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SAINTS (CULTE DES). LE NOUVEAU TESTAMENT


giles les mettent de préférence en relation avec le Christ. Sans doute ce n’est là qu’une nuance du culte naissant et qui n’est pas nettement tranchée : de même que « les prophètes ont désiré le Messie », Matth., xiii, 17, les apôtres travailleront pour le royaume de Dieu, et seront récompensés avec les prophètes, « afin que semeur et moissonneur se réjouissent ensemble… » Joa., iv, 36-38. Pourtant les apôtres ont pour principal titre de gloire d’avoir été appelés au travail par le Christ et d'être unis à lui dans le labeur de l’apostolat, Joa., xv, 18-21, dansla mort, Joa., xvi, 2 ; Matth., xx, 23, dans la récompense, Joa., xiv, 12 ; xvii, 10, et dans le jugement des hommes. Matth.. xix, 28. Quant aux martyrs, le Christ leur rendra devant son Père le témoignage qu’ils lui auront rendu devant les hommes. Matth., x, 32. D’ailleurs, sauf l’auréole de la mort pour le Christ, qui est le privilège des martyrs, les saints de la Loi nouvelle seront unis au Christ par la grâce, Joa., xv, 1-11, et dans la gloire : Si quis mihi ministrat, me sequatur : et ubi ego sum illic sit et minister meus. Si quis mihi ministraverit, honoriflcabit eum Pater meus. Joa., xii, 26. Ces paroles de Jésus-Christ, qui ont été introduites par l'Église dans ses ofïices des martyrs, sont en effet la raison théologique essentielle du culte des saints : mystère d’unité que Jésus annonce dans sa prière sacerdotale : « Je prie… pour que tous ils soient un en nous. » Joa., xvii, 21. Jésus ne pouvait prudemment développer devant ses disciples toutes leurs grandeurs futures ; mais attendons seulement que la prière au Christ ait pris dans l'Église chrétienne la place à part qui lui revient, et la prière aux martyrs du Christ s’y épanouira sans phrases, sans raisonnements abstraits, par la seule force du sentiment chrétien.

L’enseignement apostolique.

1. Cependant ce

mystère de l’union des saints au Christ, il était réservé à saint Paul de le mettre dans une plus vive lumière, sous la figure du corps mystique du Christ : cette union spirituelle est une unité organique des saints avec le Christ, des saints les uns avec les autres : saints anciens et saints de tous les temps, saints du ciel et fidèles de la terre.

Cet enseignement apostolique ne constitue sans doute qu’une plate-forme pour la théologie du culte des saints, mais autrement vaste et solide que le détail d’une parabole ou un texte sujet à interprétations. Appliqué à l’invocation des saints par les premiers théologiens du iiie siècle, il a été mis en valeur par Origène, qui cite I Cor., xii, 26 : « Si un membre souffre, tous les autres souffrent ; si l’un est honoré, tous les membres se réjouissent avec lui », De oratione, xi, 2 ; In Num., hom. xxvi, 6 ; In Cantic, ni. Et cette doctrine, dont la synthèse est due sans doute à l’apôtre Paul, n’est pas une intrusion étrangère — par exemple des mystères païens — dans le messianisme juif et dans la révélation évangélique, puisque l’union intime des fidèles avec Dieu était l’une des promesses de l’Alliance nouvelle, Os., ii, 21, etc., et que Jésus en avait rattaché divers éléments à sa prédication la plus authentique : les anges du ciel s’intéressent à la pénitence des pécheurs et au scandale des enfants. Matth., xviii, 10-14. Ce n’est pas non plus une doctrine fragmentaire ou une simple vue de l’esprit de Paul, puisqu’elle embrasse pour lui la foi chrétienne, la morale et l’ascèse des nouveaux fidèles. Rom., xii, 4, etc. « Il faut donc s'étonner de voir un homme de bon sens et nourri des principes de la religion chrétienne douter du secours des saints. En effet, si les fidèles sont les membres du Christ, et constituent son corps mystique ; si à ce corps appartiennent comme membres, non seulement les fidèles viateurs, mais aussi les bienheureux parvenus au terme parce qu’il n’y a pas en effet plusieurs corps mystiques du Christ ; si donc entre les

fidèles, entre membres du même corps, doit régner une charité mutuelle, I Cor., xii, 26, et si cette charité ne s'éteint pas par la mort, mais en sort purifiée, augmentée et parfaite ; si tout cela est certain, il est vraiment incroyable que la fleur propre et le fruit vivant de cette charité — la prière pour le salut des autres — s'éteigne [chez les saints] sitôt après la mort, et que leur charité, si pleine jusque-là d’attention et de sollicitude [ pour leurs frères de la terre] devienne subitement stérile, oisive et sommeillante. » H. Hurter, Theolog. dogmat. compendium, tr. X, th. cclxxxix, n. 719.

Les théologiens réformés ont fait remarquer, sans doute, que saint Paul n’applique jamais sa doctrine du corps mystique aux prières que font les saints pour nous, ni au secours que nous devons en attendre. Calvin, Institut., III, c. xx, § 24. Mais les broussailles ne devraient pas leur cacher la forêt, ni les abus du culte leur faire oublier son enracinement dans le fond vivant du christianisme. Il ne faut rien laisser perdre de l'Écriture : ou bien le corps mystique du Christ, avec ses échanges de prières et de services, se restreint aux fidèles vivants ; alors nous n’avons qu’une Église visible ; ou bien cet organisme, prodige d’unité, s'étend au monde céleste, et les bienheureux en sont membres, bénéficiaires et bienfaiteurs, comme nous-mêmes. D’ailleurs le silence de l’Apôtre ne prouve rien ici : car, malgré l’intérêt qu’il reconnaît à ce point capital de sa révélation, il ne l’applique dans ses lettres, qu’aux questions soulevées par ses destinataires : aux Corinthiens, il dit : « Vous êtes le corps du Christ et ses membres ; mais chaque membre a sa fonction propre. » I Cor., xii, 27 sq. Aux Galates, il écrit : « Le Christ se forme en vous ; mais en lui, ni circoncision, ni incirconcision. » Gal., iv, 19 et v, 6. Aux Éphésiens et aux Colossiens, dont plusieurs s’inquiètent de chercher un supplément de salut dans le « culte des anges », il demande de « s’attacher au Chef, duquel tout le corps prend force et accroissement », Col., ii, 18-19, parce qu' « en lui vous avez tout pleinement, lui qui est le chef de toute principauté et de toute puissance. » Col., ii, 10. Les problèmes ainsi posés par la situation de ces Églises : rivalité entre les ministères ecclésiastiques, superfluité des observances judaïques, concurrence des moyens supérieurs de salut, tout cela ne l’engageait guère à proclamer le concert établi par le Christ et dans le Christ entre l'Église de la terre et l'Église du ciel. Cependant Paul ne peut s’interdire de dépasser parfois le sujet précis de ses préoccupations et d’aborder de biais le problème de nos relations avec les saints, dans le Christ-Jésus. Ne dit-il pas aux Galates que « notre mère est la Jérusalem d’en haut » ? Gal., iv, 26, que le Christ qui est la tête du corps mystique « a été constitué dans les cieux au-dessus de toute principauté » ? Eph., i, 21. N’avait-il pas déjà écrit aux Thessaloniciens que « les morts qui se sont endormis dans le Christ » demeurent « dans le Christ », I Thess., iv, 14, 16 ; et qu’au ciel « ils habitent auprès du Seigneur, tandis que, vivants en ce corps, nous sommes, nous, loin de lui » ? II Cor., v, 6-8. Si donc saint Paul a confiance dans les prières des fidèles vivants, I Thess., v, 25 ; II Thess., iii, 1 ; Rom., xv, 30 ; Col., iv. 3 ; Eph., vi, 19, etc., combien plus efficacement l’aideront les « prémices des dormants », avant même le jour du triomphe final, où Dieu « sera glorifié dans ses saints ». II Thess., i, 10. Car, dès maintenant, nous pouvons les appeler à notre secours, « étant les concitoyens des saints et membres de la famille de Dieu », « de qui tire son nom toute une famille dans les cieux et sur la terre ». Eph., ii, 19 et iii, 15. Il faut évidemment compléter, à chaque texte, la pensée de l’Apôtre ; mais ne le faisons-nous pas plus harmonieusement que les protestants qui veulent, après Calvin, qu’il n’y ait « aucun