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SAINTS (CULTE DES). AU M. — LA DOCTRINE


Sauvez-nous, Dieu tout-puissant, par les mérites de Marie, Mère de Dieu et de tous les saints ». Loc. cit., col. 598. Sa condescendance se scandalise pourtant de pratiques nettement superstitieuses : « Certains disent que chaque lundi l’archange Michel célèbre la messe. Quelle aveugle folie ! Où sont, au paradis, nos jours et nos semaines ? Qu’est-ce que la bouche d’un ange et où a-t-il son missel ? » Col. 708-711. Réflexions bien puériles, qui voudraient être plaisantes ! N’empêche que ce sermon, ou plutôt ce mandement de carême, fit scandale dans son milieu et qu’un de ses contemporains crut devoir en prendre la défense dans une apologie : « Rathier n’a pas dit que celui-là faisait mal, qui entend la messe de saint Michel, mais il a dit que c’est mensonge de dire qu’il vaut mieux le faire le lundi qu’un autre jour. » Loc. cit., col. 713.

Saint Pierre Damien aime à comparer les saints entre eux et à justifier les préférences de ses auditeurs en montrant que celui dont U parle est bien le plus grand du paradis. « Jean-Raptiste, révérence gardée pour le Rédempteur, a reçu une annonciation plus glorieuse que le Christ lui-même », P. L., t. cxliv, col. 627, et, pour dix raisons, il est à mettre au-dessus de tous ; « l'église de l'évêque de Rome, empourprée du sang de Pierre et de Paul, est dédiée à saint Jean-Raptiste, » col. 637. « Saint Jean l'Évangéliste ne fut-il pas l’avocat des autres apôtres » à la Cène ? Col. 865. Saint Georges, son nom l’indique est le céleste agriculteur, col. 570, et saint Christophe, faute de mieux, est transfiguré en Séon l’Amorrhéen. Col. 682. Mais, cette concession faite à l’imagination des gens, il établit théologiquement la dignité des saints et nos devoirs à leur endroit. « Qu’est-ce qu’ils ne peuvent pas, eux qui sont un avec celui qui préside à l’univers ? Vers cette sublimité, hâtez-vous chaque jour par les vertus des saints… » P. L., t. cxliv, col. 534. « Ils sont nos avocats près du Juge : ceux pour qui ils intercèdent n’ont pas à craindre la sentence capitale. Recourons à leurs suffrages ; et n’en soyons pas détournés parl'énormité de nos péchés : leur bonté est plus grande encore ! » Loc. cit., col. 815. En quels termes ne célèbre-t-il pas la puissance de Marie : « Rien ne t’est impossible, à toi qui peux ramener les désespérés à l’espérance de la béatitude. Comment la puissance divine pourrait-elle faire échec à la tienne, puisque Jésus a pris naissance de ta chair ? Tu approches de cet autel d’or de la réconciliation humaine, non seulement en priant, mais en commandant, en maîtresse, non en servante », Serm., xliv, De nativitale b. Virginis, loc. cit., col. 710. Saint Anselme dira la même chose de tous les saints : « Les bienheureux seront tout-puissants de leur volonté, tout comme Dieu de la sienne. » Proslogion, c. xxv, P. L., t. clviii, col. 240 C. Toutes ces affirmations, qui sont autre chose que de la rhétorique, mais ne sont pas assez précises, devront être expliquées par les théologiens du xiiie siècle. À celle de saint Anselme, saint Ronaventure répondra catégoriquement : « Les saints peuvent tout ce qu’ils veulent : cela peut s’entendre de deux façons : Je veux faire cela, ou je veux qu’un autre fasse cela. Quand saint Anselme dit que les saints sont tout-puissants, cela s’entend vis-à-vis de leur acte propre, la prière (?) ; mais la prière, la demande de notre salut, se contente de demander à Dieu de sauver et cela dépend de Dieu. » In /Vum Sent., dist. XLV, art. 3, q. i, ad lum, éd. Vives, t. vi, p. 519. En réalité, Anselme disait seulement que les saints n’ont que des désirs conformes à la volonté de Dieu et ne demandent dans leurs prières que ce que Dieu veut donner. Il célébrait d’ailleurs la charité qui préside à l’intervention des saints : « Si tu aimes un autre comme toi-même et qu'à cet autre soit dévolu le même bonheur qu'à toi-même, alors tu es doublement heureux, car tu te réjouiras autant de son bonheur que

du tien propre. Et plus grand est le nombre de ceux que tu aimes de telle façon, plus se multiplie ton bonheur. Ainsi, dans cet amour parfait où se complaît la foule des anges et des élus, chacun se réjouira du bonheur de l’autre comme si c'était le sien propre. » Proslogion, loc. cit. C’est bien la meilleure idée que la piété chrétienne puisse se faire des saints du ciel, qui sont tout le contraire des oisifs, des égoïstes ou (les simples distributeurs de faveurs qu’on veut y voir parfois.

Parmi les fervents du culte des saints, en pays rhénans, il faut mentionner Théofrov, abbé d’Epternach († 1110). Dans son livre qu’il intitula : Florum epitaphii sanctorum (P. L., t. clvii, col. 297-404), il donne comme point de départ de sa dévotion la vision de son prédécesseur Reginbert, qui aboutit à l’institution à Epternach, d’une fête des saintes reliques au 17 novembre 1059. Il parle surtout des reliques, dont il décrit les miracles les plus connus, d’après les actes de saint Etienne, de saint Nicolas, etc. : « La chair des saints non olet, sed redolet, non aereni in.fi.cit, sed paradisiaci odoris suavitate nares et pectora fidelium afficit. Loc. cit., col. 328. Quant aux âmes mêmes des saints, il en célèbre la gloire sur le mode lyrique. On y découvre bien quelque exagération et le parallélisme que l’auteur institue à divers endroits entre l’action des saints et celle des sacrements, cf. loc. cit., col. 332, 368, est vraiment insoutenable.

Geoffroy, abbé de Vendôme († 1132), théologien et canoniste, a déjà toute la ferveur du xue siècle français pour les saintes patronnes de son pays. Mais il garde la dévotion des moines pour les martyrs de Rome et les vieux saints du calendrier liturgique. Epist., l. I, vii, P. L., t. clvii, col. 43. L’auteur admet les légendes des saints, celle du martyre de saint Paul, comme celle du voyage de sainte Madeleine. Mais de quel accent ne parle-t-il pas de la conversion de celle-ci ! Loc. cit., col.273 : « Madeleine, elle connaît l’humaine faiblesse et prie pour nous incessamment la bonté divine. Implorons-la tout spécialement, après Notre-Seigneur et sa très sainte Mère, l’admirable et incomparable Vierge. »

Le nom de Marie appelle celui de saint Bernard, pour clore cette revue des théologiens du Moyen Age. Ce dernier excelle à résumer le culte des saints sous trois chefs : « Il y a une triple utilité d’en parler : 1° connaissant mieux la récompense des saints, nous serons plus soigneux de suivre leurs traces ; 2° d’un désir plus fervent, nous soupirerons après leur communion ; 3° nous aurons soin de mettre une dévotion plus agissante à nous recommander à leur intercession.. La solennité de notre culte nous commande une imitation fidèle ; leur béatitude nous engage à désirer le ciel ; leurs panégyriques nous portent à chercher leur protection… Leur intercession aide notre faiblesse, la pensée de leur bonheur excite notre négligence ; leurs exemples intruisent notre ignorance. » Serm. n in jesto omnium sanctorum, P. L., t. clxxxiii, col. 462. On sait que c’est dans ce sermon et les deux suivants que saint Bernard a donné « son sentiment personnel » sur la béatitude des saints avant la résurrection. Cf. art. Benoit XII et Bernard (Saint), t. ii, col. 690 et 782.

Au premier examen de ses œuvres didactiques et oratoires, on voit bien que cette restriction apparente à la béatitude des saints durant la vie de l'Église, n’empêche point Bernard de croire avec tous les chrétiens aux prières des bienheureux. L’attention même particulière à nos besoins pourrait entrer dans ces paisibles retours sur la vie terrestre qui les occupent encore, dit-il, avant la résurrection de leurs corps. Serm. in in jesto omnium sanctor., n. 3, ibid., col. 470. D’une façon générale, ils sont nos frères et « connaissent nos détresses ». Mais connaissent-ils « plus spécialement »