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SAINTS (CULTE DES). POUVOIR D’INTERCESSION


Saint Cyrille de Jérusalem rappelle que la liturgie commémore les patriarches, les prophètes, les apôtres, les martyrs « afin que Dieu, par leur prière et leur intercession accueille nos supplications ». Calech. myslag., v, 9, P. G., t. xxxiii, col. 1116.

Saint Grégoire de Nysse supplie saint Théodore de réunir le chœur de ses frères, les martyrs, et de joindre aux siennes l’effort de leurs prières, afin d’obtenir les faveurs qu’il vient d'énumérer. Oratio de S. Theodoro, P. G., t. xlvi, col. 746-7 17.

Saint Jean Chrysostome fait de fréquentes allusions à la pratique de l’invocation des martyrs dans ses discours et ses panégyriques, qui sont une perpétuelle exhortation à la confiance dans le pouvoir des martyrs ; H. Delehaye, Les origines…, cite Hom. in Gènes., xliv, 2 ; Adv. Judœos orat., viii, 6 ; Hom. in II Cor., xxvi, 5 ; Hom. in sanetos Bernicen et Prosdoeen, n. 7 ; Hom. in S. Juvenlinum et Maximum, n. 3 ; P. G., t. lui, col. 408 ; t. xlviii, col. 937 ; t. lx, col. 582 ; t. l, col. 640 et col. 576. Plusieurs de ces textes ont été donnés à l’art. Reliques, t. xiii, col. 2310. Voici un mot de saint Éphrem : « Souvenez-vous, Seigneur, des larmes que j’ai versées devant vos saints martyrs ! « qui marque bien que la prière aux saints s’adresse finalement à Dieu. Sermo ascetic, Assemani, Bibl. orient., t. i a, p. 40.

La prière aux saints ne reste pas sans réponse : « Nous qui avons le bonheur de célébrer la mémoire de ces grands hommes, rendons-leur grâces, non pas autant que nous le devons — cela ne se peut — mais autant que nous le pouvons, ils s’en contentent. Les saints attendent de nous ces hommages, non pas pour en tirer quelque bien, mais pour nous faire part de leurs bienfaits. » Grégoire de Nysse, In S. Stephanum, P. G., t. xlvi, col. 732.

Au Ve siècle, Théodoret détaille tout ce qu’on est en droit d’attendre des martyrs : santé, postérité, heureux voyage, guérisons. « Et la preuve que la prière faite avec foi est exaucée se trouve dans les ex-voto qui attestent les guérisons. Ces offrandes représentent des yeux, des pieds, des mains en or ou en argent. Car leur maître accepte les hommages simples et modestes, mesurant le présent aux moyens de celui qui l’offre. Ces objets attestent les guérisons obtenues par ceux qui les ont apportés, en même temps qu’ils proclament la puissance des inorls qui sont là. » Théodoret, Grœcornm affection, curât io, t. VIII, P. (/'., t. lxxxiii, col. 1032.

Inutile de prolonger une énumération d’auteurs ; ils sont désormais légion à pratiquer et à recommander la prière aux saints.

2. Chez les Pères latins.

Saint Ambroise encourage les fidèles à adresser leurs prières aux martyrs : « Ils peuvent demander grâce pour nos péchés, eux qui ont lavé leurs péchés, s’ils en avaient, dans leur propre sang. Ils sont les martyrs de Dieu, nos chefs, les témoins de notre vie et de nos actions. Ne rougissons pas de les prendre comme intercesseurs dans notre faiblesse ; eux aussi ont connu les faiblesses du corps, même en les domptant. » De viduis, c. ix, 55, P. L., t. xvi, col. 251. Cf. S. Jérôme, Epist., cviii, Epitaphium Paulæ, n. 31, P. L., t. xxii, col. 905.

Saint Augustin expose la croyance de l'Église : « La justice des martyrs est parfaite ; ils ont acquis la perfection dans leur passion. Aussi l'Église ne prie-telle point pour eux ; elle prie pour les autres fidèles défunts, elle ne prie pas pour les martyrs. Ils sont sortis de ce monde si parfaits, qu’au lieu d'être nos clients, ils sont nos avocats. » Serm., cclxxxv, n. 5, P. L., t. xxxviii, col. 1295. Cf. Serm., clix, n. 1, ibid., col. 868 : Injuria est pro martyre orare, eu jus nos debemus orationibus commendari.

Cette distinction entre défunts et martyrs ne s'était

pas toujours faite ; mais elle était désormais passée dans la discipline ecclésiastique. Tous les fidèles, en effet, prient la Vierge et les saints ; cf. Paulin de Noie, P. L.A. lxi, col. 577, col. 462-464, col. 642 ; Maxime de Turin, t. lvii, col. 466, 674, etc. ; Grégoire le Grand, t. lxxvii, col. 102, 391-392 : Grégoire de Tours, t.LXXi, col. 562, 781, 799-800, 991-992.

Affirmations bien significatives de la croyance des Églises, mais qui tombaient à faux quand elles s’adressaient à des hommes comme Vigilance, qui mettaient en doute cette foi commune. Contre lui, saint Jérôme (406) se met en frais de raisonnements : « Vous dites dans votre livre : durant notre vie nous pouvons prier les uns pour les autres ; mais, quand nous serons morts, personne ne verra exaucer sa prière pour un autre ; et la principale raison [que vous en donnez|. c’est que les martyrs (Apoc, vi, 10-11) n’ont pu obtenir que leur sang fût vengé. » Il rétorque l’argument : « Si les apôtres et les martyrs encore prisonniers dans cette chair peuvent prier pour les autres, alors qu’ils doivent être encore soucieux pour eux-mêmes, combien plus prieront-ils maintenant qu’ils sont couronnés, victorieux, triomphants ? « Cont. Vigilantiùm, <-. vi, P. L., t. xxiii, col. 344. licite comme prière des saints : Ex., xxxii, 30 sq. et Act., xxvii, 37. Mais il trouve dans l’Ancien Testament le texte désolé de L’Ecclésiaste, ix, 9, qu’il éclaire par ceux du Nouveau : Joa., xi, 11 ; I Thess., iv, 13. Dans son commentaire sur ce livre (M’i’s 391°), il avait noté plus exactement : « Avant l’arrivée du Christ, les saints eux-mêmes étaient enfermés aux enfers. Mais, après la résurrection du Seigneur, ils n’y sont point retenus, comme l’atteste l’Apôtre quand il dit : Il est mieux pour moi de mourir et d'être avec le Christ, l’hil., i, 23.. /'. L., t. xxill, col. 1141. Vigilantius aurait il mis en doute l’immortalité des âmes ? c’est invraisemblable : saint Jérôme lui prêle pourtant des arrière -pensées matérialistes : Les martyrs, vous les donneriez pour un peu comme morts ; en quoi vous blasphémez ; lisez donc l'Évangile : Dieu n’est pas le Dieu des inorls, mais des vivants l.Matth., XXII, 32). » Plus efficace est le recours à la tradition de l’Eglise universelle, de l'Église romaine en particulier, /oc. cit., col. 361.

Intercession des saints.

Beaucoup moins claire

que l’invocation aux martyrs, qui était une pratique donnée par la tradition, était la question théologique du pouvoir d’intercession des saints au ciel.

1..Ses-limites. — Les premiers théologiens du iv siècle, débordés peut-être par la confiance exagérée de leurs ouailles, ont voulu poser des limites à cette puissance supra-terrestre. L'évêque de Poitiers, saint Hilaire († 366), les prévient que le secours des saints, pour précieux qu’il soit, n’est pas comparable à celui de Dieu, et ne peut compenser notre mauvaise conduite. In ps. CXXIV, P. L., t. ix, col. 682. Au reste, les saints ne peuvent point nous passer leurs mérites personnels. Ce qui est admissible, c’est que les saints, par leurs prières et leurs exemples, nous engagent à acheter au Seigneur de quoi garnir nos lampes. In Matth., c. xxvii, P. L., t. ix, col. 1061-1062. Il n’y a rien que de très orthodoxe dans cette réserve, dont les réformateurs ont fait une objection.

Le secours des anges eux-mêmes — puisque les docteurs du iv 1 e siècle tiennent à mettre ceux-ci au-dessus des martyrs — leur secours n’est pas infaillible, note saint Ambroise : « Cherchons-donc pour médecin quelqu’un des anges. Mais comment pourront-ils me protéger du péché, puisque le premier d’entre eux, l’archange Lucifer, n’a pas pu se garder de pécher ? » In Lucam, P. L., t. xv, col. 1717. Pareillement les apôtres et les martyrs ne sont que des intercesseurs pleins de bonne volonté pour nous. Cf. De viduis, ix, 55, t. xvi, col. 251 ; Epist., xxxv, ibid., col. 1024. La