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SAINTS (CULTE DES). LE NOUVEAU TESTAMENT


commerce possible entre nous et les saint s du paradis ? » Aux gentils, saint Paul propose plutôt en modèle la foi d’Abraham. Rom., iv, 2 sq. ; Gal., iii, 0. Pourtant l’Apôtre ne dit pas nue les fidèles soient bénis par l’intermédiaire ou par l’intercession d’Abraham.

2. Le rédacteur de l'épître aux Hébreux réunit toute cette « nuée de témoins » : Abel, Enoch, Noé, Abraham, Sara, une femme, Isaac, Joseph, Moïse, les Juges et les prophètes, dans une même louange de leur foi, de leur attente du Messie et de « la patrie du ciel », Hebr., xi, dans le rappel encourageant de leurs épreuves et de leurs supplices, qui en faisaient les protagonistes des martyrs chrétiens : « Pour vous, vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang dans votre lutte contre le péché… Mais vous vous êtes approchés… d’un chœur et d’une assemblée de premiers-nés, inscrits dans les cieux…, des esprits des justes parvenus à la perfection. » Hebr., xii, 4-22. Autant dire que les saints de l’Ancien Testament sont des modèles parfaits pour la nouvelle Église : voilà ce qu’on peut appeler la portée morale de leur culte. Et en voici le fondement dogmatique : ces anciens serviteurs de Jahvé sont les aînés de la grande famille de Dieu, qui célèbrent ses bienfaits de la terre et la perfection qu’il leur a donnée. Ne prient-ils pas aussi pour les frères encore vivants ? Et ceux-ci, ne peuvent-ils les invoquer ? L’auteur sacré ne le dit pas ; mais, d’une part, ces derniers « se sont approchés des esprits des justes » ; comment, sinon par la pensée et la prière ? D’autre part, les justes parfaits sont nommés entre le Juge, Dieu de tous les saints, et Jésus, le médiateur suprême, xii, 24 : si Notre-Seigneur, qui crie miséricorde, est l’intermédiaire indispensable, les justes de l’ancienne Loi ne sont-ils pas des avocats utiles ? Sans doute l’auteur, qui avait pris à tâche de montrer que Jésus était « l’excellent grand-prêtre de la nouvelle Alliance » Hebr., v, 1-14, celui que les anges adorent et que les prophètes espèrent, n’avait pas à spécifier le secours à attendre des prières des patriarches ; cependant, cette unique médiation ne lui cachait pas le rôle salutaire de ces « auxiliaires subordonnés, envoyés comme serviteurs pour le bien de ceux qui doivent recevoir l’héritage du salut ». Hebr., i, 14. Au vrai, toute sa doctrine est basée sur la communion des saints de l’Ancien Testament, avec leurs frères puînés, en Jésus et en « Dieu, par qui sont toutes choses, car celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés, tous sont d’Un ». Hebr., ii, 10-11. Il ne parle pas pourtant du secours des saints quand il énumère les soutiens de la vie chrétienne : Dieu, Jésus-Christ, mais il dit un mot seulement de l’exemple des saints apôtres et des martyrs disparus : « Souvenez-vous de ceux qui vous conduisent, qui vous ont annoncé la parole de Dieu ; et, considérant quelle a été l’issue de leur vie, imitez leur foi. » Hebr., xiii, 7. Même exhortation de dévouement et d’imitation, Hebr., vi, 12. Ce serait trop d’y voir un encouragement à fêter les anniversaires des apôtres, comme le fait pseudo-Clément, dans les Constitutions apostoliques, t. VIII, c. xxxiii ; mais ce ne serait pas assez de n’y trouver qu’une froide consigne d’imitation ; toute la doctrine de l'épître aux Hébreux est inspirée du sentiment tout paulinien de la communion des saints et de la présence active des frères du peuple fidèle.

3. Les enseignements de l’Apocalypse sont en continuité avec ceux de la Sagesse sur le « règne des saints », règne qui semblait bien réservé au dernier jugement par l’auteur de la Sagesse : « Et celui qui vaincra », reprend saint Jean dans sa lettre à l'évêque de Thyatire, « et qui aura gardé nies œuvres jusqu'à la (in [de sa vie], je lui donnerai puissance sur les nations. Il les gouvernera avec un sceptre de fer, et elles seront brisées comme un vase d’argile. > Apoc, [I, 2627 ; cf. Apoc, m. 21 : IN., n. 9 et Ps., ex, l. Comme

on le voit, c’est une association au Messie dans ses fonctions de juge suprême, « comme moi-même j’en ai reçu le pouvoir de mon Père ». Apoc, ii, 28. "Voilà, dès l’origine du culte chrétien, l’association des saints à Jésus-Christ. Dès à présent, il y a « des prières faites par les saints » et présentées au ciel dans des coupes d’or par les vingt-quatre vieillards de la seconde vision du prophète, Apoc, v, 8 ; seulement ces saints, qui ont besoin d’intermédiaires, doivent être les fidèles vivant sur la terre ; du moins peuvent-ils compter sur les bons offices des anges qui sont devant Dieu, ceux-ci connaissent leurs prières et les offrent à Dieu et à l’Agneau, sans que leur intermédiaire fasse obstacle, bien au contraire. Mais voici les saints, les vrais saints du ciel : « Les âmes de ceux qui ont été tués pour la parole de Dieu et pour le témoignage qu’ils avaient rendu, criaient d’une voix forte : « Jusques à quand, ô Maître « saint et véritable, ne ferez-vous pas justice et ne rede- « manderez-vous pas notre sang à ceux qui habitent sur « la terre ? » Apoc, vi, 9-10. Voilà donc des âmes qui s’occupent de ce qui se passe sur la terre ? Quelles sont ces âmes ? Le texte le dit : celles des martyrs chrétiens. Où sont-elles maintenant ? Non plus dans leurs corps, qui gisent dans les tombeaux, mais « sous l’autel », où se tient l’Agneau immolé, loc. cit., et devant le trône de Dieu, donc au ciel des bienheureux. Mais la scène se passe bien durant la phase terrestre de la vie de l'Église. L'ère des martyrs n’est pas close, et l’heure de la justice et de la punition des persécuteurs, celle de la parousie, pour si prochaine que Jean l’aperçoive, n’est pas encore sonnée. « Ils criaient d’une voix forte », ils priaient avec assurance ; ils exigeaient du « Maître saint et fidèle » la manifestation de sa sainteté et l’accomplissement de ses promesses. Ces promesses visent surtout « la vengeance de leur sang », répandu par les premiers persécuteurs, la punition des impies qui est la phase initiale de l’instauration du royaume messianique, cf. Apoc, ii, 27 ; mais ces promesses concernaient également la récompense des justes. Cf. Is., i.xvi ; Jer., xxxiii. Dans l’Apocalypse chrétienne, la perspective change sans doute et la récompense des uns, la punition des autres s’opèrent toutes deux dans l’au-delà. Saint Jean annonce que le sang des martyrs criera vengeance encore quelque temps, mais il voit que tout de suite une première satisfaction est accordée à leur prière : « Alors on leur donna à chacun une robe blanche. » Apoc, vi, 11. Que signifient ces robes blanches ? Ce ne sont pas encore les ultimes faveurs de Dieu, faveurs qui sont décrites plus loin, au futur : vii, 15 6-17 ; mais c’est plus que cette ytoria animée qu’ont voulu y voir divers commentateurs. Ces robes sont un privilège des martyrs, de « ceux qui viennent de la grande tribulation, et qui ont blanchi leurs robes dans le sang de l’Agneau, (".'est pour cela qu’ils sont devant le trône de Dieu et le servent jour et nuit dans son sanctuaire. » vii, 14-15 a. Ce privilège comporte, semble-t-il, une union spéciale à l’Agneau immolé, à Jésus, le prince des martyrs et une intimité particulière avec Dieu, qu’ils servent et auquel ils adressent leurs louanges sans intermédiaire : « Ils criaient d’une voix forte : Le salut vient de notre Dieu… ; et tous les anges… disaient : Amen ! » vii, 10-11. Le salut certes vient de Dieu ; mais ne vient-il pas aussi de l’Agneau et ne peut-il pas être facilité par ces martyrs, prctics et familiers de Dieu « dans son sanctuaire » céleste.' Le présent texte n’en dit pas davantage ; on y trouve, en somme, l’affirmation bien nette que les martyrs les prémices de nos saints, s’intéressent aux choses de notre monde, qu’ils prient dans cette intention, qu’ils sont unis à Jésus dans son triomphe et dans sa sollicitude pour son Église, qu’ils ne sont pas — pourrait-on ajouter — toujours exaucés immédiatement dans leurs désirs : c’est plus qu’il n’en faut