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    1. SAINTS (CELTE DES)##


SAINTS (CELTE DES). POUVOIR D’INTERCESSION

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prière des saints se heurterait sans fruit à notre mauvaise volonté. Jean Chrysostome avait bien quelquefois exagéré, dans le feu du discours, l’efficacité de leur intercession : « Prions ces saintes, pour qu’elles soient nos patronnes. Elles ont eu un grand crédit près de Dieu, de leur vivant, et même après leur mort, surtout après leur mort. Maintenant en effet elles portent les stigmates du Christ ; et, montrant ces stigmates, il n’y a rien qu’elles ne puissent obtenir de Dieu. » Hom. in SS. licrenicen et Prosdocen, n. 7, P. G., t. l, col. 640. L’orateur avait dit cela un jour de fête, devant l’assemblée des pèlerins ; mais, dans ses cours de religion à ses fidèles d’Antioche, il fait plus de réserves : « Si nous étions négligents nous-mêmes et que nous mettions toute notre espérance de salut dans les saints, leur secours ne nous apporterait rien de plus, non point que les justes en soient moins puissants pour cela, mais parce que notre paresse personnelle nous aurait trahis… » In (ien.. hom. xliv, 1, P. G., t. lui, col. 407. Sages paroles que tous les prédicateurs devraient méditer.

.Mais pourquoi Dieu se sert-il ici-bas des anges et des saints pour nous secourir ? Saint Hilaire avait déjà répondu : « Leur intercession, ce n’est pas la nature divine qui en a besoin, mais bien notre faiblesse : ils ont été envoyés, en effet, « pour ceux qui doivent héri- « ter le salut » (Hebr., i, 14). Dieu n’ignore certes rien de ce que nous faisons ; mais notre faiblesse, pour demander et pour mériter, sent le besoin du ministère de leur intercession spirituelle. » In ps. cxxix, ꝟ. 7, P. L., t. ix, col. 722.

2. Ses conditions.

- Comment néanmoins les anges et les saints connaissent-ils les besoins particuliers des hommes ? Car il n’y a pas lieu de distinguer, après les protestants, entre les besoins généraux de l'Église et ceux des fidèles en particulier : « Il est manifeste, à qui examine les textes des saints Pères sur l’intercession des saints, qu’ils parlent, non seulement de l'Église, mais de chaque cité et même des personnes particulières, comme le reconnaissent certains réformés, et plus spécialement Pearson, parmi les anglicans. » Trombelli, De cultu sanctorum, diss. III, c. xxxiv, n. 2, t. iii, p. 211. Pour les saints anges, une réponse générale était assez facile, puisqu’ils sont « députés à notre salut », Hebr., i, 14 ; cf. S. Hilaire, toc. cit. Mais pour les martyrs défunts, il faut avouer que la question était bien abstraite et étrangère aux préoccupations des docteurs du IVe siècle. Plusieurs Pères grecs ont même inséré dans leurs panégyriques de ces phrases dubitatives toutes faites qui étaient de tradition dans les oraisons funèbres. Cf. Grégoire de Nazianze, In Julianum, début ; Oral, in sororem suctm, fin. D’autant qu’ils avaient pour eux certains textes de l’Ancien Testament (Job, iv, 21 ; Eccle., ix, 5 ; Is., lxvii, 16 ; IV Reg., xxii, 20). Notons pourtant que les Pères parlent ici de leurs amis défunts et que, dès qu’ils traitent des martyrs reconnus, ils se montrent au moins circonspects : « Si vous tenez compte de nos affaires, dit le même Grégoire de Nazianze, et si les âmes saintes reçoivent de Dieu comme récompense le privilège de connaître nos besoins, recevez donc notre prière… » Loc. cit.

Les solutions plus précises qu’ils donnent n’ont souvent que la valeur de pieuses hypothèses. Saint Ambroise assimile sans explication les martyrs aux anges protecteurs : Sicul angeli præsunt, ita et lu qui vitam meruerint angelorum. In Lucam, l. VIII, 96, /'. L., t. xv, col. 1794 ; cf. S. Hilaire, In ps. r.xx/r, 6, /'. /… t. ix, col. 682.

Saint Jérôme, lui, axait besoin de répondre aux difficultés « le Vigilantius : « Les âmes des apôtres et des

martyrs, disait celui-ci, ne peuvent s'éloigner de leurs tombeaux. Comment pourraient-elles se rendre pré sentes là oii elles le désirent ? Elles sont, en effet, enfermées dans les Champs-Elysées. » Cf. Cont. Vigilant., P. L., t. xxiii, col. 357. I. à-contre, il fallait à l’apologiste des références positives : il crut en trouver une dans l’Apocalypse, xiv, 4 : « Les martyrs suivent l’Agneau partout où il va. Or, si l’Agneau est partout, on peut considérer que ceux qui sont auprès de l’Agneau sont partout présents. » Cont. Vigilant., c. vi, col. 345. Cette solution semble avoir eu du succès chez les écrivains grecs du ve et du vie siècle ; on la trouve exposée dans des œuvres mises sous le nom des grands docteurs, par exemple De vera virginilale, inlcr opéra Dasilii, n. 20 ; Quæsliones ad Antiochum, q. xi, inter opéra Athanasii ; Sévérien de Gabala, Scrm., vi, De muiuli opificio, n. 10, inter opéra Chrijsoslomi. C'était aussi l’image que s’en font, parmi les Latins, des poètes comme saint Paulin de Noie et Prudence, Peristephanon, hymn. i in Hemeterium, v. 30 ; Hymn. u in tandem Eulaliæ, v, 213 ; Hymn. vin in Cassianum, v, 95.

En somme, les saints connaîtraient nos prières par une propriété des esprits bienheureux, sinon par une faculté naturelle des âmes séparées, comme l’explique saint Ambroise : « Si durant le repos de la nuit, attachées encore aux liens du corps, les âmes peuvent percer des secrets profonds, combien plus les voientelles avec leurs sens éthérés et délivrés des taches corporelles ? » Oratio de morte Salyri, n. 73, P. L., t. xvi, col. 1335.

Le problème apparaît plus complexe à saint Augustin qui se le pose ex projesso, De cura pro mortuis gerenda, c. xvi, P. L., t. XL, col. 607 sq. Ses solutions, qui méritent par conséquent une attention spéciale, sont encore celles entre lesquelles les théologiens ont à choisir. « Bien que cette question passe les forces de mon intelligence, on me demande comment les martyrs viennent en aide à ceux — le fait est bien certain — qu’ils secourent. Est-ce qua, par eux-mêmes, ils sont présents en un même moment en plusieurs lieux très distants, soit là où sont leurs-tombeaux, soit loin d’eux, partout où nous les sentons agissants ? Ou bien, dans le lieu convenant à leurs mérites, et donc loin de toute relation avec les mortels, est-ce qu’ils prient en général pour les besoins de ceux qui les supplient comme nous prions, nous, pour les morts, auxquels nous ne sommes point présents et dont nous ignorons le lieu et les actes ? Alors ce serait le Dieu tout-puissant et omniprésent qui, par le ministère des anges, répandus partout, distribuerait les secours aux hommes comme il le jugerait équitable. » Le saint docteur ne récuse pas ces réponses philosophiques ; mais il sent qu’elles ne répondent pas entièrement à l’idée confuse que se font les dévots de leur communion avec les martyrs : aussi en avait-il. à la page précédente, proposé deux autres : « Ils peuvent aussi apprendre quelque chose des anges, qui président aux affaires d’icibas, selon que Dieu le juge bon… Ils peuvent enfin connaître de nos actes, ce qui leur est nécessaire par une révélation de l’Esprit de Dieu, comme les prophètes le recevaient de leur vivant. » Loc. cit.

Ce ne sont pas là. on le voit, des systèmes bien arrêtés ; on pourrait y ajouter encore celui d’une révélation du Christ à ses martyrs, dont parle une fois saint Paulin de Noie :

Te teneo ; tu Mis ubi slnt, lumine Christi Cuncta, ci operta vides, longeque absentia cernis, Et capis includente Deo, quo cuncta tenentur. lu notait ! > Felieis. Poema vi, 291.

Ce dernier non plus n’est pas très sur de son explication, et il en donne une autre : les saints sont en Dieu et voient, eu lui toute la création ! C’est l’amorce de cette dernière hypothèse quc saint Grégoire le Grand mettra en circulation : « ('-eux qui voient de