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SAINTS CULTE DES). Al M. A.. LA DOCTRINE


passer de tel tombeau à tel hospice et à telle fête populaire, pour le clergé surtout dont le missel endiguait les imaginations. Pourtant bien des points du culte restaient encore libres. Mais la diminution du sens chrétien amena l'Église à légiférer sur la matière.

La première réglementation officielle devait concerner précisément le droit aux honneurs des saints, la canonisation. Sur les origines et les modalités successives de l’usage, voir l’art. Canonisation', t. 11, col. 1626 sq. Citons ici le premier décret solennel, celui du concile romain de 993 pour saint Ulrich d’Augsbourg, mort en 973. Communi consilio decreoimus memoriam illius… affecta piissimo, devotione fldelissima venerandam : quoniam sic adoranws et culimus reliquias marturum et confessoram ut eum cujus martyres suntadoremus ; honoramus servos al honor redundet in dominant, qui dixit : Qui vos recipit me recipit. Ac proinde nos, qui fiduciam nostrse justifias non hubemus. illorum precibus et meritis apud clementissimum Deum jugiter adjuvemur. Mansi, C.oncil., t. xix. col. 179. Dans ces considérants du décret, on voit combien le culte des saints était lié au culte de leurs reliques. La nature du culte est expliquée par une citation exacte de la lettre de Jérôme à Riparius : mais on ne saurait dire si celui-ci aurait laissé passer l’expression : adoramus et colimus reliquias, même avec la précision qui suit. L’intercession des saints est exposée au moyen d’une oraison du missel romain. Le dispositif du décret de canonisation dans une langue embarrassée, donne comme motif de cette déclaration assez insolite « le désir de toutes les Églises et l’administration du Siège apostolique : quia divina saluberrima prsecepta, et sanctorum canonum ac venerabilium Patrum instabanl e/fîcaciler documenta, omnium ecclesiarum pio considendionis inluilu, immo aposlolici moderaminis anisu, ulililatum commodilatem atque firmitatis pérficere integrilalem, quatenus memoria l’dalrici… divino eultui dicata exsistat… Texte dans Denz.-Bannw., n. 342.

Se bornant à stigmatiser l’esprit d’hérésie ( De lucres., c. n) et le défaut de mission en quelques prédicateurs, qui sont les vaudois, mais qu’il ne nomme pas, le IVe concile du Latran (1215) condamne en bloc les erreurs d’un certain Amaury, natif de Chartres, qui avait fait des adeptes forcenés à Paris niais se convertit lui-même et mourut de chagrin : Nous réprouvons et condamnons renseignement pervers ri’Amaury… dont la doctrine ne doit pas être taxée tellement d’hérésie, mais plutôt de démence. Denz.-Bannw., n. 133. Or quand on cherche le précis de ces erreurs rians les auteurs contemporains, on ne sait si, pour le culte des saints, Amaury aurait vraiment prétendu « qu’il ne faut pas encenser les autels dédiés aux saints et leurs images, et que les invocations des saints sont une idolâtrie », comme le note Dupréau. ou s’il s'élevait simplement, comme le pense Saucier, contre l’usage île l’encens. Mansi, Concilia, t. xxii, col. 1080 CD.

La plupart des décisions conciliaires riu Moyen Age visent des excès et superstitions dans le culte : ainsi le canon 17 du concile d’Avignon de 1209 prescrit : « Aux vigiles des fêtes des saints, on ne tolérera rians les églises ni danses théâtrales — hislrionicw, et non historicæ — ni des courses ou des jeux déplacés, ni des chansons erotiques. » Mansi, t. xxii, col. 7K4. I.e IVe concile du Latran (1215) réglemente l’exposition des reliques anciennes, et soumet la vénération des nouvelles à l’approbation riu pape, puis s'élève contre « les prélats qui permettent qu’on trompe les pèlerins par des documents vains ou faux, comme on est accoutumé de le faire en bien des endroits pour y trouver une occasion de lucre ». Plus loin, « les discours des quêteurs, nonnullas abusiones mentiendo, » pourraient bien concerner aussi certains panégyriques légendaires. Can. 61, toc. cit., col. 1050. Du moins le synode

de Mayence de 1233 parle de collecteurs d’aumônes qui prêchent dans les églises et exhibent des reliques ». Can. 30, dans Hefele, Hist. des conciles, t. v, p. 1549.

II. la DOCTRIlfB.

Le document le plus éloquent et le plus complet est sans cloute celui quel'Église romaine fait lire au bréviaire, durant l’octave de la fête de la Toussaint : il reste attribué à Bède et il était présenté jadis sous le nom de saint Augustin : les citations de l’un et l’autre docteurs y sont en effet fréquentes. Mais c’est en réalité un centon de l'époque carolingienne. /'. 7… t. xerv, col. 150-453. Cette homélie célèbre les mérites et la gloire des saints de divers ordres : elle engage à les suivre au ciel, à les imiter, mais ne parle pas de les invoquer. Une autre pièce. qu’on a prêtée aussi à Bède. répare cet oubli, l.oc. cit., col. 155. Au reste, en prêtant ces homélies au vénérable Bède, on prêtait à un riche ; cf. In Cantica, t. III, P. L., t. xci, col. 1 112 : Envolons-nous dans le trou riu rocher d’un vol rapide, c’est-à-dire cherchons les fréquentes intercessions des anges et des saints pour nous, près de la miséricorde de notre doux Créateur. Et ce mouvement n’est pas furtif : dans-ses expositions, le sens anagogique fait vivre Bède avec les saints. Agobarri le citera en faveur riu culte des images, et il l’aurait trouvé à toutes les avenues de la dévotion nouvelle : martyrologes, Nies de saints, translations rie reliques, offices liturgiques. Pourtant sa situation et ses goûts ne lui donnèrent qu’une influence théorique. I. 'Anglo-Saxon qui fut le véritable apôtre riu culte nouveau sur le continent, ce fut Alcuin, l’homme rie confiance de Charleiuagnc. Moins soucieux que Bède et que saint Grégoire des formes traditionnelles, il fait passer son enthousiasme rians de petits livres de dévotion privée, dont nous avons parlé plus haut et dont on ne saurait exagérer l’influence. Il prêche d’exemple : dévot de saint Martin, il conseille à ses amis, « si l’occasion s’en présente, le pèlerinage au tombeau rie l’apôtre des Gaules, non inane iler, pour recommander leur vie a ses saintes prières. Epist., r.vin, /'. L., t. c, col. 327. Il signale bien chez quelques-uns un doute qu’ils tiennent secret : est ce que les âmes des saints apôtres et martyrs et (les au1 res saints sont reçues dans le royaume du ciel avant le jour riu jugement ? Mais ce sont là de ces menus traits qui sortent, à mon sens, rie carquois perfides, et qui servent à certaines gens pour essayer de blesser l’unité « le l'Église sainte et catholique. Epist., cxiii, col. 3 12. Ces gens niaient ils pour cela l’invocation des saints ? Alcuin ne le (lit pas : mais il soupçonne, al ou dit, les Espagnols (le cette nouvelle hérésie ; nous verrons les soupçons se confirmer au sujet d’un évêque goth, Claude de Turin. Mais il peut faire allusion à des compilateurs comme Haymon de 1 lalberstadt qui, dans son.De varietale librorum, avait admis quelques textes peu clairs de Prosper d’Aquitaine et de saint Grégoire.

Mais, sauf ces exceptions, qui sont elles-mêmes contestables, on ne peut guère au Moyen Age soup çonner d’opposants. Tous les docteurs sont fidèles au culte des saints. Ce qu’on peut remarquer tout au plus, c’est que, au IXe siècle, plusieurs mettent encore une certaine circonspection à approuver les manifestations qui s’accentuent, tandis qu’aux siècles suivants les prédicateurs se montrent plus enthousiastes. Ainsi nous suivrons le développement de la doctrine au Moyen Age sous ces trois rubriques : les modérés, les fervents, les défenseurs.

Les modérés.

Le courant nouveau ne trouva pas

que des partisans dans l’Empire carolingien. La querelle des images, en particulier amena plusieurs de ces évêques à marquer leur position, même sur la question plus générale du culte et de l’invocation des saints.

Agobard de Lyon était un esprit conservateur : il devait donc se défier du culte des images et en même