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SAINTS (CULTE DES). L’ANCIEN TESTAMENT
« Vous qui aimez le Seigneur, haïssez le mal ; Dieu

garde la vie de ses saints : il les délivre du pouvoir des pécheurs. » Le succès de la prière est une question de mérites personnels, et les saints du passé n’y ajoutent rien, ce qui est d’ailleurs l’exacte doctrine catholique, que plusieurs Pères de l’Église développeront strictement, à rencontre des mauvais chrétiens qui se reposent sur les mérites des saints du souci d’amender leur conduite.

Chez les plus anciens prophètes, il y a encore, seinble-t-il, solidarité pour la récompense comme pour le châtiment. Cf. Mich., vii, 2, 20 ; vi, 4-5. Mais Isaïe, qui appelle intentionnellement Dieu « le saint d’Israël », le « rédempteur d’Abraham », Is., xxix, 22, a soin de détourner les fidèles de trop compter sur le secours des patriarches : « Car Abraham nous ignore, et Israël ne nous connaît pas ; mais vous, vous êtes notre père. » Is., lxiii, 16. Qu’est-ce à dire, sinon que Dieu seul est père au sens de sauveur ? Mais les patriarchss le sont toujours à titre d’amis de Dieu et de défenseurs de leur peuple : « Votre nom est : notre rédempteur dès les âges anciens… Revenez à nous pour l’amour de vos serviteurs ! » ibid., 16, 17. Jérémie, au contraire, regarde la cause du royaume comme désespérée, et les promesses faites par Dieu comme caduques, par suite des péchés des princes et du peuple. Jer., xxxii, 17-23. Peut-être les faux prophètes en appelaient-ils encore aux mérites des saints du passé, .1er., xxiii, 17 ; mais Dieu les renie : « Jahvé me répondit : Quand Moïse et Samuel se tiendraient devant moi, mon âme ne se tournerait pas vers ce peuple. » Jer., xv, 1. Ce texte énergique, utilisé par les controversistes protestants, marque que l’intercession des grands ancêtres est incapable désormais d’écarter la ruine de Jérusalem, tout comm ; la prière personnelle du prophète et les jeûnes des Juifs pieux qui l’entourent. Il ne signifie pas assurément que la prière à Dieu et l’intervention des saints soient, en toute circonstance, inutiles et insensées, comme le note Bellarmin, De Ecoles. triumph., t. I, c. xviii ; mais il prouve encore moins, comme il le voudrait, que Moïse et Samuel, dans l’audelà, fussent pour le prophète des intercesseurs officiels. Il rappelle plutôt cette doctrine, trop oubliée par les enfants d’Abraham, que finalement « Dieu rendra à chacun selon ses voies et selon le fruit de ses œuvres ». Jer., xxxii, 19. La même doctrine est répétée à satiété par Ézéchicl, avec la même conclusion que les prières des saints ne peuvent compenser la révolte contre Dieu : « Si un pays se révoltait contre moi…, et qu’il y eùl dans ce pays ces trois hommes : Noé, Daniel et Job, eux sauveraient leur âme par leur justice…, mais le pays serait dévasté. » Hz., xiv, 13-16. Dans cet enseignement formel des grands prophètes, le théologien catholique trouve donc plutôt des objections apparentes contre l’invocation des saints, objections qu’il est d’ailleurs facile de résoudre et d’utiliser pour une saine compréhension de ce culte. Cf. Jer., xxxvii, 3 ; Ez., xxii. 3u.

Mais pourquoi ces hommes de Dieu se sont-ils efforcés de dissiper la confiance exagérée de leurs contemporains, sinon parce que ceux-ci interprétaient mal la consigne, divine elle aussi et déposée eu maints exemples dans leurs anciens livres historiques, celle de recourir dans leurs calamités nationales aux mérites et aux prières de Leurs ancêtres ?

3. Un nouveau problème se posait donc, encore mal exploré, celui des destinées individuelles ; que valait sur ce plan la prière des saints ? Le livre de.lob, eu son épilogue, a une notation très nette — la plus précise de tout l’Ancien Testament eu laveur de l’intercession des justes : i Allez à mon serviteur.lob. et offrez pour VOUS nu holocauste ; Job, mon serviteur, priera pour VOUS, et c’est par égard pour lui seul que je ne vous

traiterai point selon votre folie. » Job, xlii, 8. Ici le saint, encore vivant sans doute, obtient pour des particuliers, des amis personnels, une grâce spéciale, à laquelle il dirige son intention et son sacrifice. Ce dernier est bien reçu de Dieu à cause des vertus de Job et son intervention même, conseillée par Dieu, est pour lui un mérite nouveau. Une simple comparaison faite plus tard par les docteurs chrétiens entre la situation des justes sur la terre et celle des saints dans le ciel, leur permettra de conclure que la prière des bienheureux doit être encore plus efficace que celle de Job. Mais les idées régnantes, avant et après Job, sur l’état des âmes avant la résurrection finale, interdisaient aux Juifs moyens de faire pareil raisonnement. Au jugement de Bellarmin, « cette question domine toutes les autres », dans l’utilisation de l’Ancien Testament, pour la question qui nous occupe : « en effet, si les âmes des patriarches et des prophètes n’étaient pas honorées et invoquées avant la venue du Christ comme nous invoquons maintenant les apôtres et les martyrs, c’est parce que ces âmes des anciens justes étaient encore tenues enfermées aux enfers. » Bellarmin, Dr Ecoles, triumph., ordo disput., et t. I, c. xx. Par contre, dans le livre de Job, le recours aux anges de Dieu est approuvé, pour obtenir lumière (Job, v, 1) et secours (Job, xxxiii, 23). Mais, dit encore Bellarmin, « ces paroles ne sont pas convaincantes, étant mises sur les lèvres des amis de Job, ce qui prouve seulement que la coutume régnait alors d’invoquer la protection des saints anges ». Loc. cil.

Si donc, l’homme juste est laissé à ses mérites personnels, il peut du moins trouver dans les saints du passé un secours pour sa conduite : il doit s’inspirer de leurs exemples.

L’imitation des saints au retour de l’exil.

Ce côté

moral du rôle des saints était trop conforme aux préoccupations des restaurateurs du peuple juif pour rester oublié. Mais il avait des attaches avec le passé religieux. Déjà le collecteur des psaumes avait inséré la magnifique louange des observateurs de la Loi, Ps., exix. et célébré la gloire posthume du juste : Beatus vir qui timet Dnmiruun… Ps., cxii, 1, G, 9 ; il avait ajouté en tète du recueil un autre psaume : Beatus vir, avec les espérances messianiques du consitium juslorum. Ps.. i, 5. Le dernier des prophètes avait ouvert devant les yeux des plus fervents le livre de vie, destiné à une glorieuse carrière : « Alors ceux qui craignent Jahvé se sont entretenus les uns avec les autres, et Jahvé a été attentif ; il a entendu et un livre a été écrit devant lui pour conserver le souvenir de ceux qui craignent Dieu… Au jour que je prépare, dit Jahvé des armées, ils seront pour moi un bien particulier et j’aurai pour eux la tendresse qu’un homme a pour son fils qui le sert. » Mal., iii, 16-17.

Pour avoir part à cette récompense des justes, les juifs observants se font une loi surérogatoire d’imiter les saints anciens et nouveaux. Le livre de Tobie profère ces axiomes, déjà chrétiens d’inspiration : « Nous sommes les lils des saints et nous espérons cette vie que Dieu donnera à ceux qui n’ont jamais renié leur foi en lui. o Tob., ii, 16-18. Et le livre rappelle aussi « les exemples du saint homme Job », qui seront avec ceux mêmes de Tobie, « un exemple de patience pour la postérité. Ibid., 12-15. On ne saurait trouver, même dans le Nouveau Testament, une page qui soit plus précise en faveur de l’imitation des saints et plus proche de l’enseignement le plus sûr et le plus pratique sur le culte des saints. Il n’y manque qu’une invocation directe aux saints dans la prière ; mais cette insertion aurait semblé aux meilleurs une dangereuse intrusion, la prière Juive étant sévèrement réservée à Dieu.

A la même époque, le culte des anges dont les interventions tiennent une si grande place dans les visions