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SA LMERON (ALPHONSE]

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défense portée pour une première expédition apostolique et révoquée ensuite.

Ce que nous venons de dire de Salmeron théoricien s’applique assez bien à ses propres commentaires. Un certain litléralisnie d’interprétation l’emprisonne parfois. Dans le commentaire de la Cène, l’un des plus soignés sans doute de son œuvre u raison de l’hérésie protestante, cette servitude de la lettre l’entraîne à attribuer à une bénédiction préalable et distincte des paroles Hoc est corpus meum la vertu consécratrice. JésusChrist, après avoir changé le pain en son corps, l’aurait présenté aux apôtres par ces paroles qui n’ont sur ses lèvres qu’une valeur d’affirmation et non d’efficience, tandis que sur les lèvres du prêtre qui en refait le récit elles sont la forme opératrice du sacrement. I >e même, par respect un peu superstitieux de la lettre, met-il à la Cène entre les consécrations, chacune suivie de la communion, un intervalle qui paraît bien dédoubler le sacrifice.

Ce sont excès regrettables, qui, dans l’ensemble. n'ôtent pas sa valeur à cette exégèse toute proche du texte, d’une analyse un peu subtile mais si fouillée. Salmeron reste inférieur à Maldonal, venu après lui et qui a si largement profité de ses travaux : il supporte du moins la comparaison, et même après lecture de celui-ci on trouve à glaner chez son devancier. Même attachement au texte, nous l’avons dit ; même discussion serrée des fausses interprétations. L’abondance plus grande chez Salmeron traîne forcément quelques scories, textes apocryphes de Pères, çà et là un argument plus subtil que solide. Mais on demeure étonné du matériel mis en œuvre, du sérieux et de la pénétration avec laquelle est poussée l'élude du texte. La décision, la hardiesse parfois, distingue Maldonat : il prend parti sans ménagements : ego quidem omnibus niribiis contendo — persuadere mihi non possum — mugis probo srnlenliam. Moins personnel, Salmeron, après s'être fait rapporteur, laisse juge le lecteur ou n’indique qu’en hésitant sa préférence. Il n’ouvre pas de voies nouvelles, préférant une exégèse un peu dure, à des positions tant soit peu aventureuses.

2° Le théologien. Rôle nu concile de Trente. — Le pape Paul III avait demandé à saint Ignace deux ou trois de ses Pères pour assister au concile en qualité de théologiens pontificaux. Saint Ignace désigna Lainez et Salmeron. Le même rôle devait être de nouveau confié à Salmeron, à la reprise du concile sous Jules III en 1551, puis sous Pic IV en 1562. Les deux Pères arrivèrent à Trente le 18 mai 1546, au moment où s’ouvraient les débats sur le péché originel. Sur l’ordre du légat, cardinal de Sainte-Croix, ils se mirent aussitôt à l'œuvre, pour recueillir et formuler les erreurs à condamner, et les autorités scripturaires et patristiques à leur opposer.

A ce double travail si important Salmeron apporta toute la vigueur de ses trente et un ans, son admirable connaissance de l'Écriture sainte, son érudition déjà grande et, suivant la remarque du 1'. Dudon (Gregoriunum. 1930, p. 11b), initiée par ses années de Sorbonne aux méthodes scientifiques qui commençaient à s’instaurer. Aux théologiens du pape revenait le privilège de parler les premiers ou tout au moins de choisir leur rang. Il fut entendu que Salmeron parlerait au début pour exposer les questions et que Lainez se réserverait pour conclure. Salmeron dul s’acquitter à la satisfaction générale de sa mission d'éclaireur, puisqu’elle lui fut renouvelée aux sessions successives du concile.

Pour juger de sou rôle et du crédit que le jeune théologien conquit peu à peu auprès de l’assemblée, nous avons mieux que les lettres pleines d’enthousiasme qu’il adressait de Trente a saint Ignace, les documents publiés par la GOrresgesellschaft.

Des appréciations tirées de correspondances privées témoignent de l’impression faite sur les évoques qui, librement, allaient l’entendre aux séances des théologiens ou aux prédications qu’il donnait parfois dans les églises. Cf. Concilium Triilenliniim, t. viii, p. 546, (il I, 722 : jugements desévêques de Zaræt de Modène. On lui pardonnait son abondance par égard pour sa science, et la franchise dans l’exposé de la vérité et la réfutation de l’erreur ne blessait pas de sa part.

Le projet, rédigé par lui en septembre 1546, Conc. Trid., t. xii. p. 660, trente-deux canons sur les principales erreurs louchant la justification, nous conserve un spécimen de son activité en ce genre. Les textes sont francs ; l’erreur est bien notée et un texte approprié, généralement bien choisi, appuie la condamnation. Tout paraît un peu sur le même plan ; mais c’est le défaut Inhérent à pareil travail.

Un document publié par le P. Alonso, S. J., dans son ouvrage El sncri/icio cucarislico, Madrid, 1920, p. 251272, et définitivement attribué à Salmeron par le P. Dudon (cf. Grcgorianum, 1930, p. 410-417), témoigne, à son tour de quelle documentation le travailleur savait munir ses collègues et éclairer les décisions des Pères. Il s’agit d’un recueil de soixante-deux textes patristiques sur le caractère sacrificiel de la dernière Cène et de la réalité du sacrifice qui y fut présentement offert par Xotre-Seigneur Jésus-Christ. Des copies de ce recueil circulèrent et furent utilisées par Torrès.

Enfin les Acta proprement dits, Conc. Trid., t. v, vin, ix, ont conservé les résumés des plus notables discours de Salmeron, ainsi que les amendements proposés par lui aux textes soumis aux théologiens. Le plus remarquable de ces discours est celui sur la justification (23 juin 1546, t. v, p. 265-272) ; il ouvrit les débats sous une forme un peu scolastiquc qui n’eût pas convenu à la rédaction définitive, mais s’imposait pour débrouiller la question. Il en constitue un très remarquable exposé. On remarquera que Salmeron identifie justice, au sens théologique, et charité. Ce n’est pas, semble-t-il, en passant et par approximation : une intervention dans la congrégation du 27 septembre en témoigne. Loc. cit., t. v, p. 437 avec la note.

Les t. vr et vu des Acta, encore à paraître, nous apporteront sans doute quelques fruits de l’activité de Salmeron en 1551. Recueillons aux t. vin et ix les interventions touchant l’usage du calice (20 juin 1562, t. viii, p. 537), le sacrifice de la messe (21 juillet, p. 722), le sacrement de l’ordre (23 septembre, t. ix, p. 7), le mariage (9 février 1563, p. 382).

Touchant la concession du calice aux laïcs, Salmeron, répondant au questionnaire proposé, s’en tient aux doctrines courantes depuis la controverse utraquiste et ne croit pas à l’opportunité de la concession du calice. L’exposé sur le sacrifice, tel que nous le livre le résume des Actes, est d’une grande plénitude. Nous savons du reste par ailleurs qu’il fut un des plus remarqués au concile. L’exposé touchant le sacrement de l’ordre a moins d’envergure. Signalons l’opinion suivant laquelle Notrc-Seigncur Jésus-Christ l’aurait conféré aux apôtres en trois temps : pouvoir de consacrer à la Cène, pouvoir d’absoudre au cénacle le soir de Pâques, épiscopat au jour de l’Ascension lorsqu’il les bénit avant de s'élever au ciel. Sur le mariage, Salmeron s’attarde un peu. note l' évoque de Zara, à rejeter la valeur probante de quelques textes insuffisants. Malgré quelques maladresses d’expression sur le lien matrimonial constitué par l’union des cœurs, sur le contrat qui n’est pas sacrement par lui-même, mais en tant que signe de la grâce, le fond do la doctrine semble à l’abri de reproche et en avance sur les doctrines de la Sorbonne ou de Cano. Les questions du ministre, de la valeur des mariages clandestins, du droit de l'Église