Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/460

Cette page n’a pas encore été corrigée

90 !

    1. SAINTS (CULTE DES)##


SAINTS (CULTE DES). APRÈS LE TRIOMPHE DE L'ÉGLISE

906

remercie. En somme, le mode de prier qui est le mieux proportionné aux saints, c’est l’exposé tranquille de nos besoins : « La Séïjaiç ne doit s’adresser qu'à des saints, tels que Pierre et Paul, afin qu’ils nous viennent en aide et nous rendent dignes de participer au pouvoir de pardonner les péchés qui leur a été accordé. » De oralione, c. xiv, P. G., t. XI, col. 4(54. La prière aux martyrs se distingue doue de la demande, si humble soit-elle, qu’on fait aux puissants de la terre ; elle se différencie également de la prière qu’on fait à Dieu et au Christ : Quippe solus est orandus supremas Deus, sed et orandus Unigenitus ejus ut preces nostras perferat ad Deum suum et Deum nostrum. Cont. Celsum, I. VIII, 26, P. G., t. xi, col. 1541. Il y a, en toutes ces distinctions, un effort pour trouver à l’invocation des saints une via média, que la théologie postérieure s’efforcera également de préciser.

La Didascalie des apôtres.

Résumant les considérations et consignes précédentes, cet écrit syrien du

me siècle prescrit ce qui suit : « Si un chrétien est condamné à l’amphithéâtre ou aux bêtes ou aux mines, pour le nom de Dieu, pour sa foi ou pour son amour, ne détournez pas vos yeux de lui, mais de votre travail et de la sueur de votre visage, envoyez-lui de la nourriture… afin que votre bienheureux frère ne soit pas complètement affligé. » Didascalie, c. xix, édition Nau, p. 148. Pourquoi est-il bienheureux déjà de son vivant ? « Car vous regarderez celui qui est condamné pour le nom du Seigneur Dieu comme un saint martyr, un ange de Dieu ou Dieu sur la terre ; il a revêtu spirituellement l’Esprit-Saint de Dieu, car, par son moyen, vous voyez le Seigneur, notre Sauveur, parce qu’il a été jugé digne de la couronne incorruptible. » Loc. cit. Voilà bien la source de ces privilèges que les Pères lui accordent ici-bas et après sa mort. Nous avons vu plus haut qu'à cause de cela, la Didascalie canonise d’office tout martyr : « Tout homme qui quitte le monde par le martyre pour le nom du Seigneur, bienheureux est-il ; car les péchés des frères qui quittent le monde par le martyre sont couverts, i C. xx. En conséquence, elle ne fait pas prier pour les saints, mais seulement « pour ceux qui meurent et pour ceux qui dorment », c’est-à-dire aux enterements et aux anniversaires des simples fidèles : « Pour eux, priez et offrez le saint sacrifice et réunissez-vous dans les cimetières, in memoriis, dit le latin. > Loc. cit., c. xxvi, n. 2.

III. Après le triomphe de l'Église. - - I. la DOCTRINE. — Dans la première moitié du i v siècle, où les martyrs trouvèrent leur apothéose, les premiers docteurs de cette époque triomphale se contentent de dire leurs titres |à la reconnaissance des survivants et, allant au plus pressé, de défendre les pratiques nouvelles contre les retardataires. Écoutons Eusèbe de Césarée († 340), le grand panégyriste du triomphe. « Nous autres, nous n’avons pas été jugés dignes de combattre jusqu’au bout et de répandre pour Dieu notre sang. Mais nous sommes les fils de ceux qui ont souffert le martyre, nous sommes ornés du courage de nos pères. Aussi nous demandons miséricorde en considération des saints. Aussi nous disons : Soyez le « défenseur des fils des opprimés… Soyez notre défen- « seur, non pas à cause de nous, mais à cause des nos « pères. » In ps. LXXVIII, ꝟ. 11-12, P. G., t. xxiii, col. 949. On verra que c’est là une prière à Dieu, non une invocation aux martyrs ; et il est bien possible que de telles formules fussent encore peu habituelles aux orateurs chrétiens. Mais elles étaient déjà usitées au temps d’Eusèbe, qui en proclame la légitimité : « A l’anniversaire de la mort des hommes chéris de Dieu, les chrétiens font de solennelles réunions ; car nous avons coutume de fréquenter leurs tombeaux, d’y prononcer des prières et des vœux et d’y vénérer leurs

âmes bienheureuses. Et tout cela nous pensons bien avoir raison de le faire. » Eusèbe, Prieparatio evangelica, t. XIII, c. xi, P. G., t. xxi, col. 1096.

Cependant ces pratiques nouvelles n'étaient pas du goût de tout le monde, des païens d’abord cpii se persuadaient que les chrétiens n'élevaient des tombeaux à leurs martyrs qu’afin de leur rendre un culte divin, Eusèbe, Hist. ceci, 1. VIII. c. VI, n. 7 ; puis de certains chrétiens observants, mais conservateurs à l’excès. C’est au moins l’impression que donne cet Eustathe et ses amis, condamnés par le concile de Gangres vers 360. On n’a pu réussir à les identifier, mais leurs prétentions à mener une vie à part fait penser à quelque essai de cénobitisme trop fermé pour l'époque. Le concile asiatique ne dit pas, en effet, que ces gens aient mis en doute la gloire des martyrs et leurs droits aux prières, mais seulement « qu’ils dédaignent les loca sanctorum martyrum et leurs basiliques, et trouvent à redire à ceux qui s’y réunissent pour y faire la liturgie ». Tout au plus avaient-ils quelque aversion à changer leurs habitudes et à quitter leurs anciens oratoires pour les nouvelles églises bâties ; sur les tombes des martyrs. D’où le canon 20 qui les condamne : Si quelqu’un par orgueil, se croyant parfait, calomnie les réunions qui se font aux lieux [de sépulture] et aux basiliques des martyrs, ou méprise les oblations qui s’y célèbrent, et [ainsi laisse] croire qu’on doit faire peu de cas des mémorise sanctorum, qu’il soit anathème. » Mansi, Concil., t. ii, col. 1101.

Il y eut, à la fin du ive siècle, à l’autre bout du monde chrétien, un autre adversaire du culte des martyrs, le prêtre Vigilance, dont il faut dire quelques mots, bien qu’on le connaisse assez mal. Né dans le diocèse de Toulouse, il tenait une paroisse du nom de Barcelone, voisine de celles des prêtres Riparius et Désidérius. Il fut d’abord dénoncé par Riparius comme attaquant le culte des martyrs. Sur cette simple donnée, Jérôme, en 401. écrivit au dénonciateur une lettre où Vigilance était brièvement réfuté. Epist, cix, Ad Riparium. En 406, les deux mêmes prêtres faisaient connaître au solitaire de Bethléem les erreurs scandaleuses de leur voisin et lui communiquaient ses écrits. Malheureusement, nous n’avons ni la dénonciation, ni l’ouvrage, qui nous permettraient une appréciation objective. Par les citations que Jérôme en fait dans son Contra Vigilantium, P. L., t. xxiii. col. 339-352, on voit cependant que le prêtre Vigilance attaquait, non seulement le culte des martyrs et des reliques, mais aussi l’efficacité de l’intercession des saints après leur mort.

Il condamnait le respect que l’on rendait aux reliques des martyrs et nommait « cinéraires » et idolâtres ceux qui les honoraient. Il traitait de superstition païenne l’usage d’allumer en plein jour des cierges en leur honneur. Mais il soutenait aussi qu’après la mort on ne pouvait plus prier les uns pour les autres, en s’appuyant sur le livre apocryphe IV Esdras, vii, 45. Il disait que » les apôtres et les martyrs sont désormais dans le sein d’Abraham, dans le lieu de rafraîchissement, sous l’autel, et qu’ils ne peuvent s'échapper de leurs tombeaux et assister ceux qui les prient ». P. L., t. xxiii, col. 344. Il concluait que les miracles qui se faisaient aux tombeaux des martyrs n'étaient que pour les infidèles. Il condamnait les vigiles liturgiques, excepté la nuit de Pâques, donc il voulait supprimer celles des anniversaires des saints. Il y aurait bien à dire sur la trop virulente réplique de Jérôme. Vigilantius ne reparaîtra plus que dans Gennade, De viris illustribus, c. xxxv, P. L., t. lviii, col. 1078. Cf. Y. Cavallera, Sain* Jérôme, t. I, p. 307.

A l’autre extrême, saint Épiphane (Hier., lxxix, P. G., t. xlii, col. 740) avait découvert de son temps une autre erreur, celle des collyridiens (voir ici, t. iii, col. 369 sq.) qui adoraient Marie, dit l’au