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SAINTS (CULTE DES). L’ANCIEN TESTAMENT


de Daniel (Dan., ix 21 et x, 13), se développait de plus en plus : qu’on se rappelle les apparitions des cavaliers célestes à Judas Machabée. II Mac, x, 29-38 et xi, 8. Des guérisons sont attribuées aux anges, et aussi aux saints, sous des formes merveilleuses qui font penser aux miracles des saints guérisseurs, Tob., viii, 1-3 : ici le texte grec porte seulement : « Tobie plaça le cœur et le fiel du poisson sur les charbons ardents ; le démon sentit l’odeur et s’enfuit » ; mais la Vulgate a une autre leçon significative : « Il posa la partie du fiel sur les charbons ardents ; alors l’ange Raphaël saisit le démon et le tint enchaîné dans le désert de la Haute Egypte. » Josèphe attribuait encore des miracles au roi Salomon, Antiquit. jud., t. VIII, c. ii.

L’intercession des saints.

Il faudra que les Juifs,

revenus d’exil, relisent Jérémie, qu’ils lisent Job, qu’ils comprennent les magnifiques chapitres ix et x du Deutéronome où sont célébrées les interventions salvatrices de Moïse. Deut., ix, 18-19. Mais il faudra aussi que les Juifs entrent dans la pensée assiz mystérieuse d’Ézéchiel et d’Isaïe sur le rôle providentiel des prophètes, gardiens de la cité, Is., xxi, 11 ; lii, 8, et convertisseurs, Is., l, 2 ; Ez., xxxiii, 7, sur l’appui des justes en général, Is., lvii, 1 ; lix, 16, pour comprendre que Dieu veut se constituer désormais des délégués auprès de son peuple, et que les fidèles peuvent ainsi se ménager des avocats auprès de lui. Aussi ne faut-il pas s’étonner de voir le prophète Jérémie donné par le 1 Ie livre des Machabées comme l’avocat du peuple de Dieu, en compagnie du grand-prêtre Onias, le représentant de l’autre pouvoir spirituel, de la hiérarchie régulière, d’Onias « le saint » mort pour la religion et pour la justice quelques années plus tôt, et dont le meurtre inique avait révolté le peuple fidèle. II Mai., iv, 34, 35. Voici cette double intervention des saints du judaïsme : « Telle fut la vision : Onias, qui avait été grand-prêtre, homme bon et bienveillant…, qui depuis son enfance s’était exercé aux vertus, étendait les mains et priait pour tout le peuple juif. Ensuite ai | arut un autre homme, distingué par son grand âge et son air de dignité, d’un aspect admirable et entouré de la plus imposante majesté. Onias dit : « Celui-ci est « l’ami de ses frères, et du peuple d’Israël ; c’est lui qui « prie tant pour le peuple et pour la sainte cité ; c’est « Jérémie, le prophète de Dieu. lit Jérémie, étendant la main, donna à Judas un glaive d’or, en disant : « Reçois le saint glaive comme présent de Dieu, par « quoi tu renverseras les ennemis de mon peuple « d’Israël. » II Mac, xv, 12-16.

Cette vision jette un jour assez nouveau sur le sort des justes après la mort et sur leur puissance de prière pour le peuple élu. Sans doute l’auteur du IIe livre des Machabées ne dit pas que Judas, dans la fête qu’il institua à l’occasion de sa victoire, ibid., 37, ait donné un souvenir liturgique à cette apparition du prophète et du grand-prêtre. Mais la pensée des Juifs pieux était ainsi amenée à suivre ces grands saints dans leur vie d’outre-tombe. C’est donc un témoignage inspiré et irrécusable pour nous, en faveur de l’invocation des saints. Il ne valait pas absolument pour la Synagogue officielle, puisqu’elle ne reçut point ce livre dans le canon des Écritures ; et les protestants l’ont exclu pareillement, malgré l’acceptation par l’ancienne Eglise chrétienne ; mais il exprime certainement l’opinion courante des Juifs du IIe siècle avant Jésus-Christ.

L’éloge religieux des saints.

Et voici, pour les

siècles qui suivent le retour de l’exil, une forme ancienne du culte des saints, qui se développe chez eux comme un surgeon tardif de la religion ancestrale : l’étude et l’imitation des exemples des saints s’inscrit dans les Livres sacrés. Le culte des saints anciens et modernes s’explicite dès lors dans les derniers Livres

sapientiaux et dans les apocryphes juifs de la dernière époque. L’Ecclésiastique consacre toute la fin d’un ouvrage qui célèbre Dieu et ses œuvres à la louange des Pères : Laudemus viros gloriosos et parentes noslros in generatione sua. Eccli., xliv sq. Il loue successivement Enoch, Noé, Abraham, Isaac et Jacob, Moïse, Aaron et Phinëes, Josué, Caleb, les Juges, Samuel, Nathan, David, Salomon et les premiers rois de Juda, Élie, Elisée, Ézéchias et. Isaïe, Josias, Jérémie, Ézéchicl, les petits prophètes, Néhémie, etc., c’est-à-dire tous les grands noms dont les Juifs hellénistes lisaient les exploits dans leur Bible, tous ceux dont ils évoquaient le souvenir dans les réunions des synagogues. On imagine très bien que les panégyriques de ce docteur, qui mérita bientôt son surnom d’ « ecclésiastique » aient été utilisés dans les synagogues de la Dispersion ; et l’on conçoit que l’Église chrétienne les ail adoptés pour ses offices. Ces panégyriques ne sont pas, sans doute, absolument des prières aux pères de la nation, mais une prière à Dieu, « admirable dans ses saints » ; elle rappelle que ceux-ci, de leur vivant, ont eu un grand pouvoir sur lui, que les grandes actions rapportées par les livres historiques à l’actif de ces grands hommes, devaient être mises au compte de Dieu, que c’étaient comme autant de prodiges en leur faveur. Prière toute théocentrique, qui était en même temps tournée vers la pratique de la loi de Dieu. Quel modèle meilleur la prière catholique pouvait-elle se donner ?

Quant à la Sagesse, ce dernier livre de l’Ancien Testament, elle ne donne qu’une toute petite place à l’éloge religieux des saints. Elle dit bien qu’ils ont acquis la sagesse par la prière, par leurs qualités natives et par leur travail, que « les labeurs de la sagesse ont produit les vertus, la tempérance, la prudence, la justice et la force » et conquis « l’immortalité », Sap., viii, 21, 19, 7, 17, etc., ce qui est un programme de sanctification bien pondéré ; elle prétend bien que « les âmes des justes sont dans la main de Dieu », m. 1, non seulement durant leur vie, comme le chantait autrefois Moïse, Deut., xxxiii, 3, mais jusque dans « les tourments » de leur martyre, et surtout, comme l’expliquent les Pères de l’Eglise, dans le salut de leur âme immortelle. Seulement leur triomphe est à étapes, ou même à retardement, et « ils brilleront au jour de leur récompense », au jour du jugement final ; alors seulement « ils jugeront les nations et domineront sur les peuples ». Sap., iii, 7-8. Auparavant, ils « ont acquis la gloire à prendre part à la conversation » de la sagesse, et, sitôt, après leur mort, « ils obtiendront, à cause d’elle, l’immortalité, et laisseront à la postérité un souvenir éternel », Sap., viii, 18 et 13, ce qui ne reconnaît pourtant aux saints aucune mission de protection sur les vivants, aucun droit à un culte religieux de leur part. La tradition chrétienne seule devait élucider « cette espérance pleine d’immortalité ». Sap., iii, 4. Cf. S. Cyprien, De exhortatione martyrii, c. xii.

Au reste, le respect religieux qui se marquait depuis des siècles pour les anciens justes, s’étendit alors aux docteurs de la Loi et aux martyrs de l’époque d’Antiochus : « Ceux qui ont été écrasés par le roi persécuteur. .. posséderont le royaume, …et formeront le peuple des saints du Très-Haut », Dan., vii, 25, 27 ; et « ceux qui auront formé les autres à la justice seront comme des étoiles, éternellement et toujours ». Dan., xii, 3. Ce respect comporte, envers ces « hommes favorisés de Dieu », et à qui les anges donnent des instructions consolatrices, Dan., ix, 20-23 et x, 12-14, une confiance singulière en leurs prières ; mais il exclut naturellement les honneurs divins, qui ne leur sont donnés que par les païens. Dan., ri, 46. Après leur disparition, il exclut toute espèce de culte public, mais il admet pourtant le rappel de leurs vertus, culte de louange, si l’on veut, rien de plus. Dans ces périodes