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899 SAINTS (CULTE DES). DOCTRINE DES Ile ET IIIe SIÈCLES

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pratique (Cyprien), pour en tirer quelques considérations morales (Clément, Ignace, etc.).

Pères apostoliques.

(l’est une leçon morale que

saint Clément de Rome tire de la vie et de la mort des apôtres Pierre et Paul et des autres victimes de la persécution de Néron. 1 Cor., v-vi. C’est un exemple de courage que saint Ignace d’Antioche recueille pour lui-même dans la mort de « Paul, son symmyste, qui a été sanctifié, martyrisé et béatifié dignement ». Ephes., xii, 2. Pourtant l’auréole du martyr brille déjà d’un éclat tout spirituel, sans qu’il soil besoin de reliques ou d’actes louangeurs : « Alors je serai un véritable disciple du Christ, écrit encore saint Ignace, lorsque le monde ne verra plus même mon corps. » Rom., iv, 2. L'évêque n’escompte point un culte liturgique, mais tout de même une place d’honneur dans le souvenir des chrétiens. Quand les confesseurs meurtris reviennent dans les assemblées, on leur fait un rang honorifique : « La place à droite, dit Eiermas, est pour ceux qui se sont déjà rendus agréables à Dieu et qui ont souffert pour son nom. » Pastor, Vis., III, i, 9. Mais, quand ils avaient consommé leur martyre, étaient-ils moins dignes d’honneur ? Ne prenaient-ils pas séance avec « les saints anges de Dieu, auxquels le Seigneur a confié toute créature ? » Ibid., iv, 1. N'étaient-ils pas associés du moins « aux apôtres, évêques, didascales et diacres, vivants ou défunts, qui ont marché dans la sainteté de Dieu ? » Ibid., v, 1 ; cf. Simil., V, vi, 2-7. Si ces derniers, comme il semble, ont droit aux honneurs de l'Église, les martyrs assurément n’en sont pas frustrés. Or, il faut peut-être faire remonter bien avant le pontificat de son frère Pie ( 1 10155) la rédaction par Hermas de ses premières visions.

Apologistes.

La situation des apologistes était

différente : parlant à des païens, ils insistaient plutôt sur le monothéisme des chrétiens. Cf. Aristide (vers 1 40), Apologia ad Adrianum, n. 5 ; Arnobe, Adv. nationes, t. I, c. xliv-xlvi, P. L., t. v, col. 77<i.

C’est une préoccupation semblable, mais dirigée cette fois contre les déformations gnostiques, qui dictait à saint Irénée cette consigne au chrétien orthodoxe : « Comme il a reçu gratuitement de Dieu, il donne aussi gratuitement ; il ne fait rien par des invocations aux anges, ni par des incantations, ni par toute autre vaine curiosité ; mais, en tout honneur et pureté, sans rien de secret, il adresse ses prières au Dieu qui a tout créé et il invoque le nom du Seigneur Jésus-Christ. Ainsi il fait des prodiges (virtutes) pour l’utilité des hommes, mais non pour leur séduction, parce que le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ procure des bienfaits, et guérit vraiment et énergiquement ceux qui croient en lui. » Cont. hær., t. II, c. xxxii, n. 4-5, P. G., t. vii, col. 830. Ces conseils n'étaient pas de trop, à une époque où la prière chrétienne s'évadait parfois de la simplicité primitive et cherchait sa voie dans les divagations gnostiques. C’est évidemment contre ces déviations, condamnées par l'Église ancienne et moderne. que s'élève ici l’hérésiologue, comme le montrent bien les scènes de magie, d’occultisme et de dévergondage qu’il a décrites au même chapitre : Magica operali, fraudulenler nituntw seducere insensatos…, pueros investes addueentes et oculos deludentes, et phantasmata ostendentes slatim cessanlia…, non Jesu Domino noslro, sed Simoni Mago similes ostenduniur. Lor. cit., n..'5. Il devrait être évident pour tout critique que les abus en question n’ont rien de commun avec la prière catholique aux anges et aux saints.

Précise pour la doctrine comme pour la pratique, vient se placer ici l’admirable lettre de l’Eglise de Snryme sur le martyre de sain) Polycarpe : « Le Christ, nous l’adorons comme dani le Fils de Dieu ; quant aux martyrs, c’est à bon droit que nous les aimons, comme disciples et imitateurs du Seigneur… » Martyr. Polyc.,

xvii, 3. Funk, Paires apost., p. 320 ; P. G., t. v, col. 1036.

Saint Irénée.

On peut faire état aussi — quoique

le texte latin en soit controversé — du mot d' Irénée sur Marie : Ut Virginia lïvæ virgo Maria fieret advocata ; et quemadmodum adstrictum est morti genus humannm per virginem (Euam), salvatur per virginem ( Mariam), œqua lance disposita virginalis inobedientia per virginalem obedientiam. Cont. hær., I. V, c. xix, P. G., t. vii, col. 1 180. I.a pensée si juste de l'évêque, qui voit en Marie la cause instrumentale de notre salut, passe de loin l’idée de la simple intercession et fonde le culte d’hyperdulie : il la tenait de saint Justin, Dialog., c. 100. Mais le rôle de défenseur, advocata, reconnu à la sainte Vierge, était de soi extensible et a été étendu de fait à tous les saints, par saint Grégoire de Nysse, In XL Martyres, par saint Augustin, .S’crm., cclxxxvi, n. 5, P. L., t. xxxviii, col. 1299, et par les docteurs du Moyen Age. Nul doute qu' Irénée n’en soit le coryphée, et qu’il ait entendu cette adimcacie au sens d’un droit d’intercession de Marie pour la première femme.

Hippolyte.

Lui aussi (f vers 235) avait lu saint

.fustin et il avait réfléchi sur les nouvelles formes du culte des martyrs ; aussi étail-il sûr d'être compris quand il interrompait son exposé sur Daniel de cette prière aux trois enfants dans la fournaise : « Souvenezvous de moi, je vous en prie, afin que j’aie part à votre sort, au martyre ! » In Daniel., ii, 30, éd. Bonwesteh, p. 90. Double progrès de la doctrine : si Marie a été l’avocate d’Kve par son obéissance passée, les trois enfants sont des intercesseurs actuels au ciel ; si Marie a intercédé sans être sollicitée, les martyrs de Babylone sont priés dans un discours prononcé à Rome. Qui s'étonnerait de découvrir des grafitti de la même époque et du même sens auprès des fresques des catacombes ? Sans doute, il faut « remarquer qu’au point de vue spéculatif, il convient de ne pas confondre, comme on le fait parfois, les notions d’intercession et d’invocation… L’intercession peut être, un acte spontané…, pour lequel il suffit que les saints s’intéressent à nous et que Dieu écoute leurs prières. Si l’invocation ne va pas sans la croyance au pouvoir d’intercession, elle s’appuie également sur la persuasion que nos suppliques arrivent à la connaissance des saints. Dans les faits, la nuance perd beaucoup de sa valeur : dans le culte de leurs morts, les chrétiens passaient logiquement de la croyance à la pratique, et l’idée des bons offices qu’ils pouvaient attendre des âmes de leurs proches se traduisait par des recommandations et des prières ». II. Delehaye, Les origines…, p. 131. Mais les docteurs ne faisaient pas autrement, comme on le voit par le texte d' Hippolyte qui vient d'être cité : il y a seulement, dans leurs écrits, < une certaine hésitation apparente à passer de l’idée d’intercession à celle d’invocation, hésitation qui s’explique par la recherche de l’expression scientifique de la croyance commune ». Ibid, p. 1 32. Origène et Augustin donneront de curieux exemples de ce travail de métaphysique du culte des saints.

Tertullicn.

Il ne se préoccupe guère de philosophie, mais recherche simplement le caractère exact des

anniversaires de martyrs, et d’abord leur fondement juridique en droit chrétien. « C’est une discipline qui, comme beaucoup d’autres, n’a pas été codifiée dans l'Écriture sainte, mais dans la tradition, encore que non écrite » ; mais où est le mal ? « tradition primitive » des apôtres, « confirmée par l’usage des Églises et observée par les fidèles. Sous celle tradition il y a une raison : vous la trouverez vous-même, ou vous l’apprendrez d’un plus savant ; mais il y en a une ». De corona, c. m et iv. P. L., t. ii, p. 99. Autant dire que l’usage d’honorer les saints peut se développer de bien îles façons nouvelles, pourvu qu’il reste en conformité avec