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SANCHEZ (THOMAS)


cf. Curs. theol.dogmat.yt. Vf, tract. X III, disp. X, a. 265, ont posé la question, du moins en ce qui concerne la rétractation du De matrimonio : s’appuvant sur ce que certains autres passages « lu même ouvrage, qui s’inspiraient de l’opinion favorable à la légèreté de matière, d’abord tenue par Sancbez, n’avaient pas été corrigés, ils ont cru pouvoir conclure que celle rétractation n’avait aucune authenticité, quare credimus pr.vdicloni retractationem esse psittacium qu.odd.afn maie consutum a tgrone aliquo et in operibus Sanchesii mole versato. i.e P. Ycrmecrsch (De castitate, 2e éd., 1921, n. 352, ]). lî 1 1, note 1) écrit : « Retractatio… isia prodiit in Lugdun.en.si editione, a. 1654. Cum veto Sanchez a. 1619 obierit, hue retractatio aliéna manu facta est… » Cet argument est sans valeur, car il repose sur une inexactitude : c’est dès les éditions du De matrimonio qui suivirent immédiatement la mort de Sanchez, et non pas seulement en 1654 que nous rencontrons la rétractation en question.

D’autre part le fait signalé par les Salmanlicenses — à savoir les corrections omises en quelques passages secondaires — peut fort bien être porté au compte de Sanchez lui-même, qui aurait préparé une édition nouvelle de son œuvre et n’aurait pas eu le temps de la parfaire. Surtout les carmes de Salamanque, tout en citant le passage de VOpus morale où se lit la rétractation en question, l’ont compris à contre-sens et le présentent comme une confirmation de son opinion ancienne. Or, c’est une véritable rétractation à laquelle les collègues de Sanchez, héritiers de ses manuscrits, auraient été bien audacieux de donner un accent si personnel. Par ailleurs, rien dans le contexte n’oblige à croire que le passage soit postérieur à la mort de Sanchez : Clément VIII mourut en pin."), Paul V régna depuis 1607 et, quoique nous ne soyons pas parvenu à trouver dans les collections pontificales traces de leurs motu proprio, ceux-ci peuvent avoir été portés et connus de Sanchez avant qu’il cessât d'écrire ; Hebellus avait publié son De justitia dès 1608, Sanchez a pu l’avoir en mains ; dans le texte en question, il n’est, en outre, pas fait mention du décret d’Acquaviva (K>12), de portée disciplinaire et restreinte à la Compagnie, mais si important pour un moraliste jésuite.

Nous conclurons donc que rien ne confirme le jugement des Salmanlicenses ; tout au plus pourrait-on admettre que la rétractation du De matrimonio a été empruntée par les éditeurs à VOpus morale ; niais il est plus vraisemblable qu’elle vient de Sanchez luimême et a été préparée par lui-même en vue des éditions nouvelles ; et il est plus probable que la rétractation de l’Opus morale est également et tout à fait directement de notre moraliste : c’est du reste à son honneur que, estimant s'être trompé, il ait changé d’opinion et n’ait pas craint de le confesser ouvertement.

2° La mise à l’Index du De matrimonio. - Cette question est beaucoup plus claire et ne laisse place dans sa solution à aucune incertitude. Jusqu'à la fin du xix 1 e siècle, le nom de Thomas Sanchez et son De matrimonio ont figuré à l’Index librorum prohibitorum.

D’aucuns en ont trop rapidement conclu, sinon à la condamnation de la casuistique scandaleuse de San chez, tout au moins à quelque suspicion où aurait été tenue son iruvrc par l’autorité romaine. Ainsi dans son Dictionnaire universel des sciences ecclésiastiques, Paris, 18(i « , art. Sanchez Thomas, t. ii, p. 2039-2040, l’abbé Glaire, tout en revendiquant pour le moraliste

le droit d'étudier les questions les plus délicates du mariage et en défendant, dans l’ensemble. Sanchez. écrivait : > …Malgré cela, il faut bien reconnaître que son traité n’est pas entièrement exempt de fautes. puisque une partie au mouis a été mise à l’Index… Si l’on se reporte a l’article même de l’Index qui

concerne Sanchez et au décret qui y est résumé, il est aisé de voir ce qu’il en fut réellement (cf. F. -H. Reusch, Der Index der verbotenen Bûcher, t. ii, 1885, p. 324). En 161 l parut à Venise une édition du De matrimonio, qui, dans son t. iii, t. VIII, disp. VII, omettait tout un passage (la valeur d’une colonne un quart environ), où était exposé et soutenu par Sanchez le droit du pape concernant la légitimitation des enfants nés hors mariage et cela indépendamment de toute intervention du gouvernement civil. Cette doctrine déplaisait à la sérénissime République, de là l’omission faite dans l'édition vénitienne. Rome répondit par un décret du 1 février 1627, mettant à l’Index le t. m de cette édition et de toute autre édition qui comporterait cette même omission.

Depuis ce moment jusqu'à la refonte de l’Index par Léon XIII, les catalogues de l’Index portent donc parmi les livres interdits : Sanchez Thomas, Disputationum de sacramento matrimonii, lomus iii, cdil. Yenelæ sine aliarum, a quibus libro VIII, disputai. III detractus est integer numerus 4, cujus initium : At frequentissima ac verior sententia habet id possc…, finis vero : …Et bis diebus in hoc prretorio Granatensi sententife pars hæc defmita est. Deeret. 4 jebr. 1627. Dans l'édition de 1900, revisée sous Léon XIII, cette mention a été enlevée et le nom de Thomas Sanchez a ainsi disparu de l’Index.

De cette condamnation on ne peut sans doute induire que tout l’ouvrage, ni même son t. ni en entier aient revu pour autant l’approbation du Saint-Siège ; du moins faut-il reconnaître que, loin d’en subir quelque déconsidération, Sanchez, en un point secondaire de sa doctrine, en retire plutôt confirmation et honneur. De toute manière la justice exige qu’on ne signale pas la mise à l’Index de Sanchez sans ajouter l’indication, au moins sommaire, qu’elle n’est pas de nature à jeter quelque suspicion que ce soit sur sa doctrine. Cette indication manque par exemple dans A. De Me ver, Les premières controverses jansénistes en I-ronce. 1917, ]). 371, note.

IV. Attaques et critiquas. La valeur du moraliste ET DE son ŒUVRE. — 1° Dans cette fin du xvi c siècle et ce début du XVIIe, où la casuistique, en pleine efflorescence, se développe avec une intense et tumultueuse activité, où elle pousse dans tous les sens et avec toutes les audaces ses analyses et ses recherches, Sanchez se trouva être un des moralistes les plus célèbres et les plus représentatifs : rien d'étonnant donc s’il n’a pas été épargné par la violente réaction qui suivit et dont les Provinciales (1656) sont la plus brillante expression.

Les critiques qui lui furent adressées sont, comme aux autres casuistes, des opinions et des conclusions trop larges, son laxisme et, — ceci lui est plus spécial et tient au succès même de son grand traité sur le mariage, — des analyses trop détaillées et trop libres de matières délicates, le caractère scandaleux de divers développements sur le mariage.

2° Au sujet du laxisme de Sanchez, nous ne retiendrons que les attaques de Pascal. Sanchez est en bonne place dans, la liste satirique des casuistes que donne la v Provinciale, cf. Pascal, Œuvres, édit. des Grands écrivains, t. iv, p..'il.') ; son nom est prononcé avec un respect particulier par le bon Père.

foutes Us citations, faites de lui par Pascal, se rapportent à l’Opus monde, sauf un renvoi aux Opuscula seu consilia, donné dans un texte d’Escobar sur la simonie, et d’ailleurs inexact (XIIe Prov., t. v, p..'Î7.">). Le traité du mariage n’est mentionné nulle part, même quand Pascal se plaint de la liberté exagérée avec laquelle les casuistes traitent de la vie matrimoniale dx" Prov., t. v. p. 20). En laissant les passages secondaires où les textes de l’Opus morale ne