Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/464

Cette page n’a pas encore été corrigée
913
91
SAINTS CULTE DESU IMITATION


l’intérieur la clarté du Tout-Puissant, croyons-le bien, rien n’est en dehors pour eux, ils n’ignorent rien ! » Morulia in Job, t. XII, c. xiv et I. II, c. iii, P. L., t. lxxv, col. 995, 556 ; cf. Dialogorum, 1, IV, c. xxxiii, t. lxxvii, col. 373.

Saint Augustin, retournant cette question, qui lui tient à cœur, étudie ailleurs, non plus la connaissance, mais l’assistance des saints : si le fait en est incontestable, il avoue que le pourquoi et le comment en sont mystérieux. Il y voit bien une première raison providentielle : Dieu veut donner gain de cause à ses martyrs, qui ont donné leur vie pour aflirmer la vie éternelle. De civ. Dei, t. XXII, c. ix, P. L., t. xli, col. 770. Le processus nous est inconnu, soit ; mais le dogme de la vie éternelle en est confirmé et aussi celui de la communion des saints et de l’unité de Dieu : eos non deos esse nostros, sed unum Deum habere nobiscum. Loc. cit., c. x. Dès lors, il faut laisser à Dieu le choix des miracles qu’il opère par tel ou tel saint. A Noie et à Milan, il se fait des miracles. L’Afrique aussi n’est-elle pas remplie de tombeaux de martyrs ? Et cependant nulle part, à notre connaissance, il ne s’y passe de telles merveilles. Mais, comme le dit l’Apôtre, non omnes saneti habentdona curalionum, nec omnes habent judicationem spirituum ; ainsi Dieu n’a pas voulu que les miracles se produisent à toutes les mémorise des saints : c’est lui qui les distribue à chaque saint comme il veut. Cette réflexion ouvre le champ à la dévotion aux patrons spéciaux qui fleurira au Moyen Age.

3. Son fondement : la communion des saints. — Pourquoi les martyrs sont-ils si empressés à nous secourir ? Parce qu’ils sont devenus, dit l’Ambrosiaster, les débiteurs de leurs dévots ; « parce que, dans l’occasion, les saints ont subi l’indigence pour le profit d’un grand nombre ; alors les croyants ont dû subvenir aux besoins des saints. Et maintenant ceux-ci, au ciel, où ils sont riches, communiquent aux fidèles de la terre, pauvres [de mérites] : ils leur rendent la pareille pour leurs anciens services. Ut fiât sequalitas, dit saint Paul : en ce temps les fidèles servent les saints (du ciel'?) ; qu’on leur rende l'équivalent un jour, parce qu’ils ont fait des saints leurs débiteurs. » In II Cor., viii, 14, P. L., t. xvii, col. 309. Mais il y a une condition préalable : c’est d’imiter leurs vertus. Il est bien clair que celui qui veut voir exaucer ses prières doit imiter la vie des saints. Se souvenir des saints, communier à eux, c’est imiter leurs actions.

La même notion de solidarité est mise en pleine valeur par un docteur si familiarisé avec la pensée de saint Paul qu’il est assuré de ne pas la déformer, même quand il la dépasse : < Dans le corps du Christ, nous sommes les pieds, les martyrs sont la tête. Mais la tête ne peut pas dire aux pieds : « Je n’ai pas besoin de « vous ! ». Ils sont, eux, des membres glorieux ; mais l’excellence de leur gloire ne les rend pas étrangers à l’union qui règne entre eux et les autres parties du corps : ils tirent en effet le plus beau de leur gloire du fait qu’ils n’ont pas rompu les liens qu’ils ont avec nous. L’oeil aussi est bien plus brillant que tout le reste du corps ; cependant, s’il garde sa gloire, c’est tant qu’il n’est pas séparé du reste du corps. » S. Chrysostome, Sermo in S. Romanum, i, 1, P. G., t. l, col. G0b Saint Basile préfère mettre cette communion en dépendance de l’Esprit-Saint : « Tous les membres constituent un même corps du Christ dans l’unité de l’Esprit, et tous doivent communiquer les uns aux autres le bienfait des charismes divins. » De Spiritu Sancto, xxvi, 61, P. G., t. xxxii, col. 180 ; cf. Epist., xl, cxxxviii, etc. Saint Hilaire de même, In psalm. LI, 3 ; cxliv, 5 ; cxlvii, 2 ; et saint Ambroise, Epist., xxxv, xxxix, cvin. Saint Augustin voit cette communauté comme la Cité de Dieu. « La confession de foi, pour procéder avec ordre, devait unir

à la Trinité l'Église, comme la maison à l’habitant, à Dieu son temple, et la cité à son fondateur. Cité qu’il faut ici prendre dans sa totalité, qui comprend non seulement l’Eglise qui voyage sur la terre, mais aussi celle qui, toujours, au ciel, depuis sa fondation, adhère à Dieu, et qui vient en aide comme elle le doit à sa partie voyageuse. » Enchiridion, c. lvi, 15, P. L., t. xl, col. 258. Voir Communion des saints, t. iii, col. 440.

Imitation des saints.

C’est un devoir qui n’a

jamais été oublié des docteurs de l'Église. Il supposait naturellement une certaine similitude entre la situation des saints et celle des fidèles contemporains et une certaine initiation à l'égard de ces vertus des saints. Aussi les saints de l'Écriture, beaucoup plus que tant de martyrs inconnus, ont été donnés en exemple. Abraham, par exemple, pour sa foi, Joseph pour sa chasteté. Ainsi Origène, In.lob, I. I, à qui fait écho saint Ambroise : De Joseph, c. i, P. L., t. xiv, col. 642. Saint Basile, écrivant à son ami Grégoire de Nazianze, est plus précis encore, sur l’utilisation, non seulement des Livres saints, mais des Passiones et des panégyriques qui commençaient à se répandre. Epist., ii, P. G., t. xxxii, col. 228. Saint Jean Chrysostome, termine la plupart de ses panégyriques par une exhortation morale : « Ne nous contentons pas d'écouter, imitons ! Il ne faut pas honorer les saints en paroles, mais en actes, et que les belles choses que nous disons ne soient pas déflorées par notre conduite. » Hom. in Barlaam, Hom. in Lucianum, Hom. de sanctis marluribus, Hom. in martyres, P. G., t. L, col. 680, 526, 647, 663, etc. Pour lui, toute une partie de l’Ancien Testament est écrite en vue de susciter l’imitation, mais les saints du Nouveau Testament sont encore plus éloquents, //i Isaiam, i, 1, P. G., t. lvi, col. 13. Quand il ne savait rien île précis sur leur compte, il développait des lieux communs sur la patience et la vie éternelle : cf. S. Jean Chrysostome, Homil. in S. Philogonium. El l’orateur constate qu'à ce titre, les nouveaux saints sont plus intéressants que les anciens. Homil. m SS. Juveniinum et Maximinum, P. G., t. l, col. 571. Il faut attendre que les martyrs anciens s’adjoignent les phalanges des évêques et des moines. Alors Isidore de Péluse recommandera l’imitation de leurs vertus. Epist, i, 189, /'. (, '.. t. i.xxviii, col. 304.

En Occident, c’est saint Augustin qui le fait avec prédilection. « Si nous aimons les saints, imitons-les. Les saints martyrs ont suivi Jésus-Christ jusqu'à répandre leur sang, jusqu'à soufïrir à son exempte les plus cruels tourments. Les martyrs, oui, mais ils ne sont pas seuls ; après eux, le pont n’a pas été coupé ; la source [de la sainteté] n’a pas été tarie… Il y a dans le jardin du Seigneur, non seulement les roses des martyrs, mais les lis des vierges, les lierres des époux, les violettes des veuves… Apprenons donc — de ces nouveaux saints — comment, sans affronter les souffrances du martyre, un chrétien doit imiter Jésus Christ. » Serin., iii, In S. Laurentium, Serm., ccciv, n. 2, P. L., t. xxxviii, col. 1395. Les exemples des saints sont la monnaie de l’exemple du Christ ; et ces exemples sont à la portée de chacun. Voir le très beau développement du sermon ccevi, P. L., t. xxxviii, col. 1405.

Saint Ambroise, comme saint Augustin, avait bien noté que les exemples des saints nous redisent ceux du Christ ; mais l’un et l’autre font remarquer que les actes et les sentiments de l’Homme-Dieu sont moins accessibles que ceux de nos frères, les saints. Saint Césaire d’Arles, à qui sans doute il faut attribuer le sermon que le bréviaire donne sous le nom de saint Augustin, dit également : « Les vrais dévots des martyrs sont ceux qui suivent leurs exemples. Car les solennités des martyrs sont des exhortations au mur-