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903 SAINTS (CULTE DES). DOCTRINE DES II* ET 1 1 le SIÈCLES

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rentrent dans le sommeil et l’indifférence : Us ferment leurs yeux un moment, mais pour les rouvrir aussitôt et voir Dieu et le Christ. » Ad Fortunatum, de exhortatione marti/rii, n. 13, p. 347. Sur cette dernière apothéose des saints, écrite quelques mois avant sa mort, Cyprien clôt son enseignement ou plutôt conclut son plaidoyer pour un culte qu’il a trouvé bien vivant et qu’il laisse tout illuminé de son humanisme et de la doctrine mystique de l'Évangile.

Origène.

On a dit de lui qu’il est le premier à

attester clairement l’intercession des saints : le fait est que son témoignage, antérieur d’une vingtaine d’années à celui de saint Cyprien, est plus profond et plus obvie, plus général et plus complet. C’est qu’Origène, au lieu de partir de la simple considération de la mort chrétienne et de s’en tenir, comme le fait Cyprien, aux textes exprès de l'Évangile, remet le culte des martyrs à sa place secondaire, mais d’autant plus harmonieuse, dans la grande doctrine de la communion des saints, qu’il documente à son habitude à l’aide de l'Écriture tout entière. Cf. In Levitic, hom. IV, n. 4 ; hom. vii, 2 ; In Xumcr., hom. xxvii, 7 ; In Cantic, ii, 1 ; iii, 7, etc. Il avait « appris d’un ancien maître que l'Église des saints s’emploie à soutenir celle de la terre », In Jesu Nave, hom. xvi, 5, P. G., t.xii, col. 909 et » qu’elle dévore la cohue des mauvais esprits comme le bœuf tond les herbes de la prairie ». Aussi expliquait-il de nos relations avec les anges et les saints les textes de saint Paul sur le corps mystique de l'Église. « Pressés par leur charité, ceux-là se font nos médecins et nos bienfaiteurs. » De orat., xi, 2, P. G., t. xi, col. 448-452 ; cf. In Canlica, c. iii, P. G., t. xiii, col. 160.

Cependant, par contraste avec la solidarité raciale de l’ancienne Alliance, il revient souvent sur le caractère spirituel des relations ainsi créées entre nous et nos pères dans la foi : « Souviens-toi aussi, cher Arabroise, de celui qui priait en esprit pour les fils des martyrs, pour les fils qu’ils avaient [mérité de] laisser après eux à cause de leur amour pour Dieu. Il disait : Posside filios mortificalorum ! (Ps., lxxviii, 11, selon les LXX). Sachez pourtant une chose : c’est que « ce ne « sont pas les enfants de la chair qui sont les enfants « de Dieu » (Rom., ix, 8) ; et, comme il a été dit à ceux qui sont de la race d’Abraham : « Je sais que vous êtes enfants d’Abraham ; mais, si vous étiez enfants « d’Abraham, vous feriez les œuvres d’Abraham » (Joa., viii, 37 et 39), de même aussi sera-t-il dit à tes fils : « Je sais que vous êtes la descendance d’Ambroise ; « et, puisque vous êtes les fils d’Ambroise, faites les « œuvres d’Ambroise ! « Peut-être les feront-ils, recevant désormais de toi, après une telle mort, des secours plus précieux que si tu étais resté avec eux. Car tu sauras mieux alors comment il faut les aimer et tu prieras pour eux avec plus de clairvoyance, sachant désormais qu’ils sont tes fils, et non seulement tes descendants selon la chair. » Exhortatio, c. xxx. Origène, selon sa coutume, donne un tour moral à. la doctrine du corps mystique : fondée sur des promesses spirituelles et universelles, elle enseigne aux fds des saints et à tous les enfants de Dieu, à rester dans la lignée des martyrs par l’imitation de leur courage ; elle apprend, pour ainsi dire, aux saints eux-mêmes à purifier leurs prières pour les fidèles. Ainsi le docteur alexandrin arrive, comme en se jouant, à une synthèse mystique et pratique de la dévotion aux saints qu’on voudrait retrouver aussi nette dans tous les livres de piété modernes : les prières des bienheureux sont efficaces, non pas infaillibles, dans la mesure où les fidèles sont en disposition de suivre leurs traces. Ces prières ont même la valeur d’un sacerdoce : « Ces âmes de ceux qui ont expiré sous la hache pour le nom de Jésus, ne sont pas en vain ministres de l’autel céleste, pour procurer la rémission des péchés a ceux qui prient. » Loc.

cit., c. xxx, P. G., t. xi, col. 601. On sent poindre une première exagération du rôle des saints, qui en amène une autre : « L’apôtre Jean écrit dans l’Apocalypse que les âmes de ceux qui ont été décapités pour le nom du Seigneur Jésus se tiennent près de l’autel : or, celui qui se tient ainsi près de l’autel se dénonce comme faisant office de prêtre, et la fonction du prêtre, c’est de supplier pour les péchés du peuple. Aussi, je le crains, c’est peut-être depuis qu’il n’y a plus de martyrs et que les sacrifices des saints — hostise sanctorum — ne sont plus offerts pour nos péchés, que nous n’obtenons plus la rémission de nos péchésl » In Num., hom. xi, P. G., t.xii, col. 650, vers 245. Exagération, à coup sûr, mais qui vient de l’admiration même de l’auteur pour les martyrs du temps de sa jeunesse. Ce serait une erreur que de faire de l’affluence des martyrs et des sacrifices des saints en général, une condition de la rémission des péchés. Ce n’est pas d’ailleurs la pensée du docteur grec : il dit fort exactement dans la même suite de catéchèses que « parmi toutes les hosties salutaires, il n’y a que le seul Agneau qui puisse effacer le péché du monde entier… Les autres effacent les péchés par leurs prières, Lui seul le fait par puissance ». In Num., hom. xxiv, n. 1, P. G., t.xii, col. 756.

Comment cette intercession se déclenche-t-elle ? Elle n’a pas en principe besoin de notre appel. « Tous les amis de Dieu, anges, âmes, esprits…. connaissent ceux qui sont dignes de la bienveillance divine… et ils assistent ceux qui veulent servir Dieu, leur gagnent sa bienveillance, appuient leurs prières et leurs demandes : j’oserais dire que les hommes, fermement résolus à bien faire et priant Dieu, sont, sans même l’avoir demandé, appuyés dans leurs prières par d’innombrables puissances célestes. » Contra Cclsum, t. VIII, 64, P. G., t. xi, col. 161. Même pensée fort pieuse sur l’assistance de la sainte Vierge : « Personne ne peut comprendre l'Évangile spirituel de Jean, sinon celui qui s’est reposé sur la poitrine de Jésus, ou qui de Jésus a reçu Marie, devenue sa mère à lui aussi : "ri]v Maplav yLvojxévyjv xal aÙTOu u.7)T£pa… En effet quiconque est parfait, ne vit pas lui-même, mais en lui vit le Christ. Vivant ainsi dans le Christ, c’est de lui qu’il est dit à Marie : Voici ton fils, le Christ 1° Comment, in Joa., t. i, n. 6, P. G., t. xiv, col. 32. On voudra bien dégager ces phrases du fatras de l’allégorie et y sentir vibrer l’ardente piété d’Origène et de ses disciples pour la mère de Jésus : « Il faut que nous devenions d’autres Jean » pour avoir Marie comme mère ; et alors les paroles ne seront plus nécessaires.

Cependant, il faudrait examiner de plus près ces textes des Alexandrins sur la prière des saints et la prière des chrétiens. On y verrait qu’au nie siècle on croit fermement à l’intercession des saints en faveur des grands intérêts de l'Église, en faveur de leurs parents et amis. Quant à la prière aux saints, elle n’est encore ni fréquente, ni conseillée. Une fois, Origène, In Ezech., hom. i, P. G., t. xiii, col. 675, fait une prière à l’ange du prophète, jamais il n’en formule pour un martyr ou un apôtre. C’est que, pour lui comme pour tous les anciens Pères — et pour les vrais chrétiens — « la prière est une conversation avec Dieu… Comme Dieu seul est bon, c’est-à lui seul que nous et les anges devons demander les biens ». Clément, Stromates, t. VII, 3, P. G., t. ix, col. 405. Origène est moins absolu : pour lui, par exception, la prière des saints peut être appelée par la prière des chrétiens, mais par une prière adaptée à leur puissance d’intercession : « cuire les quatre sortes de prières énoncées par saint Paul, I Tim., n. 1. la-porr£>j/Y) est réservée à Dieu, seul maître absolu ; les I rois autres, Mt)m> (i.èv ouv xal ëvreu^tv xal e’jyapi(TTÎav, il n’est pas déplacé de les adresser aussi aux saints » ; el même les deux dernières sont de mise avec les hommes en général, que l’on supplie et