolid ; il mourut à Tudela le 4 septembre 1700.

On a du P. Sartolo diverses publications oratoires et biographiques, en particulier une vie de Suarez, El eximio doclor y vénérable Padre Franc. Suarez… en la fiel imagen de sus heroicas virtudes, Salamanque, 1693, 480 p., ainsi qu’un traité De scientia Dei, paru dans un recueil théologique du P. Bonaventure Rada. Sommervogel, t. vi, col. 1368, n. 1. Plusieurs autres traités sont restés inédits. Sommervogel, t. vii, col. 653.

Surtout on lui attribue un ouvrage présentant un réel intérêt pour l’histoire du probabilisme : Lydius lapis recenlis antiprobabilismi seu disserlatio theologica contra nuperos ejus propugnatores…, Salamanque, 1697, [46]-258 p. Le livre fut publié sous le nom du docteur/). Francisco de Perea, Granatensis (FrançoisKustache de Perea y Porrès, qui devint évêque de Placencia, puis archevêque de Grenade et mourut en 1733). D’après Dôllinger-Reusch, Moralslreitigkeiten,

DICT. DE THKOL. CATHOL.

t. i, p. 215, citant le témoignage du jésuite Gravida. ami de Sartolo, il aurait élé écrit par le P. Sartolo, professeur à Valladolid. Sommervogel et Hurter tiennent cette attribution comme très vraisemblable ; Astrain (t. vi, p. 359) la donne comme certaine.

L’ouvrage était précédé d’une longue censure (25 pages) d’un Père mercédaire, Francisco Solis, professeur de théologie morale à l’université de Salamanque. Solis, avant de donner son approbation chaleureuse au travail de l’auteur, s'élevait contre les efforts antiprobabilistes du P. Thyrse Gonzalez et du cardinal Aguirre et s'étonnait que, l’ensemble des professeurs de Salamanque ayant été longtemps probabilistes, on pût admettre qu’ils aient erré.

Quant à l’auteur de la Pierre de louche, il cite dans son introduction ces novateurs qu’il veut combattre : d’abord et surtout le général des jésuites, Thyrse Gonzalez, dont l’ouvrage Fundamentiim theologiæ moralis, écrit depuis 1671, venait d'être publié à Rome en 1694, cf. ici, t. vi, col. 1493 sq., puis le juriste Prosper Fagnano, le dominicain Gonet, professeur à l’université de Bordeaux, le minime François Palanco, professeur primarius au collège de son ordre à Salamanque, le jésuite Thomas Muniessa, provincial d’Aragon et vigoureux zélateur des doctrines de son P. général (cf. Astrain, t. vi, p. 359). L’exposé en 36 sections comprenait une disputatio… de usu licitu opinionis probabilis et une suite d’animadversiones particulières contre chacun des adversaires. Il se terminait par une admonestatio ex divo Bernardo, sermone m de resurrectionc, où était dénoncée la lepra proprii consilii.

Parmi Les arguments et les critiques qui se succèdent non sans quelque désordre, nous ne relèverons que ceci : comment une doctrine, qui ferait courir tant de dangers à la morale chrétienne, a-t-clle pu être adoptée si unanimement et si longtemps dans l'Église ? Thyrse Gonzalez, au lieu de vouloir imposer son opinion personnelle à sa Compagnie, devrait professer celle que tient le corps entier de celle-ci… L’antiprobabilisme vient des jansénistes et des lovanistes ; saint Thomas, saint Antonin de Florence et même des Pères de l'Église comme saint Jérôme ou un auteur païen comme Pline le Jeune ont été ouvertement probabilistes ; Suarez, que Thyrse Gonzalez s’efforce de tirer au probabiliorisme, a été toujours et nettement probabiliste ; c’est avec émotion que l’auteur prétend le venger et lui rend hommage. L’usage de la probabilité sérieuse répond à. la prudence ; il est légitime même en matière de justice, de contrat, de foi… ; seul, il permet d’administrer aisément le sacrement de pénitence : comment en dehors de lui, le P. Gonzalez aurait-il pu entendre ces nombreuses confessions générales dont il se fait justement honneur dans son apostolat ancien ?… Le livre est écrit avec chaleur et parfois avec une réelle finesse d’analyse, mais il eût été autrement solide, croyons-nous, si, au lieu de tenter une justification du probabilisme par son usage dans des matières où il est particulièrement mal à l’aise qustice, contrat, foi, pratique médicale, etc.), les limites du système avaient été plus nettement et plus systématiquement marquées.

Le Lydius lapis fut attaqué à son tour par le jésuite Ehrentreich : Reprobatio Lydii lapidis, etc., Rome, 1699 ; cf. Sommervogel, t. iii, col. 351, n. 2. Dans sa Régula honestatis moralis (1702), le P. Ignace Camargo le combattit aussi avec insistance ; cf. Astrain, t. vi, p. 360. Thyrse Gonzalez soupçonna-t-il ou même connut-il, au moins après la mort du P. Sartolo, que l'œuvre avait été écrite par un de ses sujets ? DôllingerReusch floc. cit.) le pensent, d’après une lettre écrite en 1702 par le P. général et qu’a publiée Concina, Dijeza délia Comp. di Gesù, i, 29. En tout cas l'œuvre,

XIV.

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