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941 SAINTS (CULTE DES). Al M. A.. POPULARITÉ DU CULTE 942

sacrifice faisait face au Christ portant sa croix. » Loc. cit., p. 966.

Cependant ces usages durent étonner les évêques francs : la réaction du concile de Paris de 825 en fut la conséquence, et la prohibition des images dans les églises du continent dura jusqu’au xie siècle. Voir l’art. Images (Culte des). Au début de la renaissance architecturale et, on peut dire, durant tout l'âge roman, la statuaire retrouvée se subordonne entièrement à l’architecture : telles les dix-neuf statues de patriarches de la façade romane de Chartres. À n’en pas douter, les saints ne sont là que pour monter la garde devant le temple de Dieu. À l'époque gothique, au xive siècle surtout, avec une liberté plus épanouie, les statues de saints s’adaptent encore partout aux formes de l'église, en accentuent l’expression de prière, et les vitraux historiés communiquent l'étincelle de la vie jusqu’aux parties hautes de l'édifice presque inaccessibles aux regards. Mais il ne viendra à la pensée de personne que ces figures des saints patrons fussent ainsi placées pour réclamer des hommages : elles ne faisaient que reposer l'œil et orner la demeure de l'Éternel. D’ailleurs, on devrait le remarquer, aucune statue de saints au-dessus de l’autel ou même près de l’autel : c’est la place du crucifix. Ce n’est guère qu’aux XIVe et xve siècles que les cathédrales élargiront leurs flancs ou se créeront des annexes de plus en plus spacieuses pour donner asile aux statues et chapelles de Notre-Dame et des saints. Saint Michel protégera Je porche et le clocher contre la foudre, et Marie trônera au xive siècle dans la chapelle absidale.

3. Les translations.

Ces prises de possession se faisaient souvent sans transfert de reliques ; une décision épiscopale établissait le patron. Pourtant celui-ci se déplaçait parfois : la dévotion des clercs, les rapports fréquents des évêques et de Charlemagne avec Rome, furent l’occasion de nombreuses translations de corps saints. Cf. Éginhard, Hist. translat. S. Marcellini, P. L., t. ex, col. 527-593. Les invasions normandes en occasionnèrent d’autres. Mabillon reporte à ce ix p siècle le nouveau mode de traiter les reliques qu’on a appelé l'élévation. Au viie et au vin c siècle, en effet, les chroniques spécifient bien qu’on plaçait les ossements dans un tombeau neuf à fleur de terre : depositum est in fossam sibi præparatam…, dit-on de saint Germain de Paris. Mais, au siècle suivant, « l.othaire prit l’urne du sépulcre de saint Aniand de sous terre, où on l’avait posée (au viie siècle, lors d’une première translation) et la plaça en hauteur, de sorte qu’on pouvait en voir le fond et allumer des cierges audessous ». Cf. Walafrid Strabon, De miraculis S. Galli, c. ii, P. L., t. exiv, col. 10(18. Mabillon prétend, il est vrai, que « durant tout le ix c siècle, la plupart des corps saints reposaient encore sous la terre, et qu’on trouve des exemples de ces tumulations jusqu’au xie siècle ». Cependant il ne faut pas oublier qu’on parle de reliquaires d’or et d’argent dès le temps de Louis le Pieux. Cf. Paschase Radbert cité plus loin, Mabillon, Ad. sanct. O. S. H., t. ii, préf., p. xxv-xxvi. En somme, ce siècle de Charlemagne, qui fut une renaissance à tant de points de vue, fit aussi une révolution dans le culte des reliques, abandonnant toutes les sages réserves du passé romain.

Popularité du culte.

Ces saints migrateurs et

conquérants devaient avoir leurs historiens. Une simple mention au martyrologe d’Adon ou d’Usuard ne suffisait pas. Il fallait pouvoir lire la vie du saint, entendre prêcher ses vertus, vivre enfin quotidiennement avec lui. Ainsi les manifestations littéraires du culte populaire furent les vies de saints et les panégyriques ; les manifestations vivantes furent très variées.

1. Les Vies de saints.

- Faites pour célébrer un patron, très souvent un saint des origines de l'Église,

elles brodaient généreusement surl’histoire et prenaient des libertés avec la géographie. Le mal datait de loin et il avait jadis trouvé quelques résistances. Grégoire de Tours raconte les déboires de ce clerc de l’oratoire dédié à un saint Patrocle, martyrisé à Troyes, qui, pour faire venir les gens, s'était procuré des Actes de son martyr et les présenta tout heureux à son évêque. Il en fut pour sa courte honte. De yloria martyrum, 1. Le. lxiv, P. L.. t. lxxi, col. 7(i.'i. L'évêque de Troyes n’en fut pas moins contraint d’accepter plus tard cette Vie revenue d’Italie. Mais, au ixe siècle, les chefs d'Églises étaient bien gagnés a la cause des Vitse sanctorum. Depuis un siècle au moins, les Passions des apôtres et des martyrs se conservent et se chantent, comme tout le monde le sait », dans les églises d’Occident. Hilduin, Hpist. ad Ludov. pium, P. L., t. evi, col. 17. Hilduin défendait, hélas, ses Actes de saint Denis l’Aréopagite. Mais il y en avait d’autres qui méritaient considération. Non content d’avoir lancé la mode des martyrologes historiques, Bède avait écrit la Vie de plusieurs moines anglais : Jonas de Bobbio avait fait revivre les grandes figures des fondateurs de Luxeuil ; Flodoard consacrera aux martyrs un poème en dixiieuf livres : Paul Diacre s'était adonné aux Actes des saints d’Italie et de MetI. Alcuin († 804), à ceux de Belgique. Avec ce dernier, nous sommes déjà arrivés à la pléiade des hagiographes de l'époque carolingienne. Alcuin demandait des documents qu’il se contentait de remanier. Cf. Yita S. Richarii, P. L., t. ci, col. 682. Assez souvent les documents existaient encore, et même les récits ; mais ils ne répondaient plus aux exigences des lettrés. Il fallait retoucher le style barbare et la présentation misérable. Voir les principes exposés à ce sujet par Paschase Radbert. Passio S. Ru fini, P. L., t. cxx, col. 1190-1191.

Portées sur ce terrain, les anciennes Nies devaient succomber et disparaître devant des compositions dont la tenue littéraire ne compensait pas le caractère factice ; car les Normands ravagèrent pendant une centaine d’années les églises et les abbayes, et incendièrent les bibliothèques. Nous avons dit comment Paschase Radbert s’en consolait : il avait entrepris une espèce d’anthologie des saints de la Neustrie, Itistoire littéraire, t. vi, p. 27 1 : bien plus, pour fournir à ses contemporains une vie et un éloge de Marie, qui fussent au diapason de leur piété, il n’hésita pas à mettre sous le nom de saint Jérôme son délicieux sermon Cogilismt, et à adapter V Évangile de la nativité de Marie. Cf. dom Lambot, Revue bénédictine, 1934, p. 235. Il faut lui adjoindre Hucbald (| 8t0) qui composa les vies des saints et des saintes de Belgique ; Anastase le Bibliothécaire, qui traduisit les légendes des saints grecs : Raban Maur qui accueillit dans son martyrologe les légendes de sainte Madeleine et de sainte Catherine, etc. Tous ces auteurs cherchent l'élégance ; un peu plus tard, Théofroy d’Epternach († 1110) arrive, à grand renfort d’héllénismes, à se faire prendre pour un auteur grec par le grave Cellier. « La masse des légendes du Xe et du xre siècle est en une sorte de poésie rimée que l’on accommodait aux récitatifs du chœur. » Uom Pitra, Études sur la collection des Actes des saints, p. lxxxvii. Le même auteur, pourtant très indulgent, avoue que « pour rendre aux peuples une légende avec le corps d’un saint patron, il fallut s’en tenir quelquefois aux souvenirs des vieillards (1). Ces vieillards avaient connu d’autres fiertés de patron. Il en résulta des légendes mixtes, où les noms, les lieux, les époques se confondent dans un fourré inextricable ». Loc. cit.

Jusque-là les auteurs n’entreprenaient que quelques biographies de leur choix. Wolfhard, moine de Uerrieden, au diocèse d’Eichstàdt avait cependant rédigé la première Année chrétienne connue ; et, au xiie siècle (cf. P. L., t. cxxix, col. 893 sq.), beaucoup île grands