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SALMERON (ALPHONSE)

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sur le mariage sont tranchées avec sûreté dans le sens qui a prévalu.

Ces brèves indications sont loin de donner une idée de l’activité de Salmeron. Outre les décrets dogmatiques, le concile poursuivait l'œuvre de la réforme, la rédaction des décrets disciplinaires. Nous verrons plus loin par l’analyse du traite sur l’origine du pouvoir de juridiction, qui n’est que la mise en œuvre de travaux exécutés au concile, comment Salmeron fut amené à en traiter à propos du devoir de la résidence.

Terminons cet aperçu sur le rôle de Salmeron au concile par une rapide description du document publié par Mgr Ehses dans la Rômische Quartalschrifl, 1913, p/ 129*.

Ce serait le mémoire présenté par Salmeron le 16 octobre 1546 devant la congrégation des théologiens sur la fameuse question de la double justice, qui n’occupa pas moins de dix séances (15-26 octobre) de l’assemblée. Ce mémoire, dont une indication de Mazzarelli donnait l’incipit et promettait le texte, a été retrouvé à la bibliothèque de la ville de Trente. Il donne une parfaite idée de la manière de Salmeron : clarté, ampleur du développement, parfaite courtoisie vis-à-vis des adversaires, auxquels il fait par dessus tout l’honneur de discuter un à un chacun de leurs arguments.

On connaît la doctrine de la double justification, en laquelle quelques controversistes catholiques, Gropper et Pighius et, à leur suite, le nonce Contarini avaient pensé pouvoir trouver un terrain d’entente avec les protestants, en leur concédant ce qu’ils croyaient être la part de vérité de leur doctrine sur la justification imputée (voir art. Justification, t. viii, col. 2159 sq.). Au concile de Trente, moins encore par esprit de conciliation que par conviction personnelle, le général des ermites de Saint-Augustin, Seripando, s’en était fait l’ardent promoteur, et l’avait présentée sous la forme la plus éloignée possible de toute compromission avec l’hérésie : au tribunal de Dieu, tout élu comparaîtrait avec la grâce et la charité intérieure justifiante qustice inhérente). Cependant ce serait peu au regard de Dieu, si la justice même de Jésus-Christ ne venait supplémenter les imperfections inévitables de cette justice personnelle, par une imputation qui en fera comme la forme et la perfection de notre propre justice.

C’est à cette doctrine que s’en prend Salmeron. Il la rejette comme nouvelle (aucune trace dans la Tradition avant Luther) ; superflue ; contraire à l'Écriture, qui connaît bien deux justices, celle de Jésus et la nôtre, non comme se complétant l’une l’autre mais comme cause l’une de l’autre (Rom., iii, 44 et v, 17) ; conduisant à des conséquences absurdes (notre justice serait le fait d’une forme étrangère ; notre mérite, notre degré de gloire seraient celui même de JésusChrist, ou à l’inverse notre rédemption par Jésus resterait imparfaite) ; dangereuse et favorisant la négligence ; contraire à la notion même d’imputation bien comprise ; enfin diminuant l’idée que nous devons nous faire de la grâce.

Suit la réponse aux arguments contraires : en quel sens Jésus-Christ nous est donné (Joa., ix, 6) ; a. quel titre de cause efficiente il est notre justice (Rom., viii, 33 ; I Cor., i, 30). Il montre que, d’après saint Paul luimême, « revêtir Jésus-Christ ». Rom., xiii, 14, a pour équivalent « revêtir la miséricorde, la bonté, l’humilité, la mansuétude », Col., iii, 12. Il réfute l’assertion que « notre justice demeure toujours imparfaite » : les imperfections, les péchés véniels ne sont pas le fait de la justice qui est en nous. Elle en contient au contraire le remède : elle n’est donc imparfaite qu’au sens très impropre de justice finie.

Aux considérations des adversaires, sur l’insuffisance de notre justice au jugement de Dieu, Salme ron oppose d’abord une série de textes qui parlent de l’assurance du juste au dernier jour : Stabtznt justi in magna constantia, Sap., v. 1 et Prov., x, 9 : XII, 21 ; xxviii, 1 ; Mat th.. x, 16. Puis, avec une pareille richesse de citations, il montre que dans leur vie les justes trouveront un motif de confiance, I Joa., iv, 16 ; Joa., iii, 20 ; II Tim., iv, 3. C’est par une illusion de perspective qu’on prête aux âmes arrivées au terme les inquiétudes ou les trépidations de notre vi< d’ici-bas. Elles peuvent sans danger pour leur humilité regarder la réalité de leurs bonnes œuvres et en attendre la récompense. Compter recourir après la mort aux mérites du Christ serait compter nous procurer de l’huile après l’arrivée de l'Époux.

3° Le théologien : opuscules théologiques. Jugement d’ensemble. — À la suite du commentaire des Actes, la seconde partie du t. xii des œuvres de Salmeron contient réparties en 25 courts chapitres (tract. LXLXXXIV) quatre questions théologiques : l’une sur saint Pierre, sa vie, son enseignement, son martyre ; les autres sur la nature et l’origine de la juridiction épiscopale, le devoir de la résidence, enfin sur le concile général et son autorité dans l'Église.

On sait que la question de l’obligation de la résidence pour les évêques, inscrite à l’ordre des questions disciplinaires, suscita de très vives et très longues discussions dans le concile. L’origine de cette obligation était spécialement en cause. N’y voir qu’une obligation de droit ecclésiastique, était-ce l’assurer suffisamment contre l’arbitraire des exceptions et des dispenses ? En faire une obligation de droit divin, n'était-ce pus d’une part la soustraire à toute possibilité de dispense pontificale et d’autre part attribuer aux évêques un pouvoir indépendant du pape en son origine, sinon en son exercice ? Sur la question, comme sur celle toute proche de l’origine de la juridiction, les prélats, suivant leurs tendances, se divisèrent. Français et Espagnols, plus méfiants de tout ce qui pouvait grandir le pouvoir pontifical aux dépens de leurs droits épiscopaux, dé feu dirent l’origine divine immédiate de la juridiction et le droit divin de la résidence. Les évêques plus attachés aux privilèges romains soutinrent l’origine médiate. mediante romano pontijice, du pouvoir de juridiction et l’obligation purement canonique de résider, en tant du moins qu’elle se distingue du devoir proprement pastoral d’assurer le bien spirituel de son troupeau. Dans ses traités LXI-LXXIY. Salmeron, comme il l’avait fait au concile, prend franchement parti pour cette seconde opinion. On sait que le concile ne voulut rien décider.

Aujourd’hui même, bien que l’opinion de l’origine médiate semble avoir prévalu, un certain nombre de théologiens soutiennent que la juridiction de l'évêque est reçue in aclu primo directement de Dieu, le souverain pontife lui donnant l’acte second en déterminant les sujets sur lesquels elle devra s’exercer. Ainsi précisée, la doctrine de la juridiction immédiate pourrait bien n'être qu’une manière de formuler la loi constitutionnelle de l'Église qui, d’après la volonté irréformable de son Divin fondateur, comporte de toute nécessité un épiscopat pour régir, sous l’autorité et la direction du Pasteur suprême, les différentes portions du troupeau.

Les choses se présentaient moins clairement au temps du concile et les chapitres où Salmeron réfute les opinions adverses portent quelque trace de cette confusion. On parlait alors de pouvoir général de juridiction reçu de Dieu et de matière ou objet assigné par le pape ; ou de juridiction limitée mais non déterminée. On distinguait entre for externe et for interne, la juridiction provenant directement de Dieu pour celui-ci et par l’intermédiaire du souverain pontife pour celui-là. Les inconvénients de ces différentes positions sont