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SAINTS CULTE DES). MANIFESTATIONS DIVERSES


Arrivés à ce stade dp célébrité — qui fut acquis par chaque personnage à des dates diverses on procéda, non plus par prêt à petite distance ou par échange de martyrs entre métropoles, mais par un sentiment de catholicité : « Les gloires de chaque Église deviennent le bien et l’honneur de toutes. » En même temps, le culte de ces saints d’exportation universelle, continue de se disséminer, dans son lieu d’origine, en de multiples sanctuaires de la même ville. Si l’on voulait pousser à l’extrême ces différences, il faudrait distinguer : des extensions régionales par prêts de reliques ou d’anniversaires, des cas de diffusion universelle pour certains d’entre eux, la multiplication locale des églises mises sous le même vocable.

a) De la dissémination d’un culte par voie d'échange entre métropoles, nous avons des exemples certains dans la Lepositio marlyrum romaine de 354 et dans le calendrier des environs de 500 de l'Église de Carthage, publié par Mabillon. Rome accueille, le 7 mars, les grandes martyres africaines, Perpétue et Félicité, et le 14 septembre, I'évêque Cyprien de Carthage. De son côté, Carthage adopte plusieurs anniversaires romains : le 29 juin, les apôtres Pierre et Paul ; le fi août, le pape Sixte ; le 10 août, le diacre Laurent ; le 13, saint Hippolyte. Elle ne s’arrête pas là : au 19 juin, elle place les saints milanais Gervais et Protais ; au 16 septembre, sainte Euphémie de Chalcédoine, qui avait fait parler d’elle lors du concile de 451, etc. Autant de saints que l’Afrique ne connaissait que de renom, mais qu’elle honorait grandement et qu’elle entendait glorifier le même jour que les Églises-sœurs.

b) Il y avait d’ailleurs, parmi ceux-là, des saints dont les reliques étaient réputées perdues, comme saint Jean-Baptiste, saint Etienne, les patriarches et prophètes de la Bible, les apôtres surtout qui étaient morts en pays barbares : n'étant point localisé par un tombeau, leur culte avait plus de chance d'être adopté, sans craindre de faire des jaloux, par des Églises riches ou pauvres en martyrs. Saint Cyrille de Jérusalem, en 348, fait mémoire des uns et des autres à la messe ; Rome au v° siècle a sa basilique des XII Apôtres et le Sacramentaire léonien garde le souvenir omnium upo.stolorum sub una celebritale.

Dès la moitié du iv c siècle, en Cappadoce, on honore après Noël, saint Etienne, saint Jean, saint Pierre et saint Paul, saint Jacques, etc. Grégoire de Nysse, Oratio in Basilium, i, P. G., t. xlvi, col. 789. Ce sont ces grands noms qui parvinrent les premiers à un culte universel.

Joignons-y sans tarder celui de la vierge Marie. On ne peut plus dire avec Benoît XIV, De jestis, ii, 3, 17, que la première fête de la sainte Vierge soit d’origine apostolique, car les documents sur quoi il se fonde — des sermons attribués à Grégoire le Thaumaturge, ou à saint Athanase, ou à Anastase le Sinaïte — sont apocryphes. Cependant c’est avec les fêtes de la sainte Vierge en Orient et en Gaule au début du v c siècle, que l’on peut constater un culte universel. Il faudrait plutôt parler d’une fête unique et globale de Marie : « Il a existé, en Orient, antérieurement au concile d'Éphèsc, une fête de la sainte Vierge, souvent désignée sous le nom de « mémoire de sainte Marie », et ayant pour objet la maternité divine en général et spécialement la conception virginale ; cette fête a été très vraisemblablement l’unique fête mariale en Orient jusqu'à l'époque « le Justinien. » M. Jugie, dans Revue îles sciences phil. et théol., juillet 1925, p. 112. Celle qui se célébrait à Antioche aux environs de Noël remontait peut-être à la fin du iv< siècle : l’roclus y aurait fait allusion en 429, quand il parla devant Nestorius de « cette é6pTY) qui doit procurer secours à ceux qui y assistent ». Ortil., xi, P. (', ., t. i.xv, col. 679. La fête de Marie dans les Gaules, qui se faisait au mois

de janvier et d’ordinaire au 18, remonte aussi loin que nos missels gaulois, et peut-être jusqu'à saint Césaire d’Arles († 543). On a même essayé de prouver que la partie ancienne du Missel de Bobbio, qui présente en Avent une messe in sanctse Marias solemnilate, remonterait au commencement du ve siècle, avant le concile d'Éphèsc Dom Cagin, Paléographie musicale, t. v, p. 115, note. Du moins est-on sûr qu’en Espagne, on célébrait, au début du vie siècle, une fête de la Mère de Dieu ; le concile de Tolède de 656 ne fit qu’en fixer la date uniforme au 18 décembre. A Rome même, il y avait, dans la vieille église Maria anliqua, une station au 1 er janvier, destinée à faire pièce à la fête païenne du même jour ; elle pourrait remonter aux années qui virent l’agonie du paganisme. Grisar, Histoire de Rome et des papes, t. i, p. 204. On peut donc dire qu’au ve siècle, toutes les Églises conspiraient à fêter la vierge Marie.

Certains martyrs, particulièrement bien placés ou bien patronnés en arrivèrent à imposer leur culte presque partout. « Quelle est aujourd’hui la région, dit saint Augustin, quelle est la province — aussi loin que s'étend l’Empire romain, ou le nom chrétien — qui ne se réjouisse de célébrer la fête de saint Vincent ? » Serm., cclxxvi, 4, P. L., t. xxxviii, col. 1257. N’avait-il pas eu pour avocats saint Augustin, mais aussi saint Paulin de Noie (Carm., xix, 154), saint A vit de Vienne (Epist., lxxvi, et lxxix), Grégoire de Tours (Hist. Franc., III.xxix) et jusqu’aux chrétiens de la lointaine Dalmatie ? Cf. H. Delehaye, loc. cit., p. 418. Saint Cyprien de Carthage fut célébré, lui aussi, à Rome, à Constantinople et en Espagne. Loc. cit., p. 433. Saint Etienne premier martyr vit son culte s'étendre dans tout l’Occident, même en Orient, où il était oublié, par suite de l’invention de ses reliques. Loc. cit., p. 96 sq. et 215. « Peu de martyrs ont acquis plus rapidement que les saints guérisseurs Cosme et Damien une renommée universelle » ; ils avaient leur basilique à Cyr, la ville épiscopale de Théodoret (Epist., exiv, éd. Schulze, t. v, p. 787) ; mais ils eurent leur oratoire à Rome sous le pape Symmaque (498-514), puis en Cappadoce, en Pamphylie, à Jérusalem, à Édesse ; à Constantinople, ils ne possédèrent sous Justin (518-527) pas moins de quatre églises. Op. cit., p. 221.

Cependant, sauf pour Marie et les apôtres, qui avaient pour eux le véhicule des saints Évangiles, les autres cultes se heurtèrent — saint Augustin vient de l’avouer — à ce qui faisait aussi obstacle aux rapports faciles entre les Églises, aux frontières mêmes de l’Empire romain. Ainsi les martyrs de Perse et de Babylonie, ceux même des provinces orientales de l’empire d’Orient, ne furent jamais l’objet d’un culte à Rome, ou en Afrique, et le Martyrologe hiéronymien, qui les accueillit au début du ve siècle, était sur ce point l'œuvre d’un érudit. On n’essaya guère de connaître que les rares martyrs dont les restes furent alors transférés de Palestine et de Syrie jusqu’en Gaule.

3. En conséquence de ces migrations de culte, on constate dans les grandes métropoles, au ve et au VIe siècle, tout un essaim d'églises dédiées à tous les saints du monde chrétien. A Carthage déjà, saint Augustin connaissait trois sanctuaires en l’honneur de Cyprien l’un à l’endroit de son martyre, la mensa C y priant, l’autre à son tombeau, aux Mappalia, le dernier non loin du port, car l'évêque était cher aux marins qui l’invoquaient à l'équinoxe de septembre connue sous le nom de Ivj7rpi.avâ ». Op. cit., p. 133. A Constantinople, Procope cite dix-neuf basiliques élevées par.luslinien à (les saints étrangers à Byzancc. Procope, De BSdiflciis, i. 3-9 ; et il faut ajouter à sa liste, pour la fin du vr siècle, au moins une douzaine d’autres. La réunion de cet aréopage donna l’idée d’instituer une fêle commune de tous les martyrs ; la fête