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thèque Saint-Marc, permet de voir que les divergences assez, nombreuses ne tirent pas à conséquence. Il n’empêche que le plus urgent serait aujourd’hui de publier le texte même du manuscrit. Car l’on ne peut guère se lier à. l’édition (s. 1., très probablement ( icnève) de 1629, qui porte comme titre : Historia del concilio Tridentino di Pietro Soave Polano, seconda editione riuedutae corretla dall’autore.

I, ’édition la plus maniable est à. l’heure présente la traduction française qu’a donnée I-e Courayer (voir ici t. ix, col. 112 sq.) avec « les notes critiques, historiques et théologiques, 2 vol. in- 1°, Amsterdam, 1736 ; avant cette traduction française il en avait paru une autre, Amsterdam, 1686, par Amelot de La Houssaye, ci-devant secrétaire de l’ambassade de France à Venise. I.a plus récente édition italienne est celle de Bari, 1935.

Quoi qu’il en soit des conditions dans lesquelles l’ouvrage vit le jour et du pseudonyme qui le couvrit d’abord, mais qui fut bientôt percé, il est ineoul estable que frà Paolo y avait travaillé avec application et rassemblé de longue date les matériaux nécessaires a une œuvre de cette envergure. N’ayant point accès aux archives pontificales qui contenaient les procèsverbaux authentiques, il n’avait pas laissé néanmoins de découvrir, soit dans les archives mêmes de Venise, soit en divers milieux romains ou italiens des documents de première importance. Il sut en disposer avec beaucoup d’intelligence et de maîtrise de son sujet et l’on est vraiment surpris, étant donné le caractère de son information, qu’il soit arrivé à présenter un tableau d’ensemble de la marche générale du concile qui ne s’écarte pas très sensiblement de ce que permet d’écrire aujourd’hui la documentation de première main dont on peut faire état. Quand Pallavicino, en 1656 et 1657, publiera son Isloria del concilio di Trente, dans le dessein, affiché au titre même, de réfuter Pietro Soave Polano, il ne pourra découvrir dans l’ensemble de l’œuvre que des inexactitudes de détail et dont plusieurs même ne sont pas démontrées, il s’en faut.

A l’heure présente la question qui se pose c’est tout simplement de savoir si frà Paolo a disposé de sources qui n’existeraient plus aujourd’hui. Thcincr et le P. Merkle le croyaient encore ; le nouvel éditeur du Concilium Tridentinum, St. Ehses, s’est élevé làcontre avec une violence cpii nous paraît dissimuler mal la faiblesse de son argumentation. Cf. St. Ehses, HatP.Sarpifùr seine Geschichte… uns Quellen geschôpjl die jetz nient mehr fliessen ? dans Historisches Jahrbuch, t. xxvi, l’.) !)."). p. 299-313, et Nochmals P..SV/r/)/ als Geschichtsquelle, ibid., t. xxvii, 1906, p. 67-74. Encore, ce que le jésuite reproche au servit e. c’est bien moins d’avoir inventé de toutes pièces tel rapport de congrégation, tel mémoire d’un ambassadeur que d’avoir agi à la manière des historiens antiques qui mettaient dans la bouche d’un personnage tel discours qu’il était vraisemblable qu’il eût tenu en telle circonstance déterminée. Nous sommes très loin des mensonges consciemment perpétrés que certains apologistes reprochaient jadis à Sarpi. sans s’être préoccupés, très souvent, d’y aller voir.

Ce qui, par contre, doit être sans conteste reproché à l’auteur de l’Histoire du concile île Trente, c’est à coup sûr son mauvais esprit. Encore que la phrase liminaire de Marc-Antoine de Dominis n’exprime pas toute l’intention du livre de Sarpi, elle ne laisse pas de manifester un des sentiments, obscurs ou conscients. qui animent le servite. I, ’histoire d’un concile ne peut

incontestablement être édifiante de bout en bout. Un concile est composé d’hommes, ayant leurs opinions, leurs préventions, leurs passions. Assemblées pour l’ordinaire en des temps troublés, ces réunions reflètent

toutes les agitations de l’époque. Pour ceux qui les convoquent et en dirigent les travaux, elles comportent une part d’aléa considérable : elles excitent les sympathies ou les résistances des tiers. Si cela est vrai d’assemblées telles que celles d’Éphèse ou de Chalcédoine, terminées en quelques semaines, que faut-il dire du concile de Trente qui, avec des interruptions, se prolonge pendant plus de dix-huit ans, qui, à de certains moments, paraît devoir avorter, puis se ranime, s’éteint à nouveau, pour finir avec une précipitation qui laisse en suspens une foule de questions. On se demande avec quelque inquiétude comment Pallavicino a réussi à faire de ce long drame avec toutes ses péripéties le triomphe d’une volonté unique, celle de la papauté, allant d’une manière continue vers le but qu’elle s’était d’abord proposée. Les politiques pontificales ne peuvent être continues, il sc-ait miraculeux qu’elles l’aient été ici. étant donnés tous les intérêts mis en jeu. Mais, si Pallavicino s’est inscrit en trop vive réaction contre la tendance de Sarpi, il n’en reste pas moins que ce dernier a manqué d’objectivité dans sa présentation générale, non peut-être des événements, mais des ressorts qui faisaient agir les principaux personnages du drame. Loin d’avoir été une conjuration contre la réforme de l’Église dans son chef et ses membres, l’assemblée tridentine a posé les fondements de l’œuvre considérable qui s’effectuera dans ce sens au siècle suivant. Si elle a été obligée de définir au point de vue dogmatique nombre de points sur lequels avait existé jusque la dans l’Église une certaine liberté, c’est que les brutales négations du protestantisme avaient contraint les défenseurs de la foi à mettre en sûreté des affirmations considérées comme traditionnelles. C’est aux réformateurs qu’il faut s’en prendre, si la dogmatique post-tridentine se hérisse de tant d’anathèmes que le passé chrétien n’avait pas connus. Kncore est-ce moins à ceci qu’en veut frà Paolo qu’aux intrigues et aux cabales par lesquelles la papauté se serait opposée à l’esprit de réforme. C’est moins le procès du concile qu’il fait, que celui de la papauté qui en a pris la direction exclusive, qui, par ses légats et par ses théologiens, a imposé toutes ses vues, qui n’a laissé a l’assemblée qu’une liberté singulièrement amoindrie. Qu’il n’y a.it du vrai dans quelques-unes de ses remarques, c’est ce que nul historien digne de ce nom ne s’aventurera à. contester, mais ce qui décourage et rebute le lecteur, c’est un parti pris de dénigrement systématique, qui, sans avoir l’air d’y toucher — car le ton reste généralement modéré — condamne toutes les initiatives de la Curie pontificale, celles-là même qui sont le mieux marquées au coin de la prudence, de la sagesse, de l’opportunité.

Au fond, de quel esprit était Sarpi ? Était-il, comme beaucoup le prétendent, passé de cœur au protestantisme, se refusant à faire le pas décisif que, d’autres faisaient à son époque, pour des raisons soit de commodité personnelle, soit de machiavélisme plus ou moins conscient’.' Beaucoup l’ont prétendu, catholiques ci protestants, et il faut dire que, si l’on était plus sûr de l’authenticité de toute la correspondance publiée, il faudrait leur donner raison. Telles qu’elles sont éditées en effet, nombre de lettres montrent que l’esprit de Ira Paolo penchait vers le protestantisme. Voir Busnelli, Lettere di Ira P. Sarpi ai protestant i, Bari, 1931. Elles iraient même à faire conclure que, s’il restait dans l’Église, c’était pour mieux travailler, sous le masque - qu’il continuait de porter, au triomphe d’idées qui n’étaient pas celles du catholicisme. Voir à ce point de vue les appréciations concordantes de la Realencyclopâdie protestante ut du Kirchenlexikon catholique. Tout cela est vrai. Ne conviendrait-il pas cependant de faire remarquer que