Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/456

Cette page n’a pas encore été corrigée
897
898
SAINTS (CULTE DES). DOCTRINE DES Ile ET Ille SIÈCLES


Corinthe, d’un évêque de Rome et d’un évêque d’Alexandrie.

A Antioche de même, au ive siècle, Jean Chrysostome constate qu’on donnait les noms aux enfants « tout simplement et au hasard ». Pour lui, qui prêchait d’exemple, il conseille de préférer même aux noms des aïeux d’une famille, ceux des hommes illustres par leurs vertus et comptant au nombre des amis de Dieu. Jean Chrysostome, Homil. in Genesim, xxi, 3, P. G., t. lui, col. 179. Théodoret demande qu’on leur donne des noms de martyrs qui seront désormais « leurs protecteurs » particuliers. Grsecar. affection, curatio, t. VIII, c. lxvii. Le nom de Marie paraît s'être répandu surtout aux vie et viie siècles, consécration populaire d’un culte liturgique alors en plein épanouissement.

7° Quelques remarques s’imposent au sujet de ce culte primitif.

1. Au sujet de son universalité, « parmi les sectes hérétiques, plusieurs prétendent avoir aussi leurs martyrs » et les montanistes s se réfugient près de leurs martyrs » dans la persécution. Anonyme antimontaniste, dans Eusèbe, Hist. eccl., t. V, c. xvi, 21. Au contraire, toutes les Églises orthodoxes ne semblent pas y avoir mis la même ferveur, moins encore tous les individus. On aura de la dilliculté à trouver trace de ce culte dans les Églises judéo-chrétiennes de Syrie et de Palestine. L'Église de Rome pareillement ne conservait dans sa Deposilio martyrum que la liste des héros du iiie siècle et l’on ne saurait y découvrir aucune trace d’un culte rendu par les papes à des martyrs aussi authentiques que le philosophe Justin et le sénateur Apollonius. Sans doute peut-on remarquer que la Deposilio episcoporum qui lui fait pendant est incomplète aussi pour le iiie siècle et ne mentiomif aucun pape des deux premiers siècles. On peut donc croire que le désordre du document explique seul ce silence et espérer que des inscriptions révéleront quelques marques de ce culte, mais d’un culte privé et familial.

2. Dans les Églises les plus ferventes pour le culte de leurs martyrs, comme celles d’Asie Mineure et d’Afrique, la qualité de martyr ne suffit jamais à donner droit au culte officiel ; il fallait y pouvoir joindre la mort pour la foi, donc l’orthodoxie, la patience dans les tourments et une certaine dignité de la vie. « Des douze chrétiens de Smyrne, dont le martyre en 155 ne fait aucun doute, Polycarpe seul paraît avoir été l’objet d’une commémoraison spéciale. » H. Delehaye, Le témoignage des martyrologes, dans Analecla boit., 1907, p. 88. L'Église catholique ne reconnaissait pas les martyrs de l’hérésie. Asclépios, un évêque dissident, qui, volontairement, partagea le bûcher du martyr Pierre Abselamos à Césarée, ne fut évidemment pas inscrit aux fastes ecclésiastiques. Eusèbe, De martyribus Palestinse, c. x. Chez les montanistes également, la persécution fait des victimes, mais les catholiques ne les reconnaissent pas. H. E., t. V, c. xvi, n. 22. Les fauteurs ou adeptes d’un schisme ne peuvent pas davantage prétendre aux honneurs du culte : Martyr esse non potest qui in Ecclesia non est, dit saint Cyprien, De unitate Ecclesiæ, xiv ; cf. Epist., xxxvi. Plus tard, saint Augustin mettra en faveur, au sujet des donatistes, cet adage : Mariyrium facit non pana, sed causa ; cf. De sermone Domini in monte, t. I, c. v, P. L, , t. xxxiv, col. 1240. Le concile de Laodicée, vers 280, dira pareillement : « Il ne faut pas que tout chrétien indistinctement désigne les martyrs du Christ et s’en aille vénérer les pseudo-martyrs, ceux des hérétiques. » Can. 34 ; cf. can. 9. Ainsi le jugement de la cause du martyre était réservé à l’autorité ecclésiastique.

3. De même, fallait-il examiner les circonstances de la mort. La question de savoir s’il était permis à un chrétien de se livrer au persécuteur a été diversement

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

résolue suivant les cas. Plusieurs, et non des moindres, ont blâmé cette ardeur indiscrète, mais de grands personnages se sont trouvés aussi pour l’excuser et admirer la générosité qui l’inspirait. Eusèbe, Hist. eccl., t. VII, c. xii ; De martyr. Palestinæ, iii, 2. D’autre part le concile d’Elvire (300) porte ce décret : « Si quelqu’un brise les idoles et se fait tuer sur place, comme le fait n’est pas mentionné dans l'Évangile ni rapporté comme accompli du temps des apôtres, nous avons pensé qu’il ne devait pas être reçu au rang des martyrs. » Can. 60. On peut citer d’autres exemples pour l’une et pour l’autre discipline. « On voit, conclut le P. Delehaye, que le contrôle exercé par l'Église sur l’admission des martyrs au privilège du culte public était presque partout commandé par la nature des choses et que l'équivalent de la vindicatio, dont la pratique régulière se constate en Afrique, devait fatalement s’observer partout. L’on ne conçoit pas d’ailleurs une commémoraison annuelle et d’un caractère solennel sans l’assentiment de l’autorité. Mais dans la bienheureuse antiquité, ces choses se passaient fort simplement, et l’on n’a pas besoin de se figurer dans chaque Église un tribunal ecclésiastique réglant les affaires du culte et discutant l’inscription des martyrs sur les diptyques. » H. Delehaye, Le témoignage des martyrologes, toc. cit., p. 91. Cependant « l'évêque et son clergé veillaient à ce que tout s’accomplît avec régularité, car il s’agissait de ne pas laisser les intrus pénétrer dans le catalogue officiel et authentique. Pour cela, il avait suffi de recueillir le témoignage des assistants qui connaissaient le martyr et, après l’avoir vu vivre, l’avaient vu mourir. Dès lors aucune hésitation n'était possible, aucun délai n'était nécessaire ; et, du consentement de l'évêque, le culte liturgique s'établissait autour du tombeau. Le culte remontait, peut-on dire, au jour même du supplice suivi de la déposition. » H. Leclercq, Dictionn. archéol. chrét. et liturgie, art. Martyr, t. x, col. 2441.

d) Pour ceux qui étaient morts en prison, après l’interrogatoire, avant ou après la torture, et qui méritaient le titre de « confesseurs », au sens primitif du mot, les précautions ont été minimes aux premiers siècles. Saint Cyprien recommande « de noter aussi leur dies natalis, pour en faire l’anniversaire avec ceux des vrais martyrs ». Epist., xii, 2, éd. Hartel, p. 503. Pourtant, à cette même époque, au milieu du iiie siècle, une inscription du cimetière de Prétextât rapproche les martyrs et les confesseurs, avec une distinction pour ces derniers : Mari. Januari, Fel[icissimi, Agapiti], et coff. Quirini, Majo[ris. Nuovo bull. di arch. crist., 1909, p. 45, pl. i et il. Le mot confessor a perdu sa signification primitive, pour en prendre une intermédiaire, dans cette inscription de la crypte de l'église Saint-Ambroise de Milan : Et a domino coronali sunt beati confessores, comités martyrorum, Aurelius, Diogenes confessor, et Valeria felicissima bibi in Deo fecerunt. Corp. inscr. lat., t. v, n. 6180. Cf. H. Delehaye, Sanctus, c. Martyr et confesseur, p. 74 sq.

/II. la DOCTRINE des IIe et IIIe siècles. — L’enseignement des premiers auteurs chrétiens n’est pas aussi profond qu’on l’attendrait d’une pratique aussi fervente ; c’est là qu’on constate le rôle imparfaitement conservateur de la tradition ecclésiastique : elle attendra les siècles suivants pour éclairer les usages par les principes gardés dans l'Écriture. Pour le moment, le culte des martyrs est une coutume chère, mais inexpliquée. C’est une tradition apostolique dont on garde la possession tranquille (Hermas), que l’on mentionne parfois aux païens, mais pour en écarter tout soupçon de polythéisme (Justin, Irénée), que l’on rappelle aux fidèles, mais pour en montrer le bien-fondé en droit chrétien (Tertullien), pour en signaler les avantages (Irénée, Hippolyte, Origène, etc.), pour en régler la

XIV.

29.