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SAINTS (CULTE DES). LA LITl’HC.lK


jours des apôtres, que ce soit fête : car ils furent vos docteurs dans le Christ et ils vous ont donné le Saint-Esprit. Au jour d’Etienne, premier martyr, fête également, ainsi qu’aux jours des autres martyrs, qui ont préféré le Christ à leur propre vie. » C. xxxiii, 8, 9, dans Cabrol, Mon. liturg..t. i b, p. cxvi-cxvii. II prescrit de prier chaque jour o le Dieu des esprits », c. xxxviii, 1. et « le Dieu de tous les saints », c. XL, 3 ; il fait demander à Dieu de « conduire les âmes des défunts dans la région des saints », « d’envoyer au-devant d’elles des anges favorables et de les placer dans le sein des patriarches, des prophètes et de tous les apôtres qui lui ont plu depuis le commencement ». C. xli, 2, 5, loc. cit., p. exix. Mais il ne prie pas les saints eux-mêmes. Cet amalgame liturgique répond bien à l'état transitoire que nous imaginons dans la liturgie antiochienne du IVe siècle.

Il y avait, dans de pareils services liturgiques, des flottements dont la piété des fidèles s’accommodait peut-être, mais dont les évêques soucieux de faire concorder leur prière à la doctrine désormais fixée ne pouvaient souffrir l’incohérence. Ainsi Sérapion. évêque de Thmuis, rédigea vers 35< » un eachologe et en particulier une anaphore où la prière pour les saints est sans doute omise, mais tout autant l’invocation aux saints : reprenant après l’anamnèse, une commémoration analogue à celle des Constitutions, il ne parle plus que des défunts. Cf. H. Leclercq. Monumenta eccl. lilurgiea, t. i b, introd., p. cxxxviii. Autant le souvenir des anges est accentué chez Sérapion, autant celui des martyrs y est discret, s’il s’y trouve.

Les autres anaphores égyptiennes du ive siècle sont encore plus exubérantes pour les saints anges, loc. cit., p. clxix etccxxxiii sq., et Svainson, Greek liturgies, p. 48-49 ; mais elles font aussi une place d’honneur aux saints, qui sont nommés désormais à part des évêques et des empereurs. Bien que les liturgies usuelles de Syrie et d’Asie Mineure, et les liturgies byzantines de saint Basile et de saint Jean Chrysostome ne soient plus conservées dans leur texte primitif, on ne peut douter qu'à la fin du iv siècle, elles ne fissent déjà la commémoration séparée des saints et des saintes. Cyrille de Jérusalem rappelait que, dans la liturgie, on faisait mémoire « d’abord des patriarches, des prophètes, îles apôtres, des martyrs afin que 1 Heu par leurs prières et leurs bons offices accueille nos demandes ». Cat. myst., v, 9, P. (', ., t. xxxiv, col. 1110.

Bien d'étonnant qu’ayant ainsi donné son tribut d’hommages aux saints dans sa propre liturgie, saint Basile trouvât celle de Grégoire le Thaumaturge (j 270) « archaïque et inachevée : on n’a voulu rien ajouter, ni une pratique, ni une parole, ni un rite mystique à ceux qu’il avait laissés à son Église ». S. Basile. De Spiritu Sancto, c. xxiv, n. 74. Mais on était loin désormais de cette discrétion : une anaphore grecque du ve siècle se reconnaît à la complication progressive des énuméralions d’anges et de saints. Cf. l’anaphore de Timothée, Peinte bénédictine, 1936, p. 182. Si le culte des saints ne devient pas plus fervent, l’expression devient plus verbeuse, en respectant néanmoins la subordination des saints à Dieu.

Pour l’Occident, nous n’avons aucune anaphore de cette époque reculée ; mais on y trouve une autre manière d’honorer les saints. Saint Augustin est le témoin de la longue tradition africaine de nommer les martyrs à la messe : « Dans le sacrifice que nous offrons sur ces autels, leurs noms sont prononcés en leur lieu, comme étant ceux d’hommes de Dieu qui ont vaincu le monde en son nom. Mais ils ne sont pas invoqués par le prêtre qui offre le sacrifice (bien plutôt par le diacre qui lit les diptyques) ; car c’est à Dieu, non à eux qu’il l’offre ; il est prêtre de Dieu, non des martyrs. Quant au sacrifice, comme c’est le corps

même du Christ, il ne leur est point offert à eux, attendu qu’ils sont eux-mêmes ce corps. » De civitate Dei, t. XXII, c. x, P. L., t. xli, col. 704. Cette raison, qui n’est pas dans la liturgie, mais dans le système d’Augustin, devra être examinée bientôt. La liturgie romaine a aussi ses diptyques. Quelle que soit la place et donc le sens premier de ce mot communicantes, qui se rapporte peut-être — par de la le Mémento des vivants d’insertion plus récente — aux personnes nommées en core à la fin de notre prière Te igitur, il est évident que les saints martyrs sont les seuls par qui le (Union romain se soit laissé pénétrer : il leur offre notre vénération : Communicantes et memoriam vénérantes imprimis gloriosæ semper virginis Marin'… sed et bealuruni apostohorum ac marlyrum tuorum… Au vie siècle, une seule invocation ne suffira plus : c’est sans doute a cette époque que la liturgie accueillit notre seconde liste, celle qui suit le Nobis quoque peccaloribus, dont la série est beaucoup plus cosmopolite que la première et plus hétérogène, puisqu’elle admet les vierges martyres dont le formulaire est plus hiératique : eum tuis sanctis apostolis et martyribus, eum Joanne, Stephano, Matthia, Ilarnaba. Ignalio… Beaucoup de ces saints n’ayant pas même leur sanctuaire à Rome, on les a énumérés pour compléter la liste locale, qui semblait incomplète. Après le Pater, de même, saint Grégoire ajoutera le nom de son cher saint André a ceux des apôtres Lierre et Paul. Les liturgies gallicane, mozarabe et celtique axaient aussi, depuis le Ve siècle, leurs diptyques des saints martyrs et confesseurs, ceux-ci prenant une place jusque-là réservée à leurs aînés des persécutions.

Voici maintenant une autre marque de vénération moins austère : on chante les saints ; ou plutôt, n’anticipons pas. on chante Dieu en ses saints, niais dans les alentours de l’acte sacrificiel : a l’avant -messe, dès le IVe siècle, la scinda cantorum chante le graduel tiré des psaumes de David ; au siècle suivant, à tous le^ moments OÙ le sacrifice fait une pause, par suite des déplacements de l’assistance, à l’introït, a l’offertoire et à la communion, se (liante quelque antienne empruntée à la sainte Écriture. Ces innovations se développent du v au vie siècle. Au début, les chants de l’antiphonaire durent être peu variés et adressés exclu sivement à Dieu ; mais bientôt la gloire îles saints y trouva son écho : Te laudamus Domine… quem latulanl prophètes et aposloli, chantaient les Milanais ; en Sicile, c’est déjà un chant triomphal : Gaudeamus omnes (sainte Agathe) ; Dilexisti fustitiam (sainte Lucie), etc. On n’a peut-être jamais fait remarquer que les anciennes messes stationales du carême ne l’ont aucune allusion, dans leurs chants, aux saints dont on visite les églises ; au contraire, parmi les six messes ajoutées par le pape Grégoire [I (715-731), quatre au moins ont des chants en l’honneur des saints : saint Laurent, saints Côine et Damien. etc. De même, c’est une des messes complémentaires du Temporal, celle du samedi des Quatre-Temps de l’Avent, qui introduit dans l’antiphonaire la seule prière qui fût alors directement adressée à un saint : Ave Maria. Cette évolution des chants n’a rien que de très naturel, étant donnée l'évolution des idées : autrefois le sacramentaire léonien disait : Tibi Domine fesiiva solemnitas aqitur ; désormais on chante les saints triomphants, sans oublier le Dieu qui est en eux admirable.

A cette froide liste de noms et à ces chants presque impersonnels, on ajouta très vite, en certains pays, la lecture de leurs Actes au début de l’avant-messe : dès le ive siècle, on le faisait en Afrique (S. Augustin, Serm., xxxvii, n. 1 ; li, n. 2 ; cclxxvi, 1 ; cccxv, n. 1, etc.), en Orient et dans les pays danubiens. Au ve siècle, Rome adopta la même coutume (S. Léon, Serm., In Madiabœos, n. 1 ; in S. Laurentium ; S. Gré-