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SANCHEZ (THOMAS)


sont pas directement pris à partie, nous pouvons ramener à cinq principales matières les attaques des Provinciales contre Sanchez :

a) v c Prov., t. iv, p. 310 sq. (Maynard, t. i, p. 230 sq.) : Doctrine générale du probabilisme, l’autorité d’un docteur probe et docte suffit à rendre une opinion probable. Opus mor., t. I, c. ix, n. 7. Mobilier, t. ii, p. 236, note dans la citation l’omission d’une référence de Sanchez à saint Thomas. Cf. peu après, t. iv, p. 313 et 315 (Maynard, p. 242 et 245), deux autres points concernant l’usage du probabilisme et son emploi en confession. Opus mor., t. I, c. ix, n. 19 et 211.

b) vu » Prov., t. v, p. 92-94 (Maynard, t. i, p. 321 sq.) : Duel et meurtre ; il est permis d’accepter un duel pour sauver sa vie, son honneur, de grands biens ; un calomniateur, qui poursuit en justice, peut hardiment être tué, non par trahison, mais par derrière et en embuscade. Opus mur., t. II, c. iii, dub. xxiii, n. 7 et 8.

c) viiie Prov., t. v, p. 155 sq. (Maynard, t. i, p. 381) : Restitution à imposer ou non aux sorciers selon qu’ils exercent réellement un art démoniaque ou qu’ils trompent. Opus mor., t. II, c. xxxviii, n. 94-96.

d) ix « Prov., t. v, p. 201-205 (Maynard, I. i, p. 240 sq.) : Équivoques et restrictions mentales ; facilités qu’elles donnent pour éviter les péchés dans les conversations et les intrigues mondaines ; licéité pour une raison suffisante de la restriction purement mentale. Opus mor., I. III, c. VI, n. 13 et 26. Une des citations de Sanchez est faite de membres de phrases empruntés à divers passages et arbitrairement réunis entre eux.

e) IXe Prov., t. v, p. 209 (Maynard, t. i, p. 432) : Luxe des femmes, une femme ne pèche pas, si elle se pare sans mauvaise intention, quand même elle saurait les effets mauvais que produira sa toilette. Opus mor., t. I, c. vi, n. 16-17. Le texte de Sanchez est un résumé fait par Bauny.

De ces cinq points, le dernier peut être écarté : a celés développements et les nuances que lui donne Sanchez, il est très défendable pour qui admet les règles classiques du volontaire indirect.

Dans les trois précédents, il faut reconnaître qu’il y a des exagérations et des erreurs : comme d’autres casuistes de sa génération, Sanchez, au sujet des duels et de la résistance violente à la calomnie, a été entraîné trop loin par les sentiments de son temps ; cf. propositions 2 et 17 condamnées par Alexandre VII, Denz.Banirw., n. 1102 et 1117, et propositions 30, 31, 32, condamnées par Innocent XI, ibid., 1180, 1181, 1182. En admettant équivoques et restrictions, il n’est pas plus que ces mêmes casuistes animé des intentions que lui prête gratuitement Pascal, il cherche de bonne foi à concilier respect de la vérité et garde des secrets ; mais il sera à corriger conformément aux propositions 26 et 27, condamnées par Innocent XI, ibid., n. 11701177. Quant aux restitutions à imposer aux sorciers, il applique d’une manière trop étroite et sans tenir compte du bon sens les principes de la restitution.

A ces erreurs et à ces exagérations, nous pourrions en ajouter d’autres ; il y en a encore dans l’Opus morale, dans les Consilia ; il y en a aussi dans le traité du mariage, nous en avons signalé une d’importance que Sanchez a tout au moins imprimée dans les premières éditions de ce traité. Tout cela suffirait-il à justifier l’accusation de laxisme portée contre lui par Pascal ? En réalité, ce sont quelques erreurs inévitables, surtout étant donné le temps où il travaillait, celui du plein développement de la casuistique. Pour les juger équitablement, il faut mettre en face d’elles la masse énorme de décisions et d’opinions que présentent les œuvres considérables où elles se rencontrent. Si on compare l’ensemble de sa doctrine avec celle qu'établira un siècle et demi plus tard saint Alphonse, quand, après les interventions du magistère romain, il fera la critique de l'œuvre accomplie par les casuistes, on doit reconnaître qu’en général Sanchez a su garder la mesure et que l’accuser de relâchement, c’est le calomnier.

Ce qui serait plus grave, c’est que, sur le probabilisme, il ait professé une doctrine attribuant à l’opi nion probable une formation trop aisée et une portée excédant les limites où les condamnations d’Innocent XI devaient l’enfermer (cf. propositions 1 à 4, Denz.-Bannw., n. 1151-1 154) ; mais àexaminerdansleur contexte même les points incriminés par Pascal, nous les avons indiqués plus haut en premier lieu, on peut, croyons-nous, se convaincre que Sanchez ne dépasse guère ces limites et qu’il peut être sans trop de peine Interprété dans le sens d’un probabilisme modéré ; Pascal pouvait en faire un laxiste, il n’a pas été suivi par l’Eglise. Ce qu’il faut cependant reconnaître, c’est que, si l’on considère l’ensemble de la copieuse présentation que Sanchez fait du probabilisme dans son Opus morale, ses analyses, remarquables par leur finesse et leur abondance, manquent parfois un peu de contours tout à fait nets. Si Thomas Sanchez n’est pas à confondre avec son homonyme et contemporain Jean Sanchez. — auteur d’un traité De jejunio et de Dispulation.es de rébus in administratione sacramentorum occurentibus, d’un laxisme bien établi, — il n’atteint pas, en ce qui concerne la limitation du probabilisme, spécia lement en ce qui concerne l’usage des sacrements, àla précision et à la clarté d’un Suarez. A. Schmitt, S. J., y.ur Geschichte des Probabilismus, Inspruck, 1904, ]). 107 sq. et 144 sq.

3° Dans les Provinciales, avons-nous dit, du moins a notre connaissance, on ne rencontre pas d’attaques contre le caractère < scandaleux i que présenteraient certaines analyses du traité de Sanchez sur le mariage ; ce n’est pas qu'à cette date de telles attaques ne se soient déjà produites.

Du vivant même de Sanchez. en Espagne, des plaintes s'étaient élevées au sujet de la liberté avec laquelle, au IX' livre de cet ouvrage, l’auteur détaillait les péchés contre la chasteté conjugale et extraconjugale : elles expliquent le soin avec lequel ses confrères de Grenade, dans les éditions postérieures à sa mort, insistent sur les vertus de Sanchez. En France, dès 10152. près de vingt-cinq ans avantles Provinciales, un écrit polémique avait dénoncé avec une singulière violence la casuistique scandaleuse de cet auteur. Dans les Yiiuliciæ censuræ jacullalis theologise Parisiensis seu responsio dispunctoria ad libellant, cui Ululas « Hermanni Lcemelii, Antoerp. etc. spongia » (il s’agissait d’une censure portée par la Sorbonne dans un conflit entre les réguliers et un vicaire apostolique d’Angleterre), un théologien dissimulé sous le nom augustinien de Petrus Aurelius, à propos d’une citation de Thomas Sanchez apportée pour prouver que les vœux religieux n’obligeaient pas à l’obéissance envers l'évêque, incriminait toute la théologie morale du temps et le débordement de ses ouvrages ; puis, tout en prétendant ne vouloir attaquer nommément personne, il s’en prenait à Sanchez et à son traité sur le mariage : les jésuites se glorifiaient d’un tel ouvrage, ils devraient plutôt en avoir honte, opus non gloriandumsed pudendum ; lam immani curiositate, tam sagacilate inusitata in rébus spurcissimis et infandis et monstrosis et diabolicis perscrutandis horrendum, ut mirum sil pudoris alicujus hominem ea sine rubore scripsisse, quae. quivis modestioris ingenii, Dix sine rubore légal. Portenta isla sunt, non scripta ; animorum insidiæ, non mentium subsidia ; incentiva libidinum, schola flagitiorum, non honesta ; disciplina ;, non scienliæ christ ianæ instrumentum… Pétri Aurelii opéra, t. ii, Paris, 1042, p. 243. Sanchez était le premier à traiter avec un tel luxe de détails une matière que saint Paul invitait à ne pas même nommer et sur laquelle toute l’antiquité chrétienne s'était fait une loi de garder la réserve. Rien que par cette conduite, il montrait ce que valait sa prétendue sainteté, etc. Des notes, écrites en réponse à des critiques des Vindiciæ, reprenaient le même thème. Ibid., t. iii, p. 82-83.