Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/443

Cette page n’a pas encore été corrigée
871
872
SAINTS (CULTE DES). L’ANCIEN TESTAMENT


mis sous la protection spéciale du Tout-Puissant ; très fréquent aussi dans les écrits apostoliques, le mot i saint n’implique — cela va sans dire — aucune sorte de canonisation, mais désigne les fidèles, avec spéciale référence à la sainteté qui doit être la règle de leur vie. Voir Acl., ix, 13, 32, 41 ; xxvi, 10 ; Rom., i. 7 ; viii, 27 ; mi. 13 ; XV, 25, 26, 31 ; xvi, 2, 15 ; I Cor., i, 2 ; vi, 1, 2 ; xiv, 33 ; xvi. 1, 15 ; II Cor., i. 1 ; viii, 1 : ix, 1, 12 ; xiii. 12 ; Eph., i, 1, 15, 18 ; ii, 19 ; iii, 8, 18 ; iv. 12 ; v. 3 ; vi, 18, etc. : Apoc, V, 8 ; xiii, 7, 10 ; xiv, 12 ; XVII, 6 ; xix, 8 ; xx, 8. Ces derniers textes pourtant montrent « les saints » de la terre unis aux anges et aux martyrs du ciel ; mais ce n’est pas la mention de ces saints qui peut fournir un élément de preuve.

I. DAJTS L’ANCIEN TESTAMENT. — Il faut savoir se passer de toute une série de textes où se lit le mot « adorer », bien qu’ils aient été apportés en témoignage, au xvie siècle, par les controversistes des deux camps et par Bellarmin lui-même, Controv., De Ecclesia triumphanli, t. VII, c. xiii. C’est d’abord, dans la Genèse, le passage où est raconté l’accueil fait par Abraham aux « trois hommes », dont l’un aurait représenté Jahvé et les deux autres auraient été destinés à punir Sodome. Gen., xviii-xix. Mais, sans avoir à discuter la question obscure de l’Ange de Jahvé, il faut avouer que nous n’avons dans les mots du texte inspiré, prout sonant, aucune preuve d’un culte strictement religieux. Saint Jean Chrysostome ne s’y est pas trompé, non plus que saint Éphrem et saint Ambroise, loc. cit., qui pensent qu’Abraham a été récompensé, non de sa foi, mais de son hospitalité. Cf. Heb., xiii, 2. Il n’y a guère plus, dans les autres passages similaires, relatifs à une époque bien postérieure : I Reg., xxviii, 14 ; III Reg., xviii, 7 ; IV Reg., ii, 15 ; Dan., ii, 46 etc… ; sans doute les « adorations » mentionnées s’adressent à les saints, comme Samuel apparaissant après sa mort au roi Saill, ou à des prophètes éminents, comme Élie ou Elisée encore vivants, ou Daniel « adoré » par le roi Nabuchodonosor. Pour démontrer qu’ils avaient, dans l’intention de leurs auteurs, une autre inspiration religieuse que ceux que l’on donnait à de grands chefs, il faut, sans nul doute, épiloguer sur des actes extérieurs, qui sont d’eux-mêmes assez amphibologiques. Il faut mettre à part deux catégories de textes où les marques de culte indiquent bien l’adoration d’un être sacré, mais parce que cet être est la manifestation directe de Jahvé : c’est, d’une part, avant l’arrivée en Chanaan, l’adoration de l’Ange de Jahvé, Num., xxii, 31, et surtout Jos., v, 15-16 ; et, d’autre part, l’adoration, plus tard, de l’Arche d’alliance, qui était comme le trône de Dieu : Adorate scabellum pedum cjus, quoniam sanctum est, ou plus exactement : sanctus est ! Ps., xcvm (heb.), 5 ; cf. Ps., cxxxii, 7. Mais, dans tous ces exemples, le rapport est si intime entre Dieu et son symbole que le culte de latrie s’adresse à Dieu même, non à la créature ; ce n’est pas le culte d’une personne sainte, tel que nous le cherchons.

A vrai dire, on ne pouvait s’attendre à voir les patriarches, arrachés aux tentations du panthéon babylonien, faire une place à part, dans une religion aussi simple et décantée que la leur, au culte d’êtres supérieurs comme les anges et les saints. Et, à l’époque suivante, devant des tentations nouvelles, la voix du Deutéronome s’élèvera : « Tu craindras Jahvé et tu lui donneras ton service. » Deut., vi, 13 ; aÙT<o jj.6vo), préciseront les LXX. Cependant, comme pour montrer que cette suppression de tout intermédiaire entre lui et son peuple ne tenait qu’à la dureté de leurs cœurs, Dieu avait laissé voir, en certaines de ses interventions, la puissance d’intercession de ses meilleurs serviteurs et recommandé de recourir à leurs prières, ce qui impliquait tout de même ou suggérait aux plus éclairés un certain culte religieux pour ces hommes.

Ainsi la Bible suggère au moins divers points de doctrine qui vont à notre sujet :

1. La prière des saints de la terre est efficace : des exemples magnifiques en sont donnés dans l’Heptateuque ;

2. L’invocation des patriarches, de Moïse et de David, à un titre qu’il faudra essayer de préciser, devient peu à peu au temps des rois et des prophètes, un élément de la prière officielle ;

3. L’imitation des saints d’Israël est recommandée par les Livres sapientiaux et les hagiographes, après le retour d’exil ;

4. Dans les derniers siècles avant Jésus-Christ, on célèbre quelques cas d’intercession des saints ;

5. Les Livres sapientiaux font place à l’éloge des saints, dont les exemples sont proposés pour encourager la confiance du peuple.

Plusieurs de ces enseignements ne sont que des prémisses de la doctrine catholique et les textes bibliques demandent à être mis en valeur par les Pères de l’Église sous l’autorité de la tradition chrétienne.

La prière des saints sur la terre.

Le texte bien

connu, Gen., xviii, 16-31, a été utilisé de tout temps pour montrer l’utilité de l’intercession des saints sur la terre et dans le ciel. Dieu s’est fait reconnaître par Abraham et celui-ci reconduit ses visiteurs, se hasardant à intercéder pour les villes coupables. On sait la fin de cette intervention du patriarche, qui se heurte, comme les saints eux-mêmes, à la mauvaise volonté de ses protégés. Cependant dit saint Ambroise, « nous apprenons de là quel mur constitue pour la patrie l’homme juste, et comment nous devons ne pas porter envie ou dommage aux hommes saints. C’est la foi de ces saints qui nous préserve, c’est leur justice qui nous garde de la ruine ». De Abraham, t. I, vi, 48, P. L., t. xiv (1845), col. 439.

A l’épisode suivant de la vie d’Abraham, Gen., xx, 7-18, Dieu lui-même recommande à Abimélech de recourir à la prière du saint patriarche et l’exauce : « Rends cette femme à son mari, parce qu’il est prophète ; il priera pour toi et tu vivras. » « Voyez, dit saint Jean Chrysostome, combien les prières du juste sont puissantes près de Dieu 1° In h. I. Les choses n’apparaissaient pas aussi claires assurément aux premiers descendants d’Abraham, une fois que celui-ci eut été réuni à ses pères ; cependant, on aura beau les supposer, après Clément d’Alexandrie, [xixpà y.oi : Sji cppovoûvTeç, en matière religieuse, la question de la prière était pour eux si primordiale, qu’ils n’oublièrent pas le fait significatif de Gérarc, et qu’ils gardèrent la tradition d’invoquer Abraham et Isaac dans les circonstances graves de leur vie. Ainsi Jacob, Gen., xxxi, 42 et 53, dit à Laban : « Si le Dieu de mon père, le Dieu d’Abraham, la Terreur d’Isaac, n’avait pas été avec moi… » « Et Jacob jura par la Terreur d’Isaac. » Qu’il faille voir dans l’expression « Terreur d’Isaac », un synonyme de spes Israël, c’est-à-dire un titre de Dieu au culte des fils d’Isaac, ou, comme le croient Aben-Ezra et Cajétan, un appel à la religion du saint patriarche, il est certain que nous avons là un premier geste de piété pour les justes après leur mort : on les nomme dans la prière !

Il y a plus : les patriarches eux-mêmes, avant de mourir, font valoir devant leurs fils la bénédiction qu’ils ont reçue de Dieu, et qu’ils transmettent à leurs descendants. Voir par exemple Gen., xi.ix, 26, qui marque bien l’origine divine de ces grâces temporelles, attachées au geste d’un homme de Dieu.

La prière des pères du peuple est donc précieuse pour les leurs, lant qu’ils sont sur la terre. Que vaut-elle après leur mort ? La Bible ne le dit pas expressément et ce sont les docteurs de l’Eglise qui le lui ont