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    1. SAINTS (CULTE DES)##


SAINTS (CULTE DES). LES ADVERSAIRES

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point aux vivants qui combattent dans le monde pour le Christ. » Contra Valdenses, c. xvii, loc. cit., p. 1258. On catalogua ces dures paroles parmi leurs hérésies : « Ils disent, notait le carme Guy, que les saints n’entendent pas nos prières et ne prient pas pour nous, qu’il ne faut donc pas les invoquer. » De Valdensium hscresi, c. xvi, cité par Thomas Wa’den, tit.xii, c. cviu. Entre temps, les vaudois avaient, en effet, mis en syllogismes leurs déclamations : « Ils disent que Dieu seul doit être loué, honoré, invoqué et servi, que les saints ne prient pas pour nous à cause de la plénitude de leurs joies, que Dieu seul nous a rachetés et peut nous venir en aide ; quant aux saints, ils ont mérité pour eux-mêmes, non pour nous ; Dieu sait bien nos besoins lui-même et n’a pas besoin d'être ému par les prières des saints, qui d’ailleurs veulent tous ce que Dieu veut. Donc il ne faut pas invoquer les saints, mais Dieu tout seul. » Pilichdorsius, t. iv, c. xx et xxx, liibliolhcca Palrum, 1644, t. iv, 2 1 ' part., p. 790 et 799. Dans les mêmes errements, g’issa un certain Amaury, qui fut condamné au IVe concile du Latran de 1215 comme fou, plutôt que comme hérétique. Ci-dessus, col. 949. On pourrait sans doute trouver, tout au "long des derniers siècles du Moyen Age, un assez grand nombre d’opposants au eu ! te des saints, mais sans lien entre eux et sans doctrine bien définie, passant sans s’en apercevoir de la lutte contre les abus à des assertions malsonnantes et impies.

Pour Wiclefî et Jean Hus, la même incertitude continue à régner parmi les historiens de la pensée chrétienne de cette époque bouillonnante. Wicleff n'était pas très fixé sur le cas à faire de dévotions en fait bien différentes : « tantôt il maintient l’intercession et l’invocation des saints, et les approuve de son exemple, tantôt il les poursuit et les condamne ». Thomas Walden, Sacramentalia, tit.xii, c. cvn. En fait, il a parfois d’excellents conseils : « Il conviendrait de ne pas trop disserter des anges, puisque nous les adorons — illos adoramus — et que nous croyons qu’ils sont les plus dignes de toutes les créatures de Dieu », Wiclefî, I)ialof/i, i. II, c. ii, fol. 34 ; cf. un autre texte sur lesoraisons du sanctoral, cité parles frères Walemburg, De unitale Ecclesiæ, c. iii, n.9, p. 666, Cologne, 1070. D’autres fois, il fait des départs tout à fait insolites entre les saints « que Notre-Seigneur et l'Écriture ont canonisés et ceux qui restent douteux, pour lesquels videtur derelinquendum ambiguum ».

Jean Hus probablement ne serait plus à mettre au rang des adversaires déclarés. On l’a soupçonné sans doute de tiédeur envers les reliques et les saintes images, et la bulle de Martin V qui condamne ses erreurs ordonne d’interroger tout suspect utrum credut et nsscral licitum esse sanctorum reliquias et imagines a Christi ftdelibus venerari, interr. xxix, Denz.-Bannw., n. 679 ; certainement beaucoup de ses adeptes et les réformés de Bohême eurent des paroles malsonnantes à l’endroit des pèlerinages et autres marques de dévotion, mais ils maintenaient les fêles et les « liants, Confess. Bohem., art. xvii, dans E.-F. Karl Millier, Die Bekenntnisschriften der reformierten Kirche, p. 491 sq. Sur le point précis de l’invocation des saints et du culte d’honneur à leur rendre, rien n’obligeait Jean Hus a être aussi exprès qu’il le fut dans son livre. De adoraliom : « .le prie pour mes accusateurs la Vierge très chaste, mère du Sauveur, réparatrice du genre humain… »

2° Les réformateurs. On a de quoi s'étonner de voir les hésitations de Luther au sujet des saints. Cassander

et Canisius ont relevé bien des passages de ses commentaires et manifestes OÙ il semble en approuver le culte. Cf. Trombelli, De cultu sanctorum, t. i. p. 65. De fait, parmi les 41 thèses de Luther condamnées par la bulle Exsurge Domine (15 juin 1520), aucune ne Vise

l’invocation des saints et la 17e concernant les indulgences, semble supposer l’intercession des saints : Thesauri Ecctesiie, unde papa dat indulgentias, non sunt mérita Christi et sanctorum. Denz., n. 758. Mais, entre 1524 et 1544, Hoogstraten, Eck, Coch'ée, Faber, Canisius, etc., signalent que les adeptes du mouvement, en Allemagne, en France, faisaient déjà des ravages dans les églises et les usages, ce contre quoi protestait Clichtove, De veneralione sanctorum, 1523. Dans la confession d’Augsbourg (1530) approuvée par Luther, Mélanchthon édictait : « Article xxi : Ils enseignent, touchant le culte des saints, que le souvenir des saints peut être proposé", pour qu’on imite leur foi et, selon sa vocation, leurs bonnes œuvres… Mais l'Écriture n’enseigne pas d’invoquer les saints, ni de demander leur secours, parce qu’elle nous propose le seul Christ pour médiateur, propitiatcur, pontife et intercesseur. » J.-T. Millier, Die symbolischen Bûcher der eu. -luth. Kirche, 11e édit., 1912, p. 47. Cette négation venait donc du mépris de la tradition ecclésiastique et apostolique. Le concile de Sens de 1528 avait frappé à faux quand il renvoyait les protestants à saint Grégoire et au raisonnement, can. 13 et 14. Mais Eck était plus à leur portée quand il stigmatisait le rôle odieux donné aux saints : « S’ils ne prient pas pour nous, comme les vivants, c’est indigne d’eux. » Enchiridion controvers., c. xiv. De ces attaques et d’une étude plus calme de l'Écriture, l’Apologie de ta Confession d' Augsbourg (1530) en arriva à ce moyen terme : « Nous accordons encore ceci, que les anges prient pour nous. Pour les saints, nous concédons que, de même que les vivants prient pour l'Église en général, ainsi au ciel ils prient pour l'Église en général. Mais comme les saints prient beaucoup pour l'Église, il ne s’ensuit pas qu’il faille les invoquer. » Apologia, ad art. xxi, c. 3, loc. cit., p. 224. Tout se passait comme si les religionnaires n’en voulaient pas aux saints, mais aux prières qu’on leur adressait, c’est-à-dire au fond aux abus du culte des saints. En Suisse, Zwingle fit admettre, à la dispute de Berne de 1528, un article 6 : « Le Christ seul étant mort pour nous, est aussi l’unique médiateur qu’on doive invoquer », à l’exclusion de tout autre intercesseur. Zwingle, Werke, t. ii, Zurich, 1830, p. 77. Eck fit plusieurs remarques sur les considérants exégétiques dont il appuyait cette thèse ; mais il n’eut aucun succès. Hefele-Leclercq, Histoire des conciles, t. viii, p. 1099. Ce furent Luther et Mélanchthon qui obtinrent du réformateur suisse un peu plus de modération. Cf. Confessio heh’etica prior, n. 5 ; posterior, n. 5, dans E.-F. Karl Millier, Die Bekenntnisschriften der reformierten Kirche, p. 101, 175.

En France et aux Pays-Bas, Calvin enseignait que « tout ce que les hommes ont imaginé sur l’intercession des saints morts, n’est rien que fraude et tromperies de Satan pour détourner les hommes de la vraie forme de la prière ». Confessio gallicana, art. 24, ibid., p. 227. On peut croire, en effet, que beaucoup de protestants, parmi les meilleurs, avaient souci de sauvegarder la prière chrétienne ; mais ils auraient dû s’associer à l’effort de réforme des abus que le concile de Trente et le pape avaient entrepris. Calvin était encore détourné d’admettre l’invocation des saints parce qu’il ne concevait pas comment les prières peuvent leur être connues ; c’est aussi le fondement de la répugnance de Vossius pour ce culte.

Grotius répondait que cela était aisé à admettre : i Les prophètes, tandis qu’ils étaient sur la terre, ont connu ce qui se passait dans les lieux où ils n'étaient pas… Les anges sont présents à nos assemblées et s’emploient pour rendre nos prières agréables à Dieu : c’est ainsi que, non seulement les chrétiens, mais aussi les juifs, l’ont cru dans tous les temps. Après ces